Dominique de Villepin acte ses nombreuses différences

Lors de son passage sur Canal +, Dominique de Villepin a acté ses différences sur un ton très apaisé manifestement destiné à trancher avec l'ambiance survoltée qui caractérise de plus en plus les interventions de responsables de la majorité présidentielle.

Dominique de Villepin a repris avec calme et méthode tous les sujets d'actualité manifestant, à chaque occasion, l'ampleur des différences avec l'action conduite actuellement.

Il a notamment déclaré :

Remaniement gouvernemental :
"Moi, je suis pour qu'on change de politique. Si on ne change pas de politique, il n'y a aucune raison que François Fillon s'en aille".


Maintien d'Eric Woerth au Ministère du Travail :
"C'est le choix du Président de la République. On le voit bien à travers votre reportage: tout cela est douloureux (douloureux pour Eric Woerth, l'homme, pour sa femme, pour ses enfants, pour sa famille) mais en même temps très malheureux. Parce que le premier perdant dans cette affaire, eh bien c'est nous tous. C'est la réforme des retraites qui ne bénéficie pas de la négociation que nous aurions été en droit d'attendre.

Alors il y a une raison à cela: c'est que le dossier s'est déplacé du terrain judiciaire au terrain personnel et médiatique, parce que la justice est entravée dans ce dossier.

Eric Woerth ne ferait pas l'objet aujourd'hui de cette hallali que, pour ma part, je déplore si la justice pouvait sereinement faire son travail. La justice a été confisquée par un procureur qui est mêlé au dossier. Il n'y a pas de juge d'instruction. Les actes judiciaires qui sont faits sont des actes sur lesquels pèsent les plus grands soupçons, puisque les perquisitions font l'objet d'annonces préalables. Les actes qui doivent être menés à l'étranger ne sont pas faits. Tout cela est très dommage, mais une fois de plus: l'indépendance de la justice, c'est quelque chose d'essentiel dans notre pays".


Constitution d'un tribunal ad hoc pour l'appel du procès Clearstream :
"Comme vous dites, c'est pas de chance, c'est une mauvaise série, comme dirait l'autre ! Moi j'ai du mal à croire que cela soit possible dans une affaire aussi sensible, aussi délicate, où le Président de la République est directement mêlé, que l'on puisse avoir une telle succession de mauvais coups. Donc j'attends avec patience que la décision tombe.

Ce qui est certain, c'est que la composition d'un tribunal ad hoc (qui serait choisi selon quels critères, attendons pour voir) pèserait sur ce tribunal la plus forte suspicion. (...) C'est pour cela que je place cette question sur le plan des principes, mon cas personnel n'intéresse personne.

Les principes doivent être respectées dans notre République. Le principe, c'est que j'ai choisi de faire face à la justice ordinaire. Je dois être jugé comme n'importe quel citoyen. Normalement, ce dossier doit arriver devant la 11ème chambre. Je souhaite que les procédures soient respectées: les procédures et les principes.
Je pense que c'est une affaire qui est regardée à la loupe et tout en haut. Chacun sait que Nicolas Sarkozy regarde cette affaire de très près. (...) Ce qui est certain, c'est que le respect des principes judiciaires, cela vaut pour tous, l'égalité de chacun devant la loi. Et malheureusement, nous voyons dans l'affaire Woerth-Bettencourt que cette égalité n'est pas respectée, d'où ce psychodrame, d'où cette affaire qui se développe. J'ai droit, comme chaque citoyen, à cette égalité. (...)
Je l'ai dit: cette affaire ne pèsera pas sur mes choix politiques. Je prendrai les décisions que je souhaite prendre, qui s'imposeront à moi. Mais ce que je souhaite, c'est que cette affaire se déroule tout à fait normalement. Dans un dossier normal, nous devrions déjà connaître la date. Nous ne le savons pas. Cela montre qu'il y a de bonnes fées qui se penchent sur ce berceau".


Sur les manifestations contre les retraites :
La pression de la rue, "je l'ai vécue et je prends en compte l'expérience et je tire les leçons, d'abord de ma propre expérience. J'ai fait cette erreur de ne pas saisir le bon moment pour ouvrir suffisamment le débat et trouver le bon compromis possible. Aujourd'hui, on voit ce compromis possible. Quand je vous dis: "acceptons le passage de 60 à 62 ans", ce n'est pas de gaieté de coeur, parce que je pensais et je pense qu'il y avait une autre solution, mais il faut savoir trouver un compromis. Et si l'on veut donc être positif, on voit bien que cette réforme, elle pourrait trouver son juste équilibre. Donc oui, sachons écouter au bon moment, parce qu'une fois que c'est parti, eh bien, il est très très difficile de prendre le train en marche."


Interrogé par Anne-Sophie Lapix sur le moment où il avait senti le signal qu'il ne pouvait plus maintenir la réforme du CPE, Dominique de Villepin a déclaré qu'"il se trouve que les deux signaux sont montés concomitamment: la montée de la rue et le deuxième signal, c'est quand la majorité m'a mis un petit poignard dans le dos, dirigé à l'époque par le Ministre de l'Intérieur. Et à partir de là, eh bien il n'y avait pas de retour possible. A partir du moment où j'avais la majorité contre moi et la rue qui enflait, techniquement, on a beau chercher la porte de sortie, c'était trop tard".


