Cannes : Philippe Buerch : soirée - débat très réussie avec Gilles Kepel

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Aux nombreux observateurs qui regrettent à juste titre le divorce actuel entre l'action publique et le monde des idées, voilà au moins une soirée qui met en échec ce constat. Cette soirée c'est celle qui a été organisée par Philippe Buerch avec pour invité Gilles Kepel sur le thème de l'islamisme.

Philippe Buerch 17 06 16

Philippe Buerch avait posé le débat dans un discours de grande qualité particulièrement apprécié et applaudi.

Qu'a indiqué Philippe Buerch ?

Pour l'essentiel, les extraits importants sont les suivants :

" ...

Le monde n'a pas seulement changé le 11 septembre 2001.

Les valeurs qui fondent notre civilisation sont, depuis cette date, mises à mal.

Comme moi, vous avez été meurtris par les attentats de Charlie Hebdo et par la terreur irraisonnée qui a frappé au Bataclan.

Avant hier soir encore, au cœur de la mégapole d'Istanbul, le fanatisme que véhicule Daesh vient encore de frapper lâchement des innocents.

Notre aspiration à la compréhension et notre désir de connaissance sont immenses.

Comme moi, vous ne comprenez pas, vous cherchez les raisons qu'il vous est impossible d'appréhender, parce que nous paraissons, particulièrement en Europe et en France, impuissants face à la menace du terrorisme que véhicule un islam radical.

Ce soir, j'ai l'immense honneur d'accueillir dans le cadre du cycle de nos conférences, le professeur Gilles KEPEL, un des plus éminents spécialistes du monde arabe.

Le choix de notre invité n'est en aucun cas dénué de sens.

Gilles KEPEL partage avec d'autres, l'idée que la connaissance est la clef, au-delà des discours d'autorité. Mais nous savons tous que le caractère impalpable du mal, cette étrange guerre que nous devons mener, face à un ennemi qui ne recule devant rien, ne pourra jamais se gagner par des slogans simplistes, ni uniquement avec un accroissement des mesures sécuritaires.

Gilles Kepel

Chaque jour qui passe, face à l'indicible et à la barbarie qui a dépassé le caractère sauvage de ces actions, nous n'avons plus de réponse et ne réagissons souvent que dans l'action immédiate.

C'est une réalité, c'est une nécessité, mais c'est aussi un tort.

La réalité est celle de nos défaillances budgétaires dans le nombre insuffisant de policiers et de magistrats spécialisés dans la lutte anti-terroriste, dans nos prisons, qui ne se sont pas adaptées aux risques de la radicalisation.

Notre incapacité à réagir ensemble, notamment à l’échelle européenne, doit aussi être soulignée.

Je crois évidemment, comme vous j'en suis certain, en la force de l'autorité d'Etat et en son retour, mais je veux participer à ma modeste et juste place, au rayonnement de la culture, de la connaissance, et comme vous, je veux comprendre les raisons d'une lutte entre un islam modéré qui a sa place dans notre société, et dans notre monde, et un courant salafiste qui pense avoir atteint la Vérité et vouloir l'imposer à nos enfants, nos femmes, nous-mêmes, vous et moi, par la violence, la barbarie et la mort.

Nous aimons nos enfants, ils détestent la vie ; la mort est une délivrance, quand le battement de nos cœurs nous invite au sourire et à la joie. Nous aimons les fleurs, ils prennent les armes. "Ils n’auront pas notre haine" mais notre indifférence.

Chaque jour qui se lève, nous devons mener le combat , par la connaissance et la condamnation de leurs faits et armes. Nous ne pouvons les autoriser à considérer notre faiblesse face à leur violence car nous finirons par gagner cette guerre. C’est une promesse que chacun d’entre nous doit tenir, à sa juste place, car nous ne pouvons leur laisser l'espoir de nous abattre.

Mesdames et Messieurs, Il y a la force indispensable des armes mais il y a aussi la force décisive de la bataille idéologique.

Les mots ne sont pas neutres et ils sont au cœur de cette bataille.

Daesh n’est pas un Etat, c’est un gang de tueurs, dénués d’état d’âme.
Daesh n’est pas une armée,c’est un groupe structuré d’assassins, sans morale et sans valeur.

Les djihadistes ne méritent pas le nom de combattants .

Face à eux, nous devons rester vivants, debout, courageux, sereins et permettre à nos générations futures de mieux comprendre ce que l'histoire déroule sous nos yeux. Sans faiblesse ni culture de l’excuse.

Pour toutes ces raisons, j'ai demandé à Gilles KEPEL de nous dire sa vérité, son analyse, afin que nos gouvernements puissent redonner un sens à la parole publique et que nos responsables politiques recouvrent du crédit, et qu'ils appellent, chacun d'entre nous, à la dignité et à la fin du renoncement si ce n'est au combat des armes, à celui de la culture pour préserver les fondements de notre civilisation et de nos démocraties.

Dans quelques mois, notre pays devra faire des choix politiques majeurs : élection présidentielle, puis législatives.

Faisons en sorte que ces sujets ne soient pas occultés et qu’ils prennent toute leur place au cœur du débat démocratique.
Ce sont des questions qui sont, au sens propre, vitales .

Ces enjeux justifient à eux seuls que nous nous engagions .
Non pas seulement comme des citoyens spectateurs, mais comme des citoyens engagés.

Faire de la politique en ces temps troublés et incertains n’est pas une question de goût ou d’affinité . C’est une question de devoir. C’est en tout cas ma conviction personnelle et la voie que j’ai choisie.

Je voudrais remercier chaleureusement pour l'organisation de cette soirée Madame Yasmina KASSA, aux côtés de Régine LEBRUN, qui a donné de son énergie et de son dynamisme pour me permettre de réaliser cet évènement, mais aussi, je pense à l'omniprésence à mes côtés de Paul AMARAL qui n'a pas ménagé sa peine pour faire en sorte que se déroule dans de parfaites conditions cette conférence et ce diner caritatif au profit des Chrétiens d'Orient qui suivra cette séance.

Merci aussi à Elisa DARVISH pour avoir songé à associer la cause des Chrétiens d’Orient à cet évenement mais je pense aussi à tous ceux que je n’ai pas nommé et qui ont participé à l’organisation de cette conférence...".

Et dans la lignée de ce discours de haute volée, Gilles Kepel a développé son analyse sur les bases qu'il avait présentées tout dernièrement dans la Revue des Deux Mondes et dans l'hebdomadaire L'Express.

Une soirée très réussie qui réconcilie avec la vie publique et la place incontournable des débats d'idées dans cette vie publique.

  • Publié le 4 juillet 2016

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