Bertrand Delanoë et la loi du cadenas

  • Jacques Chirac
  • Bertrand Delanoe

L'accord financier entre la Mairie de Paris, l'UMP et Jacques Chirac intervient dans une ambiance particulièrement peu réceptive face à de telles transactions.

La loi dite du cadenas a été votée en mars 1937 au Québec pour résister contre la propagande communiste. Toute habitation mise à disposition de cette idéologie pouvait être fermée. Il a fallu attendre 1957 pour que la Cour Suprême du Canada déclare l'anticonstitutionnalité de cette loi.

Sans existence formelle, cette loi du cadenas est culturellement très présente dans la vie politique française mais elle concerne une valeur considérablement plus importante que l'idéologie communiste : la place de la vérité dans la vie publique.

Dans l'accord en négociation entre la Mairie de Paris, l'UMP et J. Chirac, c'est le côté le plus dérangeant de cet arrangement.

Qu'un ancien Chef d'Etat âgé ne soit pas traîné devant les tribunaux pour répondre de faits délictueux peut se comprendre et s'admettre sans trop de difficulté.

Cet état d'esprit et la maladie avaient protégé François Mitterrand en son temps.

Mais encore faut-il quand même respecter certaines formes dont le fait de tirer les conséquences pratiques de cette situation pour qu'elle ne se renouvelle pas indéfiniment. Ce qui n'est pas fait en l'espèce. Si le Président n'est plus poursuivi de facto après son mandat "par respect pour l'Histoire", il faut qu'il puisse être poursuivi pendant son mandat par respect pour l'égalité devant la Justice.

S'il est considéré que le Président ne peut pas être jugé quand il a franchi un "certain âge", c'est pour reconnaître qu'il peut être responsable pendant son mandat. Sinon, c'est installer une impunité de fait.

S'il est considéré que l'argent pourrait exceptionnellement effacer une "faute pénale", pourquoi ne pas ouvrir un fonds privé exceptionnel où seuls les volontaires participeraient ?

L'UMP a une part considérable de son financement qui provient de l'argent public. Est-ce normal que les "contribuables" effacent l'ardoise que d'autres contribuables locaux avaient déjà ... "honorée" ?

Mais surtout, c'est là où la loi du cadenas s'applique de façon inacceptable : c'est pour étouffer la vérité.

La confiance dans un responsable politique devrait être proportionnelle à sa volonté de respecter la vérité. La pire faute dans une démocratie est le mensonge parce que c'est volontairement trahir la confiance donnée.

La politique est humaine donc elle comprend des erreurs, des fautes. Lorsqu'elle comprend des mensonges, c'est la démocratie qui est en cause.

Dans ce dossier, si Chirac a dit la vérité, il n'a donc rien à craindre de la Justice et il n'y a donc pas d'espace pour un accord.

S'il n'a pas dit la vérité, cet arrangement est le plus mauvais service qu'il puisse rendre au pays et à lui-même puisque le mensonge permet de ne pas règler un dossier sérieux et surtout il montre que face à la vérité il y a un recul difficilement compréhensible à cet âge et après avoir assumé de telles responsabilités.

Il va ne pas perdre comme ancien président mais il ne gagne pas comme "homme de tous les jours" qui aurait respecté l'opinion en disant toute la vérité pour faire avancer un dispositif qui n'a jamais été digne d'une démocratie et dont il est à craindre qu'il se perpétue encore.

Que Bertrand Delanoë soit le partenaire de cette procédure va fragiliser tous les partis classiques sans la moindre exception. La politique reste à côté des lois communes.

En temps de crise, l'acceptation aussi frontale de cet état d'esprit risque de ne pas se banaliser à terme dans les proportions souhaitées par les principaux intéressés.

  • Publié le 26 août 2010

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