Le Front National porté par un désir de sanction du système

Dans la perspective des prochaines élections départementales, Harris Interactive a réalisé pour LCP-AN une enquête mesurant le rapport de force national pour le scrutin départemental, organisé les dimanches 22 et 29 mars prochains pour élire dans chaque canton un binôme mixte de conseillers départementaux. Plus précisément, Harris Interactive a sondé les intentions de vote au 1er tour des personnes inscrites sur les listes électorales dans les territoires concernés par les prochaines élections départementales - en France métropolitaine, ce critère exclut les inscrits à Paris et dans la Métropole de Lyon.

Outre la mesure de ce rapport de force, Harris Interactive a également interrogé les personnes concernées sur ce qui motivait leur vote à ce scrutin, leur attitude à l'égard de l'élection potentielle de candidats selon leur étiquette politique, ainsi que sur leurs attentes de soutien mutuel entre UMP et Parti socialiste dans le cas où un binôme de l'une de ces formations serait opposé à une candidature du Front National dans le cadre du second tour.


Que retenir de cette enquête ?

Deux semaines avant le premier tour des élections départementales, ce scrutin suscite peu d'intérêt chez les Français : seule une courte majorité (53%) déclare s'y intéresser, que ce soit « beaucoup » (14%) ou « assez » (39%). Cet intérêt est plus prononcé que la moyenne parmi les personnes les plus âgées (78%), les plus diplômées (59%) ou encore proches des formations politiques d'opposition que sont le Front de Gauche (72%) ou l'UMP (62%). En revanche, ces élections se heurtent à un manque d'intérêt majoritaire parmi les membres des catégories populaires (62% ne s'y intéressent pas, pour 47% sur la moyenne des Français). Rappelons que 74% des Français se déclaraient intéressés par les élections municipales.


Le rapport de force national pour ces élections départementales penche aujourd'hui en faveur du Front National et de la Droite : parmi les personnes inscrites dans les territoires concernés et exprimant une préférence électorale, 30% accorderaient leur suffrage à un binôme du Front National, et 28% à un binôme étiqueté à Droite (soutenu par l'UMP ou l'UDI, ou Divers Droite). Les binômes socialistes ou Divers Gauche ne recueillent que 21% des votes exprimés, pour 6% au Front de Gauche et 4% à Europe Ecologie Les Verts. 3% des suffrages exprimés sont en faveur du MoDem, quand 7% privilégient un autre binôme. Rappelons que ce rapport de force national tient imparfaitement compte des modalités du scrutin, puisque les formations politiques sont inégalement présentes selon les cantons - même si le Front National présente des candidats dans la quasi-totalité des circonscriptions, rendant la mesure de ses soutiens plus aisée.

De façon projective, qu'il s'agisse de la Gauche, de la Droite ou du Front National, aucune étiquette politique n'est perçue intrinsèquement comme une caractéristique positive pour un conseiller départemental.

L'hypothèse que leurs conseillers départementaux soient de Gauche est perçue par une bonne chose par 28% des Français, contre 35% y identifiant plutôt une mauvaise chose. Concernant des élus de Droite, 25% des Français jugent qu'il s'agirait d'une bonne chose, et 27% d'une mauvaise chose. A chaque fois, une majorité relative (35% pour la Gauche, 45% pour la Droite) qualifie cela de « ni bonne, ni mauvaise chose ». Toutefois, la perspective de conseillers départementaux issus du Front National suscite un rejet particulier : 55% des Français estiment qu'il s'agirait d'une mauvaise chose, contre 20% jugeant au contraire que ce serait une bonne chose. On observe des résultats tout à fait similaires quand les Français se projettent la majorité de leur conseil départemental comme associée à telle ou telle couleur politique.

En dynamique, soulignons toutefois que l'attitude des Français à l'égard des étiquettes politiques a largement évolué depuis les élections cantonales (partielles) de mars 2011. Dans l'entre-deux-tours de 2011, l'hypothèse de conseillers généraux de Gauche était perçue positivement par plus de quatre personnes sur dix (41%, contre 28% aujourd'hui), ce qui constituait un signe annonciateur de la large victoire de la Gauche au dernier scrutin et témoigne de son recul probable dans les urnes aujourd'hui. A l'inverse, l'idée d'avoir des conseillers départementaux de Droite (+5 points depuis 2011, de 20% à 25%) ou du Front National (+6 points, de 14% à 20%) est davantage identifiée comme un événement positif par les Français.

