La Métropole de Grenoble face aux chocs dans les stocks

La présidentielle 2017 a changé les contours de la politique parlementaire nationale. Les élections municipales seront un test sur les conséquences locales de ces nouveaux contours. Dans de nombreux territoires, les conséquences locales peuvent être considérables à l'exemple de l'agglomération grenobloise.

Sans titre

L'agglomération grenobloise est composée pour l'essentiel de 3 strates :
- la Ville de Grenoble : 160 600 habitants sur les 445 000 de l'agglomération grenobloise,
- la première couronne (Echirolles, St Martin d'Hères, Fontaine, Eybens, Pont de Claix ...) : 140 000 habitants,
- la périphérie (seconde et troisième couronnes) : 140 000 habitants.

Depuis 1995, la majorité dans l'agglomération se compose de façon simple :
- Grenoble fait la majorité sans revendiquer la présidence,
- la présidence est reconnue à un élu de la première couronne,
- des élus isolés de la périphérie s'agrègent ponctuellement comme ils se seraient probablement agrégés à l'identique si la ville-centre était restée de droite en 1995 comme pour la période antérieure du SIEPARG (1983 à 1995).

Le socle de la majorité d'agglomération depuis 1995 c'est donc un périmètre global identique avec des inflexions municipales à l'intérieur de ce périmètre qui peut être qualifié de "gauches plurielles" regroupant PS, Verts, PCF et Parti de Gauche.

En 2014, ce périmètre traditionnel a été révisé avec une poussée de la composante Verts-Parti de Gauche suite aux conquêtes de Grenoble et Eybens tout particulièrement.

Mais ces composantes sont-elles encore compatibles avec la majorité présidentielle depuis 2017 (LREM) ? A voir les déclarations dans la presse locale, il y a matière à sérieusement en douter.

Cette réalité ouvre 6 chocs en stocks :

1) 1er choc dans les stocks : la majorité présidentielle fait exploser les contours classiques des compétitions électorales sur la ville-centre. A cette fin, elle doit fractionner sur les mêmes bases que sur le plan national en cassant sur sa gauche le PS et sur sa droite Les Républicains. Est-ce possible ? Oui parce que dans ces deux camps cohabitent les "meilleurs ennemis possibles" jamais remis de vieux divorces profonds. A gauche, au sein du PS, les divorces principaux sont nés des 48 heures post premier tour des municipales de mars 2014 lorsqu'il fallait choisir entre une liste PS face aux Verts ou se fondre dans la liste des Verts. Et à droite, les vieilles querelles personnelles n'ont jamais été éteintes. Par conséquent, ces fractures ne demandent qu'à se ré-affirmer totalement. Peut-être d'ailleurs plus brutalement que jamais ? C'est donc un terrain idéal pour faire vivre de nouvelles frontières. Quels obstacles ? La détermination acceptée du leadership. Mais si Paris officialise un choix, d'un coup, le jeu sera modifié en conséquence. Or cette perspective de choix progressivement semble manifestement se formaliser.

2) 2ème choc en stock : l'effet d'onde sur la première couronne : sociologiquement, la première couronne semble mieux en capacité de résister que la Ville de Grenoble à une affirmation d'un périmètre local répondant aux critères de la majorité présidentielle sur le plan national. A l'intérieur de cette première couronne, c'est Pont de Claix qui semble la Commune la plus fragile face à cette onde de choc. Parce qu'historiquement, c'est la Commune qui s'est émancipée de son Histoire communiste avec la victoire de Christophe Ferrari face à Michel Blonde alors héritier des "communistes historiques" comme le furent Michel Couëtoux, Blanchon, Biessy, Maisonnat.

3) 3 ème choc en stock : l'effet de l'insécurité locale ressentie sur les scores de la droite traditionnelle en milieu fortement urbanisé : la seule perspective de rebond de la droite locale (Les Républicains) c'est de transformer le scrutin municipal de mars 2020 en un referendum sur l'insécurité au quotidien. Cette logique devrait conduire cette formation (LR38) à concentrer toutes ses forces sur ce thème. Elle a une chance importante : le FN s'est restructuré d'abord sur le Nord Isère avec la chute en disgrâce de Mireille d'Ornano. Une évolution qui va probablement beaucoup compter sur la capitale du Nord Isère : Vienne comme ce fut déjà le cas lors des législatives 2017. Par conséquent, Les Républicains 38 peuvent espérer aspirer avec cet axe de nombreux électeurs du FN désireux de rejoindre une formation capable de "gagner". Cette capacité à gagner sera l'enjeu déterminant. Si la fracture du PS local égalise les scores de la majorité municipale sortante avec une liste LREM, cette recomposition ouvre-t-elle un espace pour la droite locale ? Cette logique avait été le pari de la droite déjà en 2014. Elle espérait alors bénéficier de la compétition des deux gauches (PS / Verts). Ce ne fut pas le cas, réalisant alors le plus mauvais score de son histoire sur la Capitale du Dauphiné. Cette capacité à gagner semble actuellement testée si on en croit les "confidences" de personnes ayant fait l'objet tout dernièrement de sondages téléphoniques ...

4) 4 ème choc en stock : l'impact du sentiment "anti Métro " dans la périphérie (seconde et troisième couronnes) : par de multiples mesures dont l'urbanisation densifiée en milieu traditionnellement pavillonnaire, la Métro est devenue répulsive dans la périphérie. Ce climat va mettre en difficulté à la fois les élus ADIS associés à l'exécutif sortant de la Métro et la droite classique à qui il est reproché de ne pas suffisamment ... s'opposer. Les élus ADIS qui comptent 4 Vice-Présidents vont peiner à expliquer que le bilan de la Métro n'est pas le leur car, dans les votes, bon nombre de décisions n'ont été possibles que par l'adhésion des élus de l'ADIS. Quant à la droite locale au sein de la Métro, elle risque d'être débordée par le même constat : 92 % des délibérations de la Métro adoptées sans la moindre opposition dans les votes. Les révisions des PLU adoptées avec l'accord d'élus municipaux qui avaient pourtant longtemps été des opposants à l'urbanisation densifiée.

5) 5 ème choc en stock : la stricte proportionnalité : C'est l'application à partir de 2020 de la décision du Conseil Constitutionnel du 20 juin 2014. La représentation sera désormais sur la base de la stricte proportionnalité, ce qui changera la donne pour la représentation de la Ville de Grenoble. Un volet qui aurait pu connaitre une application anticipée en cas d'élection municipale globale sur une Commune comme St Paul de Varces (avec modification de son actuelle représentation) puisque c'est désormais le maintien de l'opposition qui fait obstacle au franchissement du seuil des 30 % au-delà duquel le renouvellement global aurait été incontournable en raison du nombre définitif officiel très élevé de démissions au sein même de la majorité municipale (7 sur 19).

6) 6 ème choc en stock : l'ampleur du phénomène récent de dégagisme appliqué au local. Le dégagisme a fait la présidentielle 2017. Encore davantage les législatives 2017. Il structure les actuelles élections intermédiaires de novembre 2018. N'avait-il d'ailleurs pas déjà impacté l'élection municipale grenobloise en mars 2014 avec l'élection d'Eric Piolle ? Si la vague de dégagisme se maintient et pire encore s'amplifie, il devrait modifier la donne dans de nombreuses Communes.

Avec ces 6 chocs majeurs dans les stocks, les élections municipales de mars 2020 dans l'agglomération grenobloise s'annoncent particulièrement imprévisibles. Peut-être la première vraie fin du système politique mis en place en mars 1995 ?

  • Publié le 2 mai 2018

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