Harris Interactive : les relations entre Emmanuel Macron et les professions libérales

Six mois. C'est le temps qui s'est écoulé depuis une élection présidentielle qui aura marqué un tournant dans la vie politique française, qu'il s'agisse de la campagne, émaillée de primaires, du candidat élu lui-même ou de ses conséquences sur la structuration de l'offre politique.

Emmanuel Macron

Alors que la période pré-électorale était marquée par une attente forte, l'élection d'Emmanuel Macron marque l'avènement d'un processus de réformes appelé de leurs voeux par les libéraux .

Au Congrès annuel de l'UNAPL, Union Nationale des Professions Libérales, l'heure est à un premier bilan de l'action gouvernementale d'un président, qui en tant que candidat en novembre 2016, inspirait confiance à 40% des libéraux, soit moins qu'Alain Juppé (50%) et surtout moins que François Fillon (63%) avant le dévoilement des "affaires".

Quel regard portent désormais les professionnels libéraux sur les premières réformes mises en place ? Quelles conséquences envisagent-ils pour leur activité ? Afin de nourrir ces échanges et objectiver les prises de parole, l'UNAPL a sollicité Harris Interactive afin de réaliser une étude auprès des professionnels libéraux afin de mieux comprendre leurs sentiments à l'égard des premières mesures adoptées par la nouvelle majorité présidentielle.

L'inquiétude pour l'avenir de son activité serait-elle une composante de l'activité libérale ? Dans les différentes mesures effectuées depuis 2014, le sentiment d'inquiétude s'est toujours avéré majoritaire.

2017 ne fait pas exception : 70% témoignent de leurs doutes, 24% allant même jusqu'à se dire très inquiets. Pour autant que cette proportion puisse alarmer, force est de constater que l'inquiétude, enregistrée en forte hausse en novembre 2016 est nettement en recul (-9 points) en novembre 2017 à six mois d'exercice du nouvel exécutif. On notera ici et par la suite que, la période électorale passée, les données recueillies retrouvent un niveau proche de celui mesuré en 2014 (ici, une inquiétude touchant 70% des libéraux en 2017 pour 69% en 2014). On constate surtout que c'est le nombre de libéraux se déclarant très inquiets qui enregistre le plus fort recul (de 32% à 24%, -8 points), signe d'une urgence moins prononcée dans ces professions.

Interrogés sur leur vision de la réforme par ordonnances sur le travail, les libéraux s'interrogent, tout comme le reste des Français, sur la légitimité du système d'ordonnances et sur les modalités de mise en place des différentes réformes. Cependant, lorsque les Français évoquent surtout les licenciements, et le risque de précarité face aux patrons, les libéraux, eux, mettent l'accent sur la nécessité d'opérer une réforme pouvant apporter davantage de flexibilité, de souplesse et de simplicité au monde du travail (à noter que la simplification du système des normes et des démarches administratives pour les TPE constituait, en 2016, une attente pour 95% d'entre eux). Les mesures prises par le gouvernement concernant le travail semblent ainsi obtenir un accueil positif au sein des professions libérales, quand bien même nombre d'entre eux se déclarent, nous le verrons, peu ou pas concernés par la réforme.

La réaction plutôt favorable des libéraux à la réforme par ordonnance se comprend notamment au regard des conséquences positives qu'ils prévoient. Pour 65% des libéraux, cette mesure est perçue comme favorable à l'emploi dans les TPE. S'ils restent prudents (seuls 4% estiment que l'effet sur l'emploi sera très positif), le regard bienveillant à l'égard de l'action gouvernementale persiste, et ce, particulièrement chez ceux qui exercent dans des structures de taille conséquente (10 salariés ou plus : 76% envisagent un effet positif sur l'emploi).

