Emmanuel Macron dans les pas de Justin Trudeau ?

  • Canada
  • Justin Trudeau
  • Emmanuel Macron
  • En Marche !

L'équipe d'Emmanuel Macron aime faire référence à la "campagne Obama" de 2008. Elle a raison car Barack Obama est une référence qui "parle" à l'opinion publique française. Mais, rigoureusement, la véritable comparaison semble être d'abord avec la campagne de Justin Trudeau au Canada pour octobre 2015.

Prime Minister-designate walks to the National Press Theatre on his first day back in Ottawa following the Election. October 20, 2015.

Les traits communs sont nombreux. Pour l'essentiel, ils sont au nombre de 5 :

1) Sur le fond, Emmanuel Macron est un "libéral canadien" ce qui est très différent de l'acception française du mot "libéral". le Parti Libéral au Canada est un parti "de gauche" face aux Conservateurs. C'est un parti qui accepte le libéralisme économique mais qui l'accompagne de mesures sociales fortes.

2) Toujours sur le fond, Emmanuel Macron, comme Justin Trudeau en 2015, doit lutter contre un courant conservateur très fort, ce qui n'était pas le cas de Barack Obama en 2008 tant les années Bush avaient discrédité les Républicains. En réalité, comme au Canada en 2015, c'est un choc entre des niveaux de rigueurs et des seuils de solidarités. Un vrai débat de fond.

3) Sur la forme, Emmanuel Macron bénéficie d'une même audience médiatique. Ce sont des personnalités qui "prennent la lumière". Ils le font d'autant plus qu'ils creusent un contraste de générations avec leurs concurrents en assumant toutes les caractéristiques de la jeunesse. Ce n'est pas la jeunesse cachée mais la jeunesse revendiquée. A noter quand même que sur ce point Emmanuel Macron se prête à moins d'excentricités que Justin Trudeau. Par ailleurs, ce sont des leaders de séduction. Des "leaders sensuels" que l'opinion aime toucher, veut approcher.

Emmanuel Macron

4) Tous les deux doivent créer leur pouvoir d'évocation face à un "père". Justin Trudeau a dû faire vivre sa marque face à l'héritage de son père, Pierre Trudeau. Emmanuel Macron doit faire vivre sa marque face à un "père politique", François Hollande. C'est un travail délicat car il faut faire vivre des nuances fortes pour progressivement gagner en autonomie perçue.

5) Et surtout, le vrai défi, en temps de crises, est-il possible de confier le pouvoir à quelqu'un de neuf, sans expérience au "sommet" ? Certes, Emmanuel Macron a l'expérience d'un ministère régalien. Mais elle fut brève. Et la notion de crise en France avec le terrorisme est probablement plus impactante qu'au Canada en 2015.


Une fois ces traits communs énoncés, où sont les différences ?

1) Le calendrier : Justin Trudeau a mis 3 ans pour accéder au pouvoir, pour structurer son parti, quadriller le pays. Les dates sont claires : déclaration de candidature pour le Parti Libéral en le 25 septembre 2012. Il gagne la présidence le 14 avril 2013. A compter de cette date, Justin Trudeau s'installe dans une compétition ouverte permanente avec Stephen Harper pour une élection qui a lieu en octobre 2015. C'est donc 3 ans de campagne permanente. Pour Emmanuel Macron, au plus ce sera 9 mois de campagne ! C'est une différence considérable. Pour combler cette différence, il faut probablement que le réseau En marche se structure très rapidement avec des professionnels habitués aux campagnes électorales.

2) La place accordée par les Français au changement en temps de crise. Emmanuel Macron lance d'abord un défi aux Français. Il sera d'abord le marqueur du rapport entre les Français et le changement. Sur ce plan, c'est un défi très novateur et incertain. Si les Français tempêtent en temps ordinaire, ils sont très conservateurs lors des élections. L'inconnue réside dans la capacité des Français à exprimer un "coup de sang" face à leur classe politique traditionnelle. C'est une différence considérable avec Justin Trudeau qui actionnait "simplement" un mécanisme classique d'alternance. Là, c'est un enjeu d'une ampleur bien plus grande.

Ces deux différences sont les véritables mystères de la période qui s'ouvre.

  • Publié le 5 octobre 2016

Partagez cet article :

Exprimez votre avis :