François Bayrou et la chance des Européennes
Dans une ambiance où "le couvercle pourrait sauter", François Bayrou peut incarner un dernier rempart face à une protestation brutale.
Les prévisionnistes sont souvent les premiers surpris quand les faits viennent leur donner raison.
La mode actuelle des prévisionnistes est d'identifier comment le "couvercle menace de sauter ".
S'agira-t-il d'une radicalisation de nature à servir les extrêmes lors d'un scrutin "sans enjeu" lisible par l'opinion ?
S'agira-t-il de la naissance d'une nouvelle tendance de Gouvernance ?
Le premier vote traduit la fièvre tandis que le second témoigne d'un mouvement finalement encore plus profond.
Trois constats s'imposent.
Tout d'abord, le Président est désormais sur le fil du rasoir. La sanction du politique est inscrite dans la tendance structurante du premier semestre 2009. L'inconnue réside dans le mode et dans l'ampleur de la sanction mais non plus sur l'existence même d'une sanction.
Ensuite, il est également admis que le PS reste à la traîne. Dans un paysage où tout bouge vite, le PS semble conserver un comportement immuable. Aucune chance de trouver une déclaration ou un comportement qui n'ait déjà figuré dans des discours ou des attitudes remontant à plusieurs années précédentes.
L'initiative vient d'ailleurs. C'est l'espace libre que cherche à occuper la gauche de la gauche.
Enfin, le besoin de décompression augmente. La crainte, c'est qu'il se manifeste dans la brutalité. Le discours présidentiel s'est usé très rapidement. La crise l'a fait plonger dans un tunnel dont nul n'entrevoit la sortie à ce jour. Le Gouvernement va être confronté à un chômage de masse qui crée une nouvelle donne politique. L'absence de perspective a toujours favorisé les révoltes brutales de ceux à qui aucun espoir n'est offert.
Le volet le plus propice à cette décompression réside dans le sentiment que la discipline de crise serait tolérable si " tout le monde était logé à la même enseigne ". Or, au moment même où l'élite politico-économique est incapable de sortir le pays de la crise, cette élite est perçue comme " épargnée " par la crise.
Cette dernière impression chasse le rationnel et laisse prévaloir l'affectif. C'est un peu comme si, dans de telles circonstances, les "raisonnables" voulaient cesser de raisonner. Il s'agit alors de protester contre une situation vécue comme anormale.
Depuis plusieurs semaines, nous vivons les révoltes de catégories sociales qui montent au créneau pour affirmer leur existence à l'exemple caricatural des DOM-TOM. Des catégories qui entendent " sortir de l'ombre ".
Ce contexte est une interrogation pour quatre leaders :
* Ségolène Royal : peut-elle incarner l'alternative politique en dehors même de sa formation politique et si oui comment ?
* Olivier Besancenot : peut-il sortir d'un scrutin à un pourcentage très élevé de vote sans la moindre solution applicable pour sortir sérieusement de la crise ?
* Martine Aubry : comment le PS peut-il exercer sa vocation naturelle qui est d'incarner l'alternance face à un pouvoir qui déçoit à ce point ?
* François Bayrou : comment peut-il incarner l'alternance en s'invitant à ce report à la place du PS ?
Pour ce dernier, il s'agit de définir le socle d'un nouveau pouvoir et les termes d'une nouvelle vie pour chacun.
Les " déçus " qui sont aujourd'hui prêts à sanctionner veulent tout simplement " vivre " en traversant protégés une crise dure pour évoluer ensuite vers un renouvellement plus conforme aux aspirations de considération, de réussite de chacun, de nouvelles conditions de fonctionnement pour que, dans le cortège des malheurs, cette crise offre quand même " une nouvelle chance " à la sortie.
Quant au pouvoir, l'enjeu est de sortir du sarkozisme en définissant une nouvelle gouvernance publique avec un pouvoir moins personnel, des libertés publiques renforcées ââ¬Â¦
Si François Bayrou mène une campagne Européenne sur ces bases, il peut être à la fois le rempart face aux extrêmes mais aussi en course pour une présidentielle 2012 alors très prometteuse.