L'année avant l'élection (Edito 38)

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Le temps peut être le principal allié de tout détenteur d'une autorité publique confronté à la gestion de la durée limitée de son mandat. Mais il peut aussi devenir son principal ennemi bien plus redoutable que chacun de ses concurrents électoraux.

Honoré de Balzac employait souvent cette référence selon laquelle "le temps est le seul capital des gens qui n'ont que leur intelligence pour fortune". En réalité, le vrai enjeu est dans le rapport temps / évènements. Henry James indiquait : "qu'est-ce que le caractère sinon ce qui détermine l'événement ? Qu'est-ce que l'événement sinon ce qui illustre le caractère ?".

Cette formule résume tout l'enjeu de la dernière année avant une élection. Des évènements contrôlés ou pas vont intervenir. Comment illustreront-ils le caractère du responsable public concerné ?

Deux cas de figures existent. D'un côté, ceux qui laissent le temps décider pour eux. Ils considèrent que la dernière année est en quelque sorte "l'arrivée en gare". Le bilan, c'est-à-dire le trajet déjà accompli, parlera pour eux si un problème devait survenir.

Ceux qui ont actuellement un tel état d'esprit sont très éloignés de la réalité socioculturelle du moment. Il n'y a plus de mémoire globale, réfléchie, rationnelle, comparée, équilibrée.

Le dernier évènement marquant trace la mémoire qui efface les précédentes. Une mémoire chasse l'autre. Pendant les émeutes urbaines, Dominique de Villepin incarnait le sens de l'Etat, l'expression modérée, l'autorité à l'écoute. Trois mois plus tard, pendant la crise du CPE, qui lui a su gré de cet actif en cherchant à établir un rapport entre le passif et l'actif ?

Par conséquent, dans de telles circonstances, l'avenir appartient à ceux qui ont un rapport actif au temps. Ils savent que la gestion du temps dans la dernière année avant une élection est l'activité la plus importante. Cette activité consiste à examiner comment garantir qu'il y aura une communication faisant passer les bons messages aux bons électeurs aux bons moments.

Dans ce calendrier stratégique, le plan de travail repose sur 7 questions :
1) qu'est ce qui a besoin d'être fait ?
2) Pourquoi le faire ? Est-ce primordial ?
3) Qui le fera ?
4) Comment cela se fera-t-il pratiquement ?
5) Quand cette action doit-elle être conduite ?
6) Est-ce que cette action peut amener des contestations et si oui lesquelles ?
7) Et si cette action n'était pas conduite que se passerait-il ?

Sans tomber dans l'éloge de l'immobilisme, il ne s'agit pas non plus de faire pour faire. Un proverbe populaire dit que "lorsqu'il n'est pas nécessaire de changer, il est nécessaire de ne rien changer". Combien de candidats vont regretter l'impact de la mesure qu'ils engagent dans la "dernière ligne droite" alors même que, sérieusement, rien n'imposait ladite mesure dans un tel calendrier. Alors pourquoi prendre le risque ?

Généralement, deux raisons conduisent à une telle situation. D'une part, pour certains élus "la religion de faire, d'agir, de bâtir". S'ils se sont beaucoup investis dans un mandat local c'est qu'ils y retrouvent la possibilité d'assouvir cette soif d'action et de prise de décision. Donc leur demander de peser réellement l'utilité d'une décision va à l'encontre de leur tempérament.

La seconde raison tient à la logique historique du bilan. Pendant des décennies, l'atout du pouvoir sortant résidait dans la qualité de son bilan. Cette époque là est finie. Chaque mémoire chasse la précédente. Par conséquent, si la dernière action projeté est risquée, elle peut être l'arbre en mauvais état cachant la forêt des réalisations parfaitement réussies.

Le "nouvel électeur" est comme le "nouveau consommateur". Il est très difficile à fidéliser. Il sait que le bilan est acquis. Un nouveau groupe scolaire ne disparaîtra pas avec une alternance municipale.

L'infidélité n'est pas ressentie par lui comme une injustice, une preuve d'instabilité voire d'immaturité.

Non, le zapping électoral c'est une façon de gérer sa vie, de marquer son autonomie, d'optimiser son pouvoir individuel.

Avec cet état d'esprit, tout change.

  • Publié le 2 mai 2006

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