Dominique de Villepin a également souligné que Nicolas Sarkozy "n'a pas toute sa majorité avec lui. C'est pour ça que c'est important, y compris au sein de la majorité, d'exprimer sa sensibilité. Vous savez, 2012 se jouera en grande partie sur l'égalité et la justice. Est-ce que cette réforme sera vraiment à mettre au compte de la majorité si elle n'est pas suffisamment juste? Vous savez, il y a des victoires d'un jour qui se paient très chères le lendemain".


Sur les expulsions de Roms :
"Quand vous regardez les réactions qui sont celles du Parlement Européen, de la Commission Européenne, des médias du monde entier, des Nations Unies, quel est le message qui nous est adressé: "attention, faites attention". Les mauvaises idées voyagent. Les mauvaises intentions voyagent. Et on voit les conséquences. Tout cela contamine profondément notre politique. Tout cela ternit notre vivre ensemble. Et si nous n'y prenons garde, eh bien, nous aurons d'autres excès, d'autres réactions inacceptables.
Quand vous voyez que c'est dans une circulaire du Ministre de l'Intérieur au mois d'août que sont stigmatisés très précisément les Roms, la priorité est donnée à la fermeture des camps des Roms, c'est-à-dire que de façon très spécifique dans un texte officiel, on stigmatise une communauté. Que l'on sanctionne ceux qui contredisent la loi, ceux qui n'appliquent pas la loi: bien sûr ! C'est la règle absolue dans toute république, mais attention à ne pas franchir certaines barrières.

De la même façon quand le Président de la République à Grenoble fait une distinction entre des citoyens français et des citoyens d'origine étrangère, ce qui est sans précédent dans notre pays, eh bien je crois qu'il faut s'inquiéter et en conscience, il est important que les Républicains réagissent. Vous savez, dans ce domaine, il n'y a pas de petits excès. Ces petits excès voyagent. On s'habitue, on s'accoutume et on voit cette soit-disant Droite Populaire qui n'a rien de populaire qui est une droite populiste essayer de flatter l'opinion, flatter les bas-instincts qui peuvent être exprimés. Tout cela est dangereux et quand cela est inacceptable, il faut le dire. (...) Nous avons besoin de rester fidèles à nos idéaux républicains. (...)
Nous avons un certain nombre de responsables politiques qui font du vent, alors que nous pouvons progresser en matière de sécurité. Moi je fais partie de ceux qui pensent qu'il y a un problème de sécurité dans notre pays et qu'il y a des solutions, mais dépassons les clivages politiques pour apporter les réponses. (...)
La question aujourd'hui n'est pas d'appliquer ou de ne pas appliquer la loi. La question aujourd'hui, c'est: faut-il stigmatiser? Faut-il dénoncer une communauté? Faut-il créer cette atmosphère malsaine dans la République qui divise les Français? (...)
Encore faut-il fait de la politique de façon responsable. J'ai vu depuis quelques jours des ministre français se rendre en Roumanie. Mais que ne sont-ils allés en Roumanie avant, pour définir un plan d'urgence avec les autorités roumaines, pour définir avec l'Union Européenne un plan qui soit financé au plan européen, puisque cela dépasse le cadre de la Roumanie. Faire de la politique de façon responsable et républicaine, c'est trouver des solutions et pas claironner et diviser les Français".


Sur les policiers municipaux attaqués ce weekend à Beauvais :
"Il faut, une fois de plus, appliquer les lois. Il y a des lois extrêmement sévères qui visent toutes les atteintes aux représentants des forces de l'ordre, qu'ils soient policiers et gendarmes. Pour ma part, je ne crois pas du tout qu'aller dans le sens d'une déchéance de nationalité soit la bonne solution. Là encore, on sait que cela s'appliquera à 1 ou 2 personnes. Donc cette idée de mobiliser l'ensemble de la nation sur de fausses solutions me paraît tout à fait anormale et indigne. (...)
Les lois doivent être appliquées et encore faut-il mettre en oeuvre des politiques efficaces. Nous savons parfaitement qu'il manque un élément central dans le dispositif de sécurité appliqué par le gouvernement: c'est la police de proximité qui, en liaison avec des moyens répressifs, permettrait véritablement d'assurer une sécurité au quotidien.
Ayons le pragmatisme de considérer qu'il y a des solutions de droite, appliquées par la droite qui sont bonnes (la vidéo-surveillance, oui, avec mesure), qu'il y a des solutions qui ont été revendiquées par la gauche, mais qui en leur temps n'étaient pas efficaces, et qui peuvent être améliorées. Si nous sommes capables de dépasser les clivages partisans dans le domaine de la sécurité, nous rendrons services à nos compatriotes, plutôt que de fausses solutions, de fausses politiques qui sont autant d'écrans de fumée qui divertissent finalement des problèmes réels".

  • Publié le 13 septembre 2010

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