L'image de Jean Marie Le Pen (Edito 68)

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Depuis avril 2002, JM Le Pen a changé de "catégorie". En réalité, son parcours politique a connu trois étapes. La première jusqu'au début des années 80 était celle d'une certaine marginalisation. Au début des années 70, le FN réalise des scores de 2 % dans le meilleur des cas.

En 1974, JM Le Pen se présente à la présidentielle et fait 0,74 % des suffrages. En 1981, JM Le Pen n'est pas candidat à la présidentielle car il n'a pas pu obtenir les parrainages nécessaires. Son absence ne cause aucun "scandale". Lors des législatives qui suivent la victoire de F. Mitterrand, il est en position de présenter seulement 77 candidats aux législatives.

Cette marginalisation prend fin en 1984 lors des élections européennes. Cette date est le début d'une croissance permanente. De 1984 à 2002, JM Le Pen réalise désormais d'excellents scores électoraux mais il est diabolisé. L'opinion le considère comme " dangereux ".

Le second tournant est celui du 21 avril 2002 avec son accession au second tour de la présidentielle. C'est l'étape de l'acceptabilité. Cette étape recouvre deux mouvements difficilement quantifiables individuellement tant ces sujets sont subjectifs. Faut-il parler d'une droitisation de l'opinion ou d'une modération de Le Pen ?

Il est certain que l'opinion s'est durcie dans certains domaines. Ce faisant elle est allée dans le sens des idées du FN. Cette évolution a d'ailleurs des racines étonnantes. Par exemple, les enquêtes réalisées après les émeutes urbaines ont attesté d'une poussée du FN dans les zones rurales qui n'avaient pas été exposées aux émeutes en question.

Il est tout aussi certain que JM Le Pen a laissé de côté les déclarations outrancières qui construisaient son extrêmisme.

Sous la pression de