Quand bien même les élections départementales constituent un scrutin local, cette échéance présente également la particularité de mobiliser fortement des dimensions nationales. Parmi les personnes ayant exprimé une intention de vote, 86% indiquent certes que les enjeux locaux influent « beaucoup » ou « assez » dans leur choix, mais 72% en disent autant des enjeux nationaux. À titre de comparaison, aux dernières élections municipales, seulement 48% des Français motivaient leur choix de vote par des enjeux nationaux.

De même, 80% des personnes interrogées motivent leur choix pour les élections départementales par les étiquettes politiques des candidats, quand cette proportion n'était que de 65% aux dernières élections communales. En revanche, le bilan du conseil général est moins pris en compte (69%) que ne l'était le bilan du maire (84%) au dernier scrutin municipal. De façon transversale, cette sensibilité des Français aux thématiques nationales et aux étiquettes des candidats est particulièrement prononcée chez les électeurs du Front National (respectivement 84% et 86%).

Concernant un éventuel soutien électoral mutuel entre le PS et l'UMP dans le cadre de duels au second tour face au Front National, processus qui a pu être nommé « front républicain », on observe également des mouvements d'opinion notables par rapport à 2011.

Ainsi, dans l'hypothèse d'un duel de second tour entre Gauche et Front National, seuls 36% des Français attendent de l'UMP qu'elle appelle à voter pour le candidat de Gauche (-8 points par rapport à 2011), tandis que 16% estiment aujourd'hui que le parti de Droite doit appeler au contraire à voter en faveur de la candidature frontiste (+7 points). 7% jugent que l'UMP doit appeler à voter blanc (+1 point) et 41% qu'elle ne doit donner aucune consigne de vote (+1 point). Qui plus est, les sympathisants de l'UMP en particulier souhaitent particulièrement peu voir leur formation politique soutenir une candidature de Gauche face au Front National (14%, -8 points par rapport à 2011) ; bien au contraire, ils sont désormais autant à juger que l'UMP devrait soutenir la candidature frontiste (15%, +5 points).

Néanmoins, la plupart continuent à juger que la formation de Droite doit appeler à voter blanc (16%, +2 points) ou ne donner aucune indication (55%, +1 point). Les sympathisants de l'UMP se reconnaissent donc davantage dans le choix du « ni, ni » choisi par le bureau politique du parti le mardi 3 février à l'occasion de l'élection législative partielle dans le Doubs, que dans une forme de « front républicain ».

Ce positionnement n'est néanmoins pas réciproque entre PS et UMP, dans l'hypothèse inversée d'un duel entre Droite et FN au second tour. Dans cette configuration, 41% des Français souhaitent que le PS appelle à voter pour le candidat de Droite face au Front National (-1 point depuis 2011) tandis que 8% jugent que le PS devrait favoriser la candidature frontiste (+3 points), 7% privilégiant un appel au vote blanc (-2 points) et 43% aucune consigne (+1 point). Contrairement aux sympathisants de l'UMP, notons que les personnes se déclarant proches du PS semblent fortement attachées à l'idée de faire barrage au Front National, quitte à voter pour un adversaire politique : ainsi, 70% des sympathisants socialistes estiment que, le cas échéant, le PS devrait appeler à voter pour le candidat de Droite afin de faire battre le Front National. Ce souhait se renforce même de 5 points par rapport à 2011 (65%). La perspective de voter blanc (8%, -4 points), de ne pas donner de consigne de vote (20%, +1 point) ou a fortiori d'appeler au soutien du Front National (2%, stable) reste donc très minoritaire dans l'état d'esprit des sympathisants socialistes.

Méthodologie: enquête réalisée en ligne du 3 au 5 mars 2015. Echantillon de 1 030 personnes représentatif de la population française âgée d'au moins 18 ans, à partir de l'access panel Harris Interactive. Le rapport de force national présenté ici a été recueilli auprès d'un échantillon représentatif des inscrits sur les listes électorales dans les territoires de France métropolitaine concernés par les prochaines élections départementales (excluant donc Paris et la Métropole de Lyon). Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région d'habitation de l'interviewé(e), et vote aux précédentes élections pour les intentions de vote.



  • Publié le 9 mars 2015

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