Cette perception de la réforme du travail constitue une clé de lecture pour l'ensemble des réformes entreprises par le gouvernement, qui sont perçues par les libéraux comme ayant avant tout des conséquences positives sur leur activité. La suppression du RSI, plébiscitée en 2016 (95% estimaient que la mise en place d'une équité fiscale et sociale pour les professions libérales par rapport aux autres secteurs d'activité était prioritaire) représente ainsi le premier motif de satisfaction pour les libéraux : 52% estiment qu'elle aura un effet positif sur l'activité, contre 17% seulement anticipant des conséquences négatives. Les libéraux s'attendent également à ce que l'obligation pour tout accord de branche de comporter des dispositions pour les petites entreprises, que près de 9 sur 10 d'entre eux attendaient en 2016, ait des conséquences positives (50% pour seulement 8% d'attentes négatives). Plus généralement, toutes les mesures testées : accords qu'il sera possible de passer avec les salariés au sein de l'entreprise, réforme relative aux prud'hommes, possibilité de déroger aux accords de branche, diminution du poids des organisations syndicales minoritaires sont toutes perçues comme devant davantage avoir un effet positif que des conséquences négatives sur les différentes structures. A nouveau, les entreprises où évoluent plusieurs personnes et, a fortiori, celles comptant 10 salariés ou plus se montrent plus convaincues par ces différentes mesures.

Des réformes à venir qui suscitent davantage d'interrogations, notamment auprès des libéraux qui exercent au sein d'entreprises employant des salariés

Comme les autres réformes, l'adossement du RSI au régime général est perçu, en soi, comme une bonne chose (59%) et particulièrement par les plus jeunes (65% chez les moins de 35 ans) et les personnes travaillant seules au sein de leur structure (64%). Alors qu'ils étaient plus favorables que la moyenne aux autres mesures prises par le gouvernement, les libéraux évoluant dans des entreprises d'au moins un salarié et, a fortiori, dans des entreprises de 10 salariés ou plus (31% contre 20% en moyenne) se montrent plus méfiants. Notons ici, que dans ce contexte de réforme de leur statut, les libéraux se disent majoritairement satisfaits de leur complémentaire santé (72%) et de leur assurance prévoyance (52%), davantage surtout que de leur protection sociale obligatoire de base.

L'idée d'étendre le bénéfice des allocations chômage aux indépendants, en échange de cotisations supplémentaires, divise les libéraux, la moitié s'y disant favorable, l'autre moitié défavorable, les libéraux évoluant en entreprises de 10 salariés ou plus ayant tendance à se placer légèrement plus dans l'opposition (58%). A ce jour, tout de même, près d'un quart des professionnels libéraux (23%) estime que cette mesure pourrait lui-être utile. Les plus jeunes (30%), moins installés dans leur activité et les libéraux travaillant seuls (27%) se montrent plus concernés, bien que toujours minoritaires. Finalement si au global, les avis sur cette mesure sont très partagés, elle fait l'unanimité ou presque (91%) chez ceux qui estiment qu'elle pourrait leur être utile.

Les libéraux peinent parfois à se projeter dans les différentes réformes, percevant mal leur utilité ou estimant qu'elles n'auraient que peu de conséquences pour leur activité. En 2016, nombre d'entre eux estimaient déjà que l'attention qui leur était prêtée n'était pas assez importante dans la campagne (85%) se sentant à l'écart des préoccupations des candidats. Aujourd'hui, 41% des travailleurs libéraux déclarent se sentir concernés par les mesures visant à réformer le travail, et notamment ceux qui évoluent dans des entreprises employant au moins un salarié (50%) ou plus et encore davantage dans les entreprises de 10 salariés ou plus (69%), qui sont davantage touchés par les réformes concernant les structures salariales. S'il s'agit toujours globalement d'une minorité, c'est en tous cas une bien plus large part de libéraux qui se sent concerné par ces réformes que celles entreprises par le même Emmanuel Macron en 2015. A l'époque, seuls 14% des libéraux s'étaient sentis concernés par la CICE, les réformes de l'apprentissage ou les financements des investissements industriels. Une plus grande écoute qui ne bénéficie pas encore pleinement au Gouvernement, en qui seul un libéral sur quatre déclare avoir confiance - loin derrière la confiance exprimée envers ses pairs (75%), envers les syndicats et les ordres professionnels (53%) et tout particulièrement l'UNAPL (52%).


Méthodologie : Consultation réalisée en ligne du 17 au 28 novembre 2017. Echantillon de 1 248 professionnels libéraux à partir d'un fichier d'adresses e-mails fourni par l'Union Nationale des Professions Libérales (UNAPL).

  • Publié le 2 décembre 2017

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