Beto O'Rourke et le retour à la campagne Obama 2008

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Beto O'Rourke a manifestement l'intention de revenir aux fondamentaux de la campagne Obama 2008. La colonne vertébrale c'est la campagne des pairs. Convaincre son cercle de proximité.

Senate Candidate Beto O'Rourke in Austin

La campagne d’Obama 2008, c’est d’abord la soif d’idéal. Dans cette soif d’idéal, c’est aussi la rencontre entre le «je» et le «nous». Pour donner un sens à sa vie, il faut assurer la rencontre de soi et des autres. Le développement personnel passe par un engagement social. Ce parti pris d’idéal, c’est l’axe stratégique de la campagne de Barack Obama 2008. Le choix fort a été ensuite, grâce à des outils, d’offrir de s’associer à cet idéal pour le transformer en idéal commun. Ces outils ont «vendu de la relation».

Mais Barack Obama a d’abord «vendu de l’idéal» y compris par la force de son propre cursus personnel mais bien au-delà par le symbole de tous ses grands projets. Les outils ont permis de bâtir l’adhésion du grand nombre à cet idéal puis de s’affirmer comme une «marque». Parce qu’on adhérait à la campagne de Barack Obama, on montrait que l’on partageait une vision et des engagements.

Ce faisant, il a probablement annoncé le renversement d’une tendance qui condamnait l’idéalisme au profit du réalisme. Il a annoncé la «conscientious living», c'est-à-dire un style de vie mesuré qui est la recherche de sens. C’est la fin du consumérisme ostentatoire (style de vie «bling bling»).

La campagne Obama a démarré comme créatrice de valeur. Par son succès, elle est devenue créatrice de mode. Au moment où elle est devenue créatrice de mode, les «premiers engagés» ont d’ailleurs mal vécu la perte de leur différenciation initiale. Les rencontres avec les acteurs de la première heure étaient très significatives. Ils exprimaient presque une forme de regret d’être désormais suivis par tant de personnes. Ils s’estimaient dilués, dépassés. La marque distinctive initiale était en voie de disparition.

Par conséquent, toutes les approches qui consistent à analyser la communication de Barack Obama comme la mobilisation de réseaux communautaires, l’émergence d’un style de «cool attitude» qui rompt avec l’image classique du pouvoir … nous semblent passer à côté de la vraie vague de fond : répondre à la soif d’idéal comme rencontre entre un engagement personnel et une mobilisation collective.

C’est le moment où la politique vient à la rescousse de la vie ; ce qui explique d’abord la mobilisation militante puis celle civique du vote. Parce que la vague de fond était celle-là, la crise d’octobre 2008 a amplifié la portée du phénomène Obama. La crise financière devenait la démonstration objective d’un radeau à la dérive. La confrontation entre ce nouveau style (Obama) et l’incarnation de ceux qui avaient failli au point d’amener le bateau au point de couler (McCain) produisait des effets encore plus implacables. D’où la sévérité de la sanction qui montrait la volonté de tourner une page avec force et détermination.

L’ampleur du succès électoral de Barack Obama a été dépendante de cette accélération conjoncturelle qui a d’ailleurs totalement écrasé les dernières semaines de la campagne alors même qu’elles étaient décisives Avec des techniques nouvelles de communication et dans un contexte marqué par un particularisme fort, l’originalité de la communication de Barack Obama tient à deux facteurs :
- il remet à «la une» le leader de charme,
- il restaure la place de l’intérêt général.

Sur l’image du leader, Barack Obama marque d’abord le retour en force du leader de charme. Il est en campagne permanente avec de très nombreux déplacements sur le terrain. Ses déplacements produisent toujours le même visuel : le rassemblement, l’action, le dialogue, la mobilisation.

Le temps de crise produit une sur-personnalisation que Barack Obama met en scène avec efficacité et réussite pour l’instant sans innovation particulière.

Sur le fond, il restaure la place de l’intérêt général. Ou plutôt, son discours repose en permanence sur trois piliers :
- il n’est pas possible de résoudre les problèmes avec ceux qui les ont créés,
- il y a un intérêt général qui dépasse la somme des intérêts particuliers,
- les solutions passent par la renaissance de la démocratie.

C’est ce contenu même du discours qui est le plus novateur. Le premier socle consiste à «tourner la page». La crise provient de comportements qui ne doivent pas se reproduire. Le système qui a créé la crise non seulement n’est plus crédible mais il est fautif. Il faut donc évoluer vers un autre ensemble de règles porté par de nouveaux leaders.

Ce nouvel ensemble de règles doit reposer sur une place nouvelle accordée à la notion d’intérêt général. Le discours de Barack Obama n’est pas le «retour de l’Etat», c’est la naissance de l’intérêt général dans la politique Américaine. Jusqu’alors, la politique Américaine reposait sur la notion de l’équilibre consenti entre des intérêts particuliers qui doivent négocier pour dégager un terrain d’entente. La notion même d’intérêt général était très extérieure à la politique Américaine. L’intérêt général fait alors une entrée fracassante dans la politique Américaine.

Classiquement, deux questions se posent immédiatement :
- qu’est ce que l’intérêt général ?
- qui en a la charge ?

A la première question, Barack Obama répond par des grandes causes nationales comme la défense de l’emploi, la mise en place de la couverture santé …

A la seconde question, il a tendance à répondre que sont concernés tous les décideurs politiques mais bien au-delà. C’est ce dernier volet qui ajoute à la nouveauté. Le Président Américain veut faire renaître la démocratie. Il récuse la notion de citoyen spectateur pour évoluer en permanence vers celle de citoyen acteur. Toutes les images vont dans cette direction principale : retrouver le sens d’une communauté où chacun agit.

Cette notion de «citoyen responsable» est l’actuelle création principale de l’élection de novembre 2008. Elle a expliqué la mobilisation presque sans précédent. Loin de casser ce ressort, le nouveau Président s’approprie ce creuset conceptuel pour montrer qu’il doit y avoir un nouvel exercice du pouvoir par l’action de chacun. Il redéfinit le «minimum vital» des démocraties modernes en termes d’information, de participation, de mobilisation. C’est le langage quotidien du suffrage universel moderne.

Toutes ces références sont celles de Beto o'Rourke dans ses premiers discours. Une logique qui le rend moins dogmatique et moins radical que d'autres candidats Démocrates.



  • Publié le 17 mars 2019

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