Raphaël et la génération Robinson Crusoë

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L'une des dernières chansons de Raphaël est un appel direct au sens contestataire des Français. Existe-t-il encore ?

Raphaël évoque la "carte de lache" pour symboliser le désengagement des citoyens français.

Un langage violent pour tenter de réveiller l'engagement face aux comportements du "nouveau citoyen".

De nouveaux repères simples fondent les actes civiques :

- besoin de considération dans les termes utilisés à son égard,

- position d'abord fixée en fonction de l'appartenance à un groupe,

- aspiration à la satisfaction d'enjeux personnels.

Ce nouveau citoyen est-il indifférent à tout engagement ?

La réalité du désengagement naît d'abord de la saturation des insatisfactions des partis politiques classiques.

La recherche d'appartenance à un groupe a longtemps privilégié une place importante aux partis politiques. Ces derniers modelaient même parfois la vision qu'un citoyen peut avoir de la réalité et guidaient fortement ses intentions de votes.

Ce rapport à un parti politique avait des conséquences nombreuses :
il révélait une appartenance forte voire même militante,
le parti "mettait de l'ordre" dans les préférences des citoyens concernés et surtout hiérarchisait des priorités.

Le parti politique était donc un simplificateur de comportements.

Ce critère d'appartenance a été fragilisé pour deux raisons.

D'une part, les partis politiques ont perdu en qualité de référence. Leur statut s'est beaucoup désacralisé sous l'influence de nombreux facteurs.

Mais surtout, la désappartenance à un groupe politique est non seulement le résultat de la baisse de l'image de marque des partis mais l' l'affirmation d'une culture politique personnelle qui équivaut à la revendication d'un certain épanouissement intellectuel.

Sur le fond, les citoyens ont gagné en connaissance individuelle des dossiers. Ils sont de plus en plus connaisseurs de questions. Ils se constituent donc en conséquence une opinion et ensuite seulement ils cherchent à voter pour un candidat qui partage leur point de vue.

Ce dernier volet pose une question majeure : pour les citoyens qui gardent une référence à un parti politique, attendent-ils du parti que leur soit dictée leur façon de penser et un candidat qui répondent à leurs convictions ?

Le "citoyen idéologue ou militant" est de moins en moins présent.

La fidélité aux partis politiques a fondu comme neige au soleil. Elle est désormais totalement dépendante de l'action du parti tout particulièrement quand celui-ci est en charge des responsabilités du pouvoir.

Cette évolution explique les mouvements importants de blocs de voix passant d'un camp politique à un autre au gré des circonstances.

L'étape suivante consiste donc à définir les circonstances de nature à justifier des modifications de comportement électoral. S'agit-il de questions de fond ou de sujets d'actualité ?

La règle constatée par les études conduites sur ce sujet est celle de la primauté des sujets d'actualité.

Pour qu'une question de fond prenne plus d'influence qu'un sujet d'actualité, il faut deux critères cumulatifs :

- d'une part, qu'il s'agisse d'une vague de fond relative à un réel dossier d'une ampleur considérable (guerre, privations économiques exceptionnelles…),

- mais surtout d'autre part que l'un des candidats ait des positions clivantes éloignées des priorités collectives consensuelles, si elles existent.

En d'autres termes, si la question de fond appelle des réponses assez proches de la part des deux candidats, l'électorat retourne à des sujets d'actualité.

Par conséquent, la règle très installée est celle de la primauté des questions d'actualité.

Mais ce critère de choix est aujourd'hui mis en difficulté par un autre enjeu : la répartition entre les citoyens qui votent et ceux qui ne votent pas.

Cette séparation appelle une question pratique : qu'est ce qui peut réellement conduire un citoyen à ne pas voter ?

Les études universitaires conduites sur ce sujet apportent des enseignements qui divergent des réponses traditionnellement admises.

La baisse de participation est d'abord liée au sentiment que le vote ne changera rien au "système". Plus un circuit de décisions politiques est perçu comme manifestement "autonome", plus la participation civique chute.

Le second facteur d'abstention est lié au sentiment qu'a le citoyen d'exercer une influence décisive sur le vote. Si le choix collectif lui parait acquis d'avance et à l'abri de sa participation individuelle; il sera tenté par l'abstention.

Enfin, et seulement en troisième position, apparaît comme facteur le rejet des partis politiques.

Tous ces volets montrent bien qu'un nouveau citoyen est né avec des facettes d'une particulière complexité.

Faut-il pour autant déduire que le désengagement lache serait devenu la règle ?

C'est probablement prématuré. La crise a fait naître des "robinson crusoë". Chacun sur son île à tenter de se sauver.


  • Publié le 3 octobre 2010

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