Santé : Exprimeo fait le point avec Jérôme Ripoll, Président de l'association nationale France Dépendance

  • Exprimeo
  • Jerome Ripoll
  • Sante
  • Association France Dépendance

L'association France Dépendance présidée par M. Jérôme Ripoll mène des actions nombreuses en faveur des aidants. L'occasion pour faire le point sur le cadre légal actuel.

Ripoll Jerome 15 09 18

Exprimeo : Pouvez-vous nous faire un bilan sur la prise en charge des soins ?

Jérôme Ripoll : Ce que nous savions faire il y a 20 ans nous ne savons plus le faire et nous ne pourrons plus le faire.

Exprimeo : Quelle est la ou les raisons ?

Jérôme Ripoll Voyez-vous, je pense que nous étions beaucoup plus pragmatiques et le pays était géré et administré, dans le cadre santé, par exemple, avec un objectif : répondre aux besoins de ses administrés.

Aujourd’hui le pays répond à un objectif : comment répondre à des normes comptables.

Le système est devenu fou, en effet, en matière de prévention de la perte d’autonomie, par exemple, trois documents principaux qui sont le projet Régional de Santé (PRS), le Programme Interdépartemental d’Accompagnement de la Perte d’Autonomie (PRIAC), le Plan Maladies Neurodégénératives (PMND) structurent l’intervention de l’ARS (Agence Régionale de Santé), ayant autorité sur les Départements qui de fait ont perdu leurs prérogatives.

Savez-vous que le PRS définit la stratégie régionale santé pour 5 ans dans l’ensemble des compétences de l’ARS (prévention, soins hospitaliers et ambulatoires, secteur médico-social). Donc à quoi servent les départements si ce n’est qu’à solvabiliser la demande des personnes dépendantes. Cette mission ne pourrait-elle pas être assurée par les Régions, ou par les ARS, dans un souci d’économie ?

En effet, nous vivons une révolution structurelle de la santé publique dont le maître mot est réduction des dépenses publiques.

La Santé est un secteur majeur de dépenses publiques. Pour espérer diminuer les dépenses, l’Etat-Providence doit agir :
- En interne : fusionner les services publics d’Etat et territoriaux
- Politique du guichet unique
- Réduction et/ou non-remplacement des agents publics
- En externe : rationaliser la politique de santé
- Contrôle des dépenses des établissements publics
- Contrôle des dépenses/remboursements occasionnés par le marché de la santé
- Rendre efficace la mise en œuvre de la politique nationale de santé
- Application à la santé du principe de subsidiarité (inscrit dans la Constitution)
- Donc régionalisation de la politique de santé (par les ARS)
Cela s’accompagne par une mutation dont le maître mot est de contrôler le marché.

L’Etat-Providence français :
- Rembourse les consultations (et donc paie indirectement les médecins)
- Rembourse les médicaments (et donc paie indirectement les pharmaciens)

En tant que payeur, l’Etat-Providence n’est pas un acteur du marché : il en est l’élément structurant incontournable, plus ou moins actif selon l’état des finances publiques.

Une réduction drastique des finances publiques étant nécessaire, l’Etat-Providence restructure le marché par :
1. Une doctrine étatique : contrôler le marché c’est contrôler les dépenses publiques
2. Une fondation légale : la loi HPST de 2009
3. Une agence de contrôle : l’Agence Régionale de Santé (sorte de préfecture sanitaire Régionale).

De fait l’Agence de contrôle dite ARS devient la toute puissante dans nos régions.

En s’appuyant sur le principe de subsidiarité, qui est un principe constitutionnel (et donc non-réfutable), l’Etat-Providence se dote d’un outil de gestion et de contrôle du marché qui sont les Agences Régionales de Santé.
Notons au passage que la mutation du marché de la santé repose sur un principe constitutionnel : le retour en arrière n’est pas envisageable.

Une Agence Régionale de Santé est établie par région, ce qui permet :
- Une analyse régionale des besoins de santé
- De mieux cerner les dépenses publiques justifiées et non justifiées
- De mieux cartographier la consommation sur le territoire national

La politique de santé nationale est déclinée de manière régionale, mais les remontées régionales pourront à l’avenir déterminer la politique nationale

Ainsi, l’action et la prise de décision dans les domaines économiques ou sociaux, s’accomplissent dans des contextes marqués par le caractère de contingence où l’information sur ces changements institutionnels est superficielle, voire partielle, et les zones d’ombres deviennent autant de chausse-trappes pour la prise de décision.

De fait, comment voulez-vous, dans ce contexte, que les entreprises du médicament, dit le LEEM, puisse déterminer une politique sereine ?

Comment voulez-vous que les entreprises et les directeurs de ressources humaines, engagés dans la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) puissent accompagner, comme ils le souhaitent leurs salariés aidants qui eux-mêmes sont noyés dans ce labyrinthe de qui est qui, qui fait quoi ?

Aussi, en qualité de Président de l’Association France Dépendance je suis persuadé que l’articulation bien comprise entre les textes législatifs, et tous les administrés, est devenu un enjeu majeur de l’économie moderne et de vitalité pour nos territoires.

Nul n’est censé ignorer la loi, encore faut-il pouvoir la comprendre !!!!!!

  • Publié le 18 novembre 2018

Partagez cet article :

Exprimez votre avis :