Le PS et la révolution douce des primaires

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La présidentielle 2012 institutionnalise, avec l'organisation des primaires PS, un nouveau « temps de campagne électorale » avec de nouvelles caractéristiques. C’est une modification majeure dans la vie publique française.

Primaires internes ou 1er tour de scrutin ?

La multiplication des candidatures à la candidature est un phénomène nouveau mais incontournable. Il traduit l’éclatement des groupes de la société comme la décroissance de l’autorité des partis politiques. Cette concurrence doit trouver des moyens de régulation. S’en remettre au 1er tour de scrutin, c’est prendre le risque d’un éclatement des candidatures de nature à faire peser des inconnues majeures sur la vraie représentativité des candidats au second tour.

En avril 2002, la gauche a subi les conséquences directes de la multiplication de son « offre ». Cela s’est traduit par son absence au second tour. Le 1er tour est certes un enjeu de sélection mais encore faut-il que cette sélection intervienne sur des bases rationnelles ne faussant pas les critères de présence au second tour.

Par conséquent, face à cette nouvelle donne, la primaire offre une procédure fiable de sélection des candidats.

La vraie fonction du candidat

Second enjeu : le candidat doit désormais affronter deux étapes successives avec des logiques distinctes voire opposées. Dans un 1er temps, pour faire la différence au sein de son parti, il doit pratiquer un discours assez « intégriste » pour séduire les militants. Dans un second temps, il doit chercher à rassembler le plus largement possible. Ces deux étapes vont de plus en plus produire des contradictions redoutables à gérer. Les « effets de campagne » à usage interne au parti risquent d’être des boulets pour le passage devant le suffrage universel. Il y là un problème neuf et majeur de communication.

Le candidat qui participe dans l’objectif de gagner l’élection ultime doit résoudre l’équation suivante : que les conditions de victoire de la primaire dans son camp politique ne soient pas de nature à marquer son profil au point de l’handicaper pour la victoire finale.

Sous deux aspects (modalités concrètes de désignation comme conciliation d’objectifs différents), la vie publique française entame une réelle nouvelle étape de son fonctionnement.

Quelles modalités pratiques ?

Le dispositif pratique le plus proche des mécanismes déjà en vigueur à l’étranger est le suivant.

Il s’agit de réguler 5 temps différents :
- le dépôt des candidatures,
- l’installation d’une instance d’organisation,
- l’organisation du débat des primaires,
- le financement des campagnes des primaires,
- l’organisation des opérations de vote.

Dans les pays étrangers ayant déjà mis en œuvre des processus de ce type, les conditions d’éligibilité aux primaires sont généralement sur la base de trois critères :
- un critère d’âge : est retenu le niveau d’âge identique à celui des conditions légales pour l’élection en question,
- un critère de calendrier qui consiste à fixer une date limite pour formaliser le dépôt,
- un critère de parrainage : nombre et qualité de personnes qui doivent « parrainer » la candidature en question. Il est certain que ce chiffre doit varier en fonction des géographies électorales concernées. Le rôle de ce critère consiste exclusivement à éviter la démultiplication des candidatures qui handicaperait la qualité d’organisation des débats entre les « candidats à la candidature ».

Généralement, la préférence est donnée au nombre sur les conditions d’appartenance à un parti. Il vaut mieux retenir la qualité d’électeur et exiger un plus grand nombre de « parrains » que celle d’adhérent à un parti et un nombre moins élevé.

Seconde étape : l’installation d’une instance d’organisation. Cette instance a trois fonctions :
- enregistrer et agréer les candidatures en veillant au respect des critères techniques de recevabilité des candidatures dont le nombre de parrains,
- assurer l’égalité des candidats lors du déroulement des débats des primaires dont les moyens financiers forfaitisés de base alloués aux candidats,
- assurer la régularité des scrutins de vote.

Troisième étape : l’organisation du débat entre les candidats aux primaires. Le rôle principal des primaires consiste à créer entre le candidat et le citoyen de base un contact personnel et direct qui fonde le soutien loyal ultérieur donné par le parti. Par conséquent, tout ce qui renforce la possibilité de tisser ce contact direct est retenu. Les débats contradictoires entre tous les candidats sont très nombreux. Ce processus porte en lui un dispositif d’élimination progressive. Un candidat manifestement mis à mal lors de débats publics aura du mal à rester en course.

Quatrième étape : le financement des campagnes.

