Guillaume Peltier et la campagne commando

  • Karl Rove
  • Guillaume Peltier

Les commentateurs qui aujourd'hui concluent déjà au résultat de la présidentielle 2012 risquent de fortes surprises.

L'équipe présidentielle s'inscrit dans une campagne commando inspirée notamment par les techniques américaines désormais partagées par les républicains et par les démocrates.

L'initiateur a certes été Karl Rove. Mais ces techniques ont été ensuite partagées par tous les candidats.

Une légende entoure Karl Rove. La réputation sulfureuse résulte d’une succession de « coups tordus » prêtés à l’intéressé. Le premier d’entre eux aurait débuté à l’âge de 20 ans quand, dans l’Illinois, Karl Rove se présente comme un supporter d’un candidat démocrate, lui dérobe du papier à en tête et transforme chacune de ses réunions publiques en annonces de fêtes avec « filles et bière gratuite » distribuées aux marginaux et aux clochards.

Né en 1950 au Colorado, il a été l’indiscutable maître d’œuvre des deux dernières campagnes présidentielles réussies de GW Bush.

En réalité, Karl Rove a introduit comme règles majeures quatre concepts.

Le premier est celui dit du « push polling ». Il s’agit de poser des questions biaisées lors d’un sondage pour modifier les intentions de votes des électeurs. Le sondage ne porte pas seulement comme message le chiffre qui donne la photographie de l’électorat sur une question donnée mais c’est l’existence même du contenu de la question qui devient le message.

Ainsi, en 1994, il commande un sondage qui, parmi les questions, comporte la question suivante « voteriez-vous toujours pour Ann Richards pour le poste de Gouverneur du Texas en sachant que son équipe est entièrement composée de lesbiennes ? ». Il transforme le sondage d’outil quasi-scientifique en instrument d’un message au « hasard » d’une question.

Il a reproduit méthodiquement ce système lors de la présidentielle de 2000 à l’occasion de la primaire difficile contre McCain en demandant si « les électeurs voteraient pour McCain si celui-ci s’était rendu coupable de trahison durant sa guerre du Viet-Nam ».

Il reproduira le même dispositif lors de la campagne de 2004 contre Kerry au moment où celui-ci caracole en tête des sondages.

Le second repère majeur dans la technique de Karl Rove, c’est la conviction que le vote à organiser est le « vote contre » et non pas le « vote pour ». C’est cette logique qui place désormais les campagnes négatives républicaines en outils les plus élaborés et efficaces des campagnes électorales.

Le troisième repère c’est de s’attaquer d’abord aux qualités majeures de ses concurrents sans respecter aucune précaution sur la vérité desdites attaques. Dés l’instant qu’un concurrent est doté d’un point fort, celui-ci fait l’objet d’un matraquage systématique pour au moins jeter le doute sur cette qualité « objective ».

Ainsi, l’été 2004, bien que titulaire des décorations militaires les plus prestigieuses attribuées après des enquêtes minutieuses, John Kerry fait l’objet d’une campagne mettant en cause la réalité de son engagement pendant la guerre du Viet-Nam. Rove aurait monté de toutes pièces à l’aide de militants républicains rémunérés des déclarations fabriquées visant à attaquer Kerry sur sa qualité principale : son engagement pendant la guerre du Viet-Nam.

Il s’en est suivi un matraquage de communication notamment par des campagnes web qui ont conduit à jeter le doute pendant un moment et conduire Kerry à mobiliser toute son énergie pour se justifier sur un point inconcevable en début de campagne. Il ne tournera la page que lorsque la chute de Kerry dans les sondages avait été amorcée.

Le quatrième repère majeur de Karl Rove réside dans le dynamisme des dernières semaines de campagne électorale. Il est persuadé que les électeurs ont la « mémoire courte » et qu’ils peuvent changer d’avis jusqu’au dernier moment. Les dernières semaines sont donc un vrai « feu d’artifice ».

Avec de tels repères, Rove a fait naître une nouvelle génération de communicants politiques.

En France, Guillaume Peltier et la "cellule riposte" sont les précurseurs en la matière. Cette logique des campagnes commandos correspond à l'air du temps : une opinion qui élimine davantage qu'elle ne soutient.

Une opinion volatile qui est d'une extrême réactivité mais qui oublie très vite assaillie par un trop grand flux d'informations permanentes.

Tenir le dernier mois de la présidentielle sera un véritable parcours du combattant. Hollande peut très bien "exploser en plein vol" et la donne peut changer en quelques jours.
François Fillon s'est attaqué hier à l'un des points forts de François Hollande : l'art oratoire en dénonçant une fausse citation. C'est bien vu. Les actuelles primaires républicaines en donnent des exemples hebdomadaires. Une nouvelle logique de campagne électorale voit manifestement le jour.

  • Publié le 29 janvier 2012

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