Dominique de Villepin et le devoir d'éthique
La relaxe de Dominique de Villepin lui crée davantage de devoirs que de droits. Parmi les devoirs figurent le besoin d'éthique et l'exigence de nouvelle gouvernance publique. Ce sont là ses deux prochains rendez-vous majeurs.
D'abord, cette décision doit être respectée. La Justice vient de démontrer un esprit d'indépendance qui l'honore. Il eût été souhaitable qu'il en fut de même dans d'autres circonstances. Il serait utile qu'il en soit ainsi dans d'autres occasions.
Si la décision avait été la sanction, les cris sur la "justice aux ordres" auraient été nombreux. Ce qui compte c'est l'assurance d'une décision prise pour de seules considérations de droit. Sur ces considérations de droit, l'assurance d'une relaxe était solide dans le temps. Ce temps a été court et il est bon qu'il en soit ainsi.
L'essentiel s'ouvre maintenant. Comment ce responsable va consacrer son expérience et son intelligence à promouvoir le besoin d'éthique dans la vie politique Française.
Si ces deux termes, éthique et politique, ne sont pas nécessairement incompatibles, force est de constater que leurs relations paraissent fréquemment conflictuelles.
La politique est souvent perçue maintenant comme la sphère d'activité où le pouvoir peut transgresser beaucoup de règles parfois au titre d'une efficacité " supérieure " mais malheureusement aussi au titre d'un simple mépris de règles élémentaires.
Ce n'est pas une situation nouvelle. La raison d'Etat, le totalitarisme, le terrorisme tout comme la lutte contre celui-ci et tant d'autres raisons ont parfois officiellement justifié ce mépris de certains droits.
Chaque fois que ce fut le cas, c'est la démocratie qui a été la première victime.
Parce que la démocratie suppose un certain idéalisme mais également une indispensable vertu.
La démocratie suppose un certain idéalisme, car elle repose sur l'idée d'une dignité particulière de l'individu. Un individu libre, sacré qui constitue le peuple souverain. C'est en son nom que le pouvoir légitime peut s'exercer. C'est une offense à cette dignité chaque fois que le pouvoir méprise cette reconnaissance de la primauté de l'individu.
La démocratie est également le régime de la vertu. Ses éléments fondateurs sont la reconnaissance que tout individu doté de pouvoir doit l'exercer dans un cadre " transparent " de nature à permettre le contrôle des citoyens. C'est aussi la conception que le dirigeant doit servir et non pas se servir.
D'ailleurs, chaque fois que des régimes démocratiques se sont éloignés d'une certaine éthique, ils ont été emportés par cette attitude :
- en France, la IIIème République et les affaires Stavisky et Dreyfus,
- La IVème République avec les " ballets roses ",
- La Vème République a été très menacée par la Garantie Foncièrel'affaire Aranda. L'alternance à l'intérieur de la majorité en 1974 s'explique pour une bonne partie par le rejet de la majorité des " copains et des coquins " et le boulet de l'avoir fiscal de J. Chaban Delmas,
- il en est de même à l'étranger. Watergate pour R. Nixon, Clinton et le Monicagate, Edward Kennedy et Chappaquidickââ¬Â¦jusqu'au dernier scrutin britannique du jeudi 04 mai 2006 en passant par le rejet des libéraux Canadiens en janvier 2006 en raison du scandale des commandites...
Chaque fois que le pouvoir transgresse une certaine éthique d'exercice, il est condamné par l'opinion publique.
Ce constat historique est encore plus fort dans la présente période. La crise collective actuelle est matérielle, psychologique et morale.
Elle est matérielle parce que la situation du grand nombre est affectée par l'érosion du pouvoir d'achat comme par la nouvelle précarité en terme d'emploi.
Elle est psychologique parce que les repères collectifs traditionnels ont disparu pour laisser place à un monde déboussolé sans sortie garantie ni prévisible de tunnel. Un monde dans lequel il n'est plus question de vivre sur des bases rationnelles, connues voire programmables mais seulement de survivre dans le court terme.
Cette crise est aussi morale. L'opinion publique est d'autant plus sévère avec les dirigeants qu'elle éprouve un confus mais réel besoin de vengeance face à des élites qui ne parviennent plus à rendre la vie plus belle. Dans ce contexte, il n'y a plus de " morale de l'efficacité " qui permettrait de transgresser une certaine éthique.
Dans ces nouvelles circonstances, le citoyen aspire au respect.
Pour qu'on lui prouve ce respect, il demande un comportement honnête, transparent. La communication économique a intégré cet état d'esprit depuis longtemps. La communication publique a commencé mais des résistances demeurent. Il ne doit pas y avoir place au doute. Cette nouvelle éthique n'est pas " une morale provisoire ".
C'est une nouvelle donne qui s'est installée durablement et qui constitue une valeur que chacun se doit de respecter avec rigueur.
Dominique de Villepin sera désormais attendu sur le contenu précis pour consacrer cette place de l'éthique dans la vie publique.
C'est probablement ce rendez-vous là qui fixera désormais son sort dans le nouveau verdict qui l'attend : le verdict populaire et non plus judiciaire.