La santé : François Fillon en fait un enjeu clef pour 2017

Avec le programme de François Fillon et les mesures disruptives pour modifier le rythme des dépenses publiques dans ce domaine, la santé s'est installée parmi les dossiers chauds de 2017.

Justin tours Mount Sinai hospital in Toronto. October 2, 2014.

Depuis deux mois, les polémiques autour de la prise en charge des dépenses de santé ont enflé. Elles étaient justifiées mais elles ne doivent pas occulter le reste des difficultés. Les réformes de notre système de santé n’attendront pas 5 ans de plus ; les patients, les usagers et les professionnels de santé ne pardonneront à aucun candidat de le laisser imploser alors qu’il a été parmi les meilleurs jusque dans les années 2000.

Qu'indiquent des professionnels à l'expertise reconnue ? Des économies importantes sont-elles possibles ? Dans quelles conditions ? Quelles comparaisons avec l'étranger ?

Le Professeur Marie Christine Gros Favrot, cancérologue, personnalité associée du Conseil Economique, Social et Environnemental, secrétaire générale de l’UDI pour les questions de santé, publiait une tribune dans les échos du 15 décembre 2016 avec le Professeur André Grimaldi, diabétologue et Fréderic Pierru, sociologue et membre de la chaire « santé » de Science Po.

Elle affirmait qu’il est possible de réduire les dépenses de santé et d’équilibrer les comptes de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) sans remettre en cause la solidarité et la lutte contre les inégalités sociales mais en réformant le système assurantiel, en améliorant l’efficience et la qualité des soins et en simplifiant la gouvernance du système de santé. Elle précise ici les réformes essentielles qui doivent être entreprises.

- Réduire les dépenses de santé nécessite de mettre fin à un système assurantiel hybride, résultat du compromis historique de 1945 entre l’Etat et les premières assurances sociales.

Depuis 15 ans, les dépenses de santé et la part prise en charge par les complémentaires-santé (AC) n’ont cessé d’augmenter. Ces AC interviennent essentiellement pour compléter les remboursements après une prise en charge partielle par l’AMO au nom de la « responsabilisation financière » des assurés par le ticket modérateur.

Avec ce système, la surconsommation en santé explose, la prévention et le médicosocial sont insuffisamment financés, les plus modestes subissent des restes à charge sur des prestations indispensables. Nos concitoyens ont compris qu’aujourd’hui les Assurances complémentaires sont le second pilier de l’assurance-maladie et servent à masquer le déficit de l’AMO.

Ces dépenses de santé sont toujours largement financées par le travail, essentiellement le salariat, avec pour conséquence le maintien d’une gestion paritaire de l’AMO et d’une partie des AC. Seule la fiscalisation des dépenses de santé, et plus largement des dépenses sociales, permettra de faire évoluer le système.

L’AMO doit, sur la base d’un regroupement des différents régimes, garantir à tous l’accès aux biens et produits de santé dont l’efficacité pour la santé individuelle et pour la population générale est démontrée. Le remboursement des prestations de confort sont des choix personnels comme celui de souscrire une AC pour leur prise en charge. Cela peut être expliqué à nos concitoyens et accepté, d’autres pays l’ont fait.

Cette seule mesure permettrait, chaque année, plusieurs milliards d’économie, en particulier les 6,7 milliards que les 700 Assurances complémentaires consacrent aujourd’hui à leurs seuls frais de gestion. A titre d’exemple, il faut supprimer le ticket modérateur après une hospitalisation, les soins dentaires ou les audioprothèses doivent être mieux pris en charge, les visites de prévention et les vaccins recommandés doivent être gratuits mais aussi le traitement efficace de l’angine, de l’entorse ou de la rougeole …En contrepartie, la prise en charge des médicaments à service médical faible ou insuffisant qui rallonge la taille de l’ordonnance , le surcoût lié au refus d’utilisation des génériques, les transports pour motif médical non justifié, les cures thermales ne doivent plus faire l’objet de remboursement par l’AMO.

Le pourcentage des prestations inutiles et potentiellement dangereuses est évalué à 30% de la totalité des soins.

En ville, il s’agit, de la multiplication des consultations et donc des prescriptions de médicaments ou d’actes biologiques ou radiologiques déjà pratiqués.

A l’hôpital, ce sont les hospitalisations évitables et les interventions chirurgicales non justifiées qui sont associées à une mortalité plus élevée et varient dans des proportions très importantes (moins de 1% à plus de 40%) selon les territoires.

Une AMO renforcée pourra, sur la base des données en santé, contrôler l’efficacité du système et limiter le gaspillage en remplaçant la tarification à l’activité (T2A) et le paiement à l’acte par des dotations annuelles modulées en fonction du nombre de patients suivis, de la gravité de leur maladie et de leur degré de précarité sociale.

