2022 : Laurent Wauquiez (LR) prépare-t-il la première campagne française "à la Trump" ?

Laurent Wauquiez est le leader politique français qui est le plus en situation de faire vivre en France une première campagne "à la Donald Trump". Qu'est ce que cela signifie concrètement ?

Laurent Wauquiez dans l'Aude

Une campagne "à la Trump" c'est quoi fondamentalement au-delà des clichés réducteurs ? En identifier la "valeur ajoutée", ce n'est pas exprimer un soutien mais une analyse. Force est quand même de constater qu'il peut y avoir matière à chercher à analyser les facteurs qui ont pu conduire à l'élection du Président de la première démocratie au monde.

Pour l'essentiel, ces facteurs d'une campagne "à la Trump" sont au nombre de trois :

1) Le courant central : le rejet des élites : plus précisément c'est un membre de l'élite qui parvient à incarner le ... rejet de l'élite. Donald Trump appartenait à l'élite financière et de surcroît à l'élite financière fondée sur l'immobilier c'est à dire le secteur qui vit à partir des relations avec les pouvoirs politiques. Et Donald Trump est parvenu à incarner à la fois le rejet de l'élite et des ... politiques. Il est parvenu à mobiliser "l'Amérique profonde" alors que son siège professionnel est à New York. Laurent Wauquiez appartient à l'élite administrative française issue des grandes écoles. Mais à voir son positionnement comme son vocabulaire actuels, plus rien ne permet le rattachement à cette élite administrative. En France, comme le sujet de l'argent reste répulsif, le rejet de l'élite ne peut être incarné par une "grosse fortune". Il ne peut émaner que d'un membre de l'élite administrative.


2) La scénarisation du soi : c'est un volet peu évoqué en France. Le premier marqueur de cette spécificité de la campagne de Trump a été l'entretien de chaque candidat avec Anderson Cooper avant un débat des primaires républicaines. Sur CNN, Anderson Cooper a animé des rencontres entre les candidats Républicains et un “collège de citoyens”. Rarement à ce point la différence entre Donald Trump et les autres candidats n’a été aussi manifeste. Les autres candidats parlent des sujets classiques, manient des idées … et de temps en temps un peu d’eux. Bref, ils font de la politique traditionnelle avec plus ou moins de talent, d’imagination. Trump casse ce code car Donald Trump ne va parler que de … lui. Il se met en scène dans chaque réponse : sa vie, sa famille, ses succès … Donald Trump ne fait pas la campagne d’une cause, de valeurs … Donald Trump fait la campagne de … Donald Trump. Sans la moindre modestie donc sans limite. Avec beaucoup d’humour donc de la séduction. Rarement à ce point en quelques minutes, la valeur ajoutée de Donald Trump sautait aux yeux. Il est devenu à la politique ce que les réseaux sociaux sont devenus à la communication individuelle : se mettre en scène. Sur les réseaux sociaux, les internautes ne partagent pas leurs idées mais leurs vies. Ils ne débattent pas. Ils s’exposent. C’est ce que fait Trump pendant la présidentielle : sa vie, ses expériences, sa fortune, sa famille, ses enfants … Laurent Wauquiez est le leader politique français qui suit ce chemin. Quand il parle de l'insécurité, il ne donne pas des chiffres mais la peur qui est la sienne si son épouse doit rentrer seule le soir. Quand il parle du rural, il ne parle pas de chiffres mais du Puy en Velay "sa" Commune.


3) L'acceptation de la puissance : Donald Trump a joué la puissance vis à vis de ses concurrents. Mais aussi vis à vis des medias, quitte à ouvrir des polémiques ouvertes dures. Ce point a conforté le rejet des élites car pour l'opinion les médias font partie du "jeu des élites" face au peuple. Cette semaine, avec la politique née de reportages sur une tonalité inédite pour une chaîne publique régionale, Laurent Wauquiez est allé sur ce terrain. Et il a "marqué des points". Des points immédiats avec la suspension des reportages avant reprise sur une tonalité plus "modérée" manifestement. Mais surtout des points par l'autocensure. Ce sujet a été évoqué par la presse nationale mais "ignoré " par la presse locale ... C'est la logique : "qui s'expose contre : explose". Il n'y a pas de stratégie d'évitement.

Trump a eu un espace parce que le Président sortant était Obama, un exemple de nuances, de modération, d'intellectuel. Or aux Etats-Unis, une présidentielle vit de contrastes forts pour qu'ils soient lisibles par l'opinion. Chaque candidat n'a d'espace qu'à la condition d'être le contre-portrait de son concurrent :
- Carter le moraliste s'impose après Ford impacté par le Watergate,
- puis Reagan le puissant succède à Carter le faible indécis,
- Clinton l'ex Gouverneur du petit Etat de l'Arkansas s'impose face à Bush le patricien,
- GW Bush, le religieux converti gagne face à Gore, le co-listier de Clinton sortant de l'affaire Lewinsky,
- Obama l'intellectuel modéré quasi-pacifiste succède à Bush le "primaire guerrier",
- Trump le populiste d'"America first" succède à Obama l'internationaliste quasi pro-européen
...

En France, c'est moins manichéen. Mais Emmanuel Macron vise un positionnement central. De central à centriste la nuance est faible : c'est la logique du "en même temps ...". Surtout, il devient progressivement scotché à une image d'élites : la France qui réussit, les métropoles qui sont à l'heure européenne ... Laurent Wauquiez occupe le créneau opposé : l'Auvergnat donc le rural, le terrien qui porte la doudoune et pas le manteau bleu marine ... Macron utilise des mots "élaborés", des références philosophiques. Wauquiez utilise peu de mots, les répète et ses mots sont ceux du "coin de la rue". C'est un choix délibéré car il ne faut pas oublier que Laurent Wauquiez est aussi un ancien élève de Normale Sup (reçu en 1994)...

En France, jusqu'à maintenant, les présidentiables se répartissaient entre 3 profils en dehors de l'hypothèse du sortant qui re-candidate : l'héritier, le dauphin ou ... l'autre. L'héritier est celui qui a fait sa carrière dans les pas d'un sortant : Juppé pour Chirac, Hollande pour Mitterrand, Chirac pour Pompidou ... Le dauphin est un "héritier" qui a marqué sa différence de façon ostentatoire. Presque prêt à contester le "chef" si ce dernier n'avait pas laissé sa place : Sarkozy pour Chirac (avec la mention du "roi fainéant"), Jospin pour Mitterrand (avec l'étape de l'inventaire indispensable), Fillon pour Sarkozy (avec la référence aux affaires) ... A noter que Pompidou peut aussi appartenir à cette catégorie avec "l'appel de Rome". Emmanuel Macron a ajouté une nouvelle catégorie : "l'autre". Il échappe aux rattachements. Presque venu de "nulle part" ou venu du moins "d'ailleurs". Laurent Wauquiez introduit pour la première fois à ce point le profil de l'opposant frontal d'ordinaire réservé aux partis politiques protestataires de gauche comme de droite. Un opposant qui ne va accepter ni le positionnement d'héritier ni celui de dauphin. Or là, pour la première fois à ce point, c'est un profil à la tête d'une formation de Gouvernement par son Histoire comme par sa vocation. C'est peut-être la première fois que la Vème République va vivre un choc présidentiel de cette nature... ?

  • Publié le 13 janvier 2018

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