La crise (Edito 33)

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La notion de crise est familière à la nature humaine. Tout notre fonctionnement collectif vise à prévenir les crises, les circonscrire, les maîtriser, les surmonter. Ce sont des périodes où l'ordinaire cède le pas à l'exceptionnel. Depuis quelques semaines, avec les manifestations sur le CPE, la France est-elle entrée en vraie période de crise ? Si oui, est-ce bien la crise dont on parle ces derniers jours ?

La vraie crise est d'abord celle d'une fracture entre les élites politiques et en l'espèce une partie du peuple qui ne reconnaît pas la légitimité d'une loi votée.

Il suffit d'entendre les discours des uns et des autres pour juger de l'ampleur du fossé.

La représentation politique majoritaire dénonce "l'arrogance de la rue" qui ne peut ignorer ce qu'a voté le Parlement.

Les manifestants dénoncent "l'arrogance du Pouvoir" qui serait coupé des réalités et mépriserait les besoins d'une partie de la population.

La vraie crise est là. Bien au-delà des seules mesures du CPE voire même d'un débat qui serait élargi à l'ensemble d'une politique économique.

Quand le débat porte sur de telles fractures, ce n'est plus une crise dans le régime mais une crise de régime.

Cette gravité se manifeste par la répétition des crises :
- il y a trois mois les banlieues,
- aujourd'hui les étudiants,
- et après ?

Les sujets de crises potentielles sont nombreux :

- financière avec le poids de la dette publique que l'opinion se refuse pour l'instant à intégrer concrètement,

- économique car la mondialisation n'est pas seulement porteuse de précarité. Elle va entraîner aussi une redoutable paupérisation pour de nombreuses classes sociales désormais concurrencées dans leurs fonctions par des rivaux aux coûts incomparables,

- sociale avec le dossier des retraites sans cesse repoussé,

- de représentation politique si le Front national n'est pas en situation politique d'avoir un candidat au 1er tour des prochaines élections présidentielles, ce qui paraît probable avec les actuels critères de parrainage et l'émergence d'une candidature rivale mais honorable de De Villiers,

- internationale avec des OPA se multipliant au prix de reniements excessifs de cultures locales,

- ...

Toutes ces formes de crises reposent sur une crise plus grave qui est celle de la représentation politique qui connaît depuis 20 ans une crise permanente qui s'est dangereusement amplifiée :

- crise de la participation avec une poussée significative des abstentions,

- perte de crédibilité du Parlement sans vrai pouvoir,

- crise des partis politiques qui ne recrutent plus,

- banalisation des scandales avec un sentiment croissant d'irresponsabilité,

- érosion considérable de la vraie assiette politique de chaque pouvoir qui au 1er tour représente désormais moins d'un cinquième des suffrages exprimés,

- une présidentialisation du régime conduisant à une concentration considérable des pouvoirs mais sans contrôle.

La France ne peut plus ignorer durablement ces réalités. La IVème République est morte de l'instabilité gouvernementale. Les Institutions de la Vème République furent alors présentées comme "l'action dans la démocratie". Qui peut encore parler d'action voire même de "démocratie moderne" ?

C'est bien une crise de régime qui frappe désormais notre pays. Ce constat interpelle l'ensemble de nos Institutions dont nos "équilibres" constitutionnels.

Le débat présidentiel de 2007 revêt sous cet angle une importance particulière.

  • Publié le 28 mars 2006

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