#Grenoble : les commerçants exposent leurs craintes

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C'est un phénomène nouveau que de voir des commerçants poser des affiches sur leurs vitrines pour attirer l'attention sur les craintes qui sont les leurs. Enfin un phénomène pas si nouveau que cela puisque sous l'ancienne municipalité PS certains d'entre eux avaient eu un geste identique au sujet des bouchons de l'agglomération grenobloise.

Commerces Grenoble 28 10 15

Ce qui est nouveau ce sont les mots choisis : "mort annoncée", "projets suicidaires" ...

Des mots qui témoignent d'une offensive qui est inédite avec une telle tonalité.

Cette situation est le fruit de trois facteurs :

1) une présence historique considérable de grandes et moyennes surfaces en périphérie de Grenoble qui ont ébranlé le commerce indépendant de proximité dans Grenoble. Il y a eu un quadrillage géographique systématique de l'agglomération grenobloise par la grande distribution à partir de 1980 qui impacte directement le commerce de proximité dans la ville-centre de l'agglomération,

2) une organisation également ancienne de l'espace qui isole le commerce d'un centre-ville difficile d'accès, très replié sur lui-même. Le parcours piéton a été mal équilibré. Des parkings sont très dispersés, chers, perçus comme peu surveillés. Le stationnement en surface est très verbalisé. Tous ces facteurs qui ne datent pas de mars 2014, date de l'élection de la municipalité actuelle, suscitaient déjà des craintes,

3) dans ce climat, des projets de l'équipe d'Eric Piolle ajoutent ce qui est ressenti comme "l'irréparable" : autoroutes à vélos, zone 30 sur toute l'agglo, insécurité croissante, propreté de plus en plus défaillante ...

Derrière les commerces, c'est un enjeu plus global de devenir de la ville de Grenoble. Les commerçants comme les propriétaires sont actuellement angoissés par une dépréciation de leurs biens compte tenu de l'évolution de l'image de marque de cette ville. Les commerçants constatent que leurs clients à hauts CSP vont ailleurs pour leurs achats : Lyon, Chambéry, Valence. Les propriétaires immobiliers constatent une baisse depuis deux ans. Il y a un sentiment d'inversion de la structure même de la ville-centre : une sociologie moins fortunée.

Classiquement et là aussi de longue date, l'agglomération grenobloise était structurée autour de trois strates :

- la ville centre de l'agglomération avec une population très clivée entre tous les quartiers et ceux du sud. Mais en dehors des quartiers du sud, c'était une population à CSP moyens et +,

- la première couronne (Echirolles, St Martin d'Hères, Fontaine, Pont de Claix ...) avec une forte présence ouvrière la "vouant" à des municipalités PCF depuis souvent la Libération à la sortie de la seconde guerre mondiale,

- puis la seconde couronne, moins urbanisée avec un habitat plus individuel, était le "secteur de la droite" avec l'ancrage très fort dans le bas-grésivaudan (Meylan, Corenc, St Ismier ...) où résident les CSP les plus élevés de l'agglomération.

Aujourd'hui, c'est cette sociologie qui est perçue comme remise en question. Perçue, car aucune étude scientifique sérieuse n'est disponible à ce jour sur ce point.

C'est le facteur de fond qui, lui, est nouveau.

A ce facteur de fond s'ajoutent des incompréhensions avec l'équipe municipale. Là aussi, des nuances s'imposent. Dans l'équipe municipale, il y a trois groupes perçus comme différents. Tout d'abord, des écologistes sympas perçus comme "bons enfants" pleins de bonnes intentions et ouverts au dialogue.

Ensuite, des élus très structurés idéologiquement, ressentis comme dogmatiques avec lesquels le dialogue est perçu comme impossible dans la réalité. C'est pas seulement le dossier du commerce qui est alors concerné. Sports, Culture ... suscitent des radicalisations de tous côtés.

Enfin, il y a le cas d'Eric Piolle. La situation est particulièrement nuancée. L'opinion oscille entre la séduction passée et le désamour public. La séduction passée a existé. Réelle.



Mais elle est manifestement fragilisée. De là à en déduire que le Maire actuel serait emporté par une vague massive de contestations marquant un divorce profond, il y a un pas qui ne paraît pas correspondre à la réalité actuelle du terrain grenoblois.

Beaucoup dépendra de la capacité d'Eric Piolle à montrer qu'il est capable de respecter le pragmatisme annoncé pendant la campagne électorale. S'il passe dans le camp des "dogmatiques" son image personnelle s'en ressentira et alors les relations locales changeront manifestement de registre.

Ce "passage" n'est pas encore garanti. C'est l'enjeu de fond de plusieurs dossiers dont celui des commerces. Eric Piolle est-il un "écolo sympa" ou un "dogmatique redoutable" ? C'est la réponse à cette question qui fixera les ancrages des indécis actuels. Les régionales sur Grenoble seront par ailleurs un marqueur intéressant du score des Verts puisque la compétition à gauche est encore d'actualité.

  • Publié le 28 octobre 2015

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