Le dépôt des candidatures validées par le franchissement du seuil de parrainages donne classiquement accès à une dotation financière de base. L’obtention du nombre des parrainages traduit la reconnaissance que le candidat en question représente un courant d’opinion qui a droit d’expression et qui, par voie de conséquence, doit être reconnu et respecté.

Cinquième étape : l’organisation des opérations de vote.

Il s’agit d’aller vers un échantillon électoral qui offre la garantie la plus sérieuse de représentativité des personnes appelées à s’exprimer. L’un des facteurs le plus simple consiste souvent à ouvrir le scrutin à tous les électeurs qui se considèrent proche du parti politique en question et qui souhaitent s’investir dans ce processus de sélection.

Ainsi, aux Etats-Unis d’Amérique, il importe d’être électeur localisé dans la géographie électorale concernée et se reconnaître proche de la sensibilité démocrate ou républicaine pour participer aux opérations de vote de l’un ou de l’autre des partis.


Un nouvel état d’esprit

Ce processus suppose ou entraîne des ruptures fondamentales avec des coutumes de la vie publique française.

Tout d’abord, l’ensemble de ce dispositif repose sur la conviction que le processus de sélection est le moment du « retour à la base » sans situation acquise bien au contraire. Aux Etats-Unis d’Amérique, la primaire est le moment où le candidat entame son « parcours initiatique », montre sa capacité à « mouiller la chemise », à parcourir des kilomètres dans le froid, sous la pluie ou la neige, à faire la différence sur le terrain...
S’il est accepté que l’exercice du pouvoir coupe des citoyens, la primaire est le temps du retour « aux réalités du terrain ».

Cet état d’esprit est très éloigné de la culture française dans les « allées du pouvoir ». La culture de « monarchie républicaine » développe une ambiance selon laquelle le détenteur du pouvoir ne peut débattre avec « n’importe qui » et doit continuer à se draper dans le cérémoniel du pouvoir jusqu’au soir du scrutin global.

Seconde rupture, la reconnaissance de la diversité des profils. Là encore, le processus français habituel repose presque sur la notion de « droit divin ». Un candidat se dégage car il rassemblerait des qualités que les autres n’auraient pas. Les échecs flagrants des politiques mises en œuvre tant par la droite que par gauche ont emporté depuis longtemps cette construction intellectuelle. Loin de « personnages hors du commun », les élus de premier plan sont perçus comme des titulaires parmi beaucoup d’autres potentiels qui exerceraient la fonction différemment mais qui auraient capacité à l’exercer globalement aussi bien.

Troisième rupture, la relation entre le candidat et le parti politique. Dans la culture française traditionnelle, le parti politique est un outil de conquête du pouvoir. C’est un endroit où doit régner la discipline, la dévotion à un individu. C’est « l’outil de guerre » d’un candidat. A l’opposé de cette mentalité, la primaire est la reconnaissance que le parti a non seulement sa propre vie mais que cette vie du parti lui impose de choisir le meilleur pour gagner le scrutin final. Par conséquent, le parti doit veiller à être un excellent détecteur de talents pour faire sortir des siens les meilleurs possibles.

Quatrième rupture, l’impact déterminant des débats publics. C’est le moment où les citoyens ont « tous les produits sous les yeux et peuvent voir la différence ». Les débats publics ont un double effet : égalisateur et discriminant.
Egalisateur car « les inconnus » franchissent alors rapidement des étapes de notoriété en quelques soirées.
Discriminant, car l’œil est objectif et la comparaison est alors implacable : de la tenue vestimentaire au ton en passant par les arguments exposés.

Cinquième rupture : un pas pratique vers la limitation de la durée d’engagement public. La reconnaissance d’un processus électoral propre aux primaires amène de fait le doublement du temps électoral donc le doublement de réelles épreuves physiques et psychologiques. Ce nouveau rythme fatigue beaucoup plus, expose davantage. Comme pour le sport de haut niveau, ce degré de charges diverses porte en lui la limitation dans le temps .

Ces exemples pratiques montrent combien l’institutionnalisation de primaires respectueuses de critères fiables et sérieux est de nature à modifier en profondeur la vie publique française. Le PS a bien mis en oeuvre un dispositif de nature à changer fondamentalement une partie de la vie politique française. Une révolution douce est bien intervenue cet automne 2011.

  • Publié le 17 octobre 2011

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