Enfin, l’AMO doit mettre fin à un budget cloisonné entre médecine de ville, hôpital et médico-social et établir un véritable budget régional, un « ORDAM », tenant compte des spécificités démographiques et de l’état de santé de la population dans chaque territoire.


- Réduire les dépenses de santé passe aussi par une plus grande efficience du système de santé et une meilleure qualité des soins.

Notre système de santé est centré sur le traitement curatif et l’hôpital dont il faut réduire les coûts pour permettre une organisation efficiente de la médecine de ville, de la prévention et de la prise en charge médico-sociale.

La France consacre 1229€ par habitant et par an à l’hôpital contre 819€ en Allemagne pour un nombre équivalent de lits d’hôpitaux. La durée moyenne de séjour à l’hôpital est de 10 jours en France contre 8 jours dans les pays de l’OCDE.

L’offre de soins hospitaliers doit reposer sur les acteurs privés et publics qui doivent, ensemble, aboutir à une réduction du coût de l’hospitalisation, s’engager dans la qualité (le renouvellement d’autorisation d’activité doit être conditionné à l’obtention de l’accréditation, ce n’est pas le cas aujourd’hui) et l’accueil de toutes les populations. Pour cela, il faut lever les contraintes juridiques et financières qui ont été imposées aux établissements privés et aller vers une fusion effective des établissements publics avec une gestion qui s’inspire des Etablissements Privés à but non lucratif.

Certains hôpitaux peuvent être reconvertis en établissements pour les soins de suite, le handicap et la dépendance ou en pôles de santé pluridisciplinaires qu’ils soient privés, publics, rattachés ou non à une structure hospitalière.

Les pôles de santé pluridisciplinaires sont aujourd’hui indispensables mais pour être efficaces ils doivent répondre à un cahier des charges précis et avoir un financement adapté qui leur permettent d’être économiquement viables.

La prise en charge médico-sociale, la santé mentale, la toxicomanie, la santé sexuelle, le dépistage des maladies sexuellement transmissibles, la vaccination reposent aujourd’hui sur des centaines de dispositifs nationaux, départementaux, associatifs. Leur regroupement autour des pôles de santé serait une source d’économie et de lisibilité pour l’usager.
Ces pôles doivent assurer la permanence des soins 24H/24. C’est le moyen le plus efficace pour désengorger les services d’urgences dans lesquels la prise en charge du patient s’élève à 223€ contre 48€ si le patient est vu par un généraliste.

Enfin, le pôle de santé ne doit pas se substituer ou s’opposer à la pratique libérale en cabinet. Face à la pénurie de professionnels de santé, il doit servir de recours à tous les professionnels de santé qui sont confrontés à des situations qui dépassent le cadre de leur exercice. Il doit offrir aux patients qui sont éloignés de ressources médicales et paramédicales des services groupés et un parcours de soins complet.

- Réduire les dépenses de santé passe par une décentralisation, une organisation territoriale des soins et une prise en compte de la révolution numérique.

Le ministère de la santé doit, uniquement mais pleinement, prendre en charge les orientations stratégiques en santé et garantir leur mise en œuvre en lui confiant aussi la médecine scolaire et la médecine du travail.

La décentralisation de l’action publique doit être effective. Elle passe par une modification du mode et de la durée de désignation des directeurs d’ARS et de leur conseil de surveillance avec un contre-pouvoir effectif des acteurs locaux et des représentants des malades et des usagers pour leur permettre d’organiser les soins dans les territoires. Elle nécessite aussi de donner aux acteurs les moyens de travailler avec l’accès aux données de l’AMO et des agences sanitaires. Dans ce contexte, il faut en finir avec les multiples organismes qui fournissent des référentiels de bonnes pratiques pour les professionnels de santé et l’usager et se doter d’un site équivalent à celui du NICE en Grande Bretagne ou à Santé Canada qui permette aux acteurs de santé et aux usagers d’interagir. On verra alors les professionnels de santé s’organiser sur les territoires, envisager les délégations de tâches et mettre en place les parcours de soins.

Enfin, l’arrivée du haut débit dans tous les territoires est indispensable pour permettre le développement des outils numériques. Le dossier médical informatisé doit enfin voir le jour et les actes de téléconsultation, télésurveillance et télé-expertise doivent être généralisés. Le partage des données est aujourd’hui une extraordinaire opportunité dont il faut comprendre les risques mais qu’il ne faut pas freiner si on veut mettre en place un pilotage médical du système de santé, améliorer la pertinence des actes, favoriser la coopération inter professionnelle et les progrès médicaux.

C’est avec des objectifs précis de réforme du système de santé que l’on pourra redonner confiance aux professionnels de santé, adapter leur formation et leur rémunération qui reste basse si on la compare à celles des pays voisins.

  • Publié le 2 janvier 2017

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