François Bayrou face au défi du nouveau discours
Le leader du Modem est absent de l'actuelle période marquée par une offensive médiatique de premier ordre par Nicolas Sarkozy.
A la valorisation de l'intellect, au poids de l'Histoire et à toutes ces références classiques des discours traditionnels, les bouleversements de la période présente n'apportentââ¬ât-ils pas de nouveaux critères de nature à remettre en question les repères classiques du discours politique ?
1er changement, pendant des décennies, le discours politique était annonciateur ou rappel des lois écrites censées fonder les principes du fonctionnement en commun.
Aujourd'hui l'ensemble de cet édifice est communément considéré comme pour le moins inefficace voire même gravement obsolète.
Le pays ne croit plus à la justice des règles. Il aspire à une nouvelle équité de la vie au cas par cas.
Il aspire à s'en remettre non plus à une morale de l'écrit mais à une morale de la vie. C'est ce mouvement qu'accompagne Nicolas Sarkozy quand il décrit son évolution personnelle liée à son expérience présidentielle.
Dans ce contexte, la parole est vaine tandis que l'expérience est reine. Pour exposer cette expérience, il faut parler de soi, de sa vie, de ses échecs, des enseignements tirés dans les épreuves comme dans les succès. C'est une autre logique. Il ne s'agit plus de donner des leçons mais d'expliquer comment sa propre vie a permis de tirer des leçons.
Si elle se confirme, cette évolution porte en elle une véritable révolution du discours politique français dans sa grille d'écriture.
Deuxièment constat, le nouvel âge du discours est celui du style. Pendant longtemps le style a été à tort considéré comme une forme détachable du fond. C'est désormais l'apparition du fond en surface.
Dans ce contexte, c'est un nouveau code qui naît.
Le style, c'est :
- ce qui est identifiable au premier regard,
- mais aussi, voire surtout, ce qui est excitant, différent, authentique.
Ce n'est pas fade, commun, ennuyeux, triste.Il faut donc construire une image du discours qui produit du caractère en donnant de la couleur, de l'esprit, de l'âme, du plaisir.
Cet enjeu moderne construira les différences.
Sur le plan national, volontairement ou pas, 6 personnalités ont pris ce tournant.
Par ordre alphabétique, il s'agit de:
- Olivier Besancenot qui symbolise la révolte des "sans grade" avec un côté patelin qui charme,
- José Bové qui incarne le "décalage" tant dans sa vie que dans son look. C'est l'école rebelle de Cohn-Bendit lors des Européennes de juin 2009,
- Nicolas Sarkozy qui est la droite décomplexée bonne gardienne de l'ordre et de la compétitivité économique avec le coeur en plus depuis la crise financière,
- Dominique de Villepin dans la fonction du gérant gaullien de l'Etat régalien s'ouvrant à la modernité,
- Ségolène Royal qui occupe le créneau du socialisme qui hésite entre le respect de la règle rigide et la souplesse de la participation citoyenne,
- François Bayrou qui a cultivé le style de l'anti-Sarkozy. Rien du second ne trouve grâce aux yeux du premier.
Ces 6 personnalités ont six styles distinctifs.
Ces 6 styles structurent l'échiquier national français.
Une nouvelle étape de communication est née.
Si François Bayrou veut corriger son ancrage, il doit le faire vite et fort.
C'est le même impératif pour ceux qui voudraient s'inviter dans ce classement. Il leur importe de trouver des actes fondateurs forts pour faire bouger l'opinion qui progressivement se structure sur ces acquis.