Arnaud Montebourg face à Dominique Strauss Kahn

Avec le dispositif des primaires PS initié par Arnaud Montebourg, c'est une "nouvelle République" qui prend corps progressivement tant les modifications sont lourdes en profondeur. Déjà en 2006, la victoire de Ségolène Royal avait changé beaucoup d'éléments. Là, la mise en oeuvre de véritables primaires serait une étape majeure pour l'ensemble de la vie politique française.

Ce processus suppose ou entraîne des ruptures fondamentales avec des coutumes de la vie publique française.

Tout d'abord, l'ensemble de ce dispositif repose sur la conviction que le processus de sélection est le moment du "retour à la base" sans situation acquise bien au contraire. Aux Etats-Unis d'Amérique, la primaire est le moment où le candidat entame son "parcours initiatique", montre sa capacité à "mouiller la chemise", à parcourir des kilomètres dans le froid, sous la pluie ou la neige, à faire la différence sur le terrain...

S'il est accepté que l'exercice du pouvoir coupe des citoyens, la primaire est le temps du retour "aux réalités du terrain".

Cet état d'esprit est très éloigné de la culture française dans les "allées du pouvoir". La culture de "monarchie républicaine" développe une ambiance selon laquelle le détenteur du pouvoir ne peut débattre avec "n'importe qui" et doit continuer à se draper dans le cérémoniel du pouvoir jusqu'au soir du scrutin global.


Seconde rupture, la reconnaissance de la diversité des profils. Là encore, le processus français repose presque sur la notion de "droit divin". Un candidat se dégage car il rassemblerait des qualités que les autres n'auraient pas. Les échecs flagrants des politiques mises en oeuvre tant par la droite que par gauche ont emporté depuis longtemps cette construction intellectuelle. Loin de "personnages hors du commun", les élus de premier plan sont perçus comme des titulaires parmi beaucoup d'autres potentiels qui exerceraient la fonction différemment mais qui auraient capacité à l'exercer globalement aussi bien.


Troisième rupture, la relation entre le candidat et le parti politique.
Dans la culture française traditionnelle, le parti politique est un outil de conquête du pouvoir. C'est un endroit où doit régner la discipline, la dévotion à un individu. C'est "l'outil de guerre" d'un candidat. A l'opposé de cette mentalité, la primaire est la reconnaissance que le parti a non seulement sa propre vie mais que cette vie du parti lui impose de choisir le meilleur pour gagner le scrutin final. Par conséquent, le parti doit veiller à être un excellent détecteur de talents pour faire sortir des siens les meilleurs possibles.


Quatrième rupture, l'impact déterminant des débats publics. C'est le moment où les citoyens ont "tous les produits sous les yeux et peuvent voir la différence". Les débats publics ont un double effet : égalisateur et discriminant.

Egalisateur car "les inconnus" franchissent alors rapidement des étapes de notoriété en quelques soirées.

Discriminant, car l'oeil est objectif et la comparaison est alors implacable : de la tenue vestimentaire au ton en passant par les arguments exposés.


Cinquième rupture : un pas pratique vers la limitation de la durée d'engagement public. La reconnaissance d'un processus électoral propre aux primaires amène de fait le doublement du temps électoral donc le doublement de réelles épreuves physiques et psychologiques. Ce nouveau rythme fatigue beaucoup plus, expose davantage. Comme pour le sport de haut niveau, ce degré de charges diverses porte en lui la limitation dans le temps .

Ces exemples pratiques montrent combien l'institutionnalisation de primaires respectueuses de critères fiables et sérieux est de nature à modifier en profondeur la vie publique française. C'est le choc entre le profil Montebourg et le profil Strauss-Kahn.

Arnaud Montebourg représente l'esprit même des primaires : le neuf, le flambant, la séduction, la qualité à débattre. C'est un "costume sur mesure".

Dominique Strauss Kahn est à l'opposé de l'esprit de telles primaires. Il est drapé dans le pouvoir et ne veut en aucune manière se placer au niveau des autres candidats. De surcroît comme déjà constaté en 2006, sa démonstration orale est longue, technique, peu adaptée aux débats. A cette époque, il avait été largement dominé par Ségolène Royal.

Si le PS met en oeuvre des primaires réelles, dans l'ambiance actuelle, il est impossible d'en prévoir une issue avec probabilité. Ce serait bien là une étape déterminante vers une nouvelle vie politique.


Pour lire la suite sur cette question (bientôt en ligne) : lettre261

  • Publié le 26 avril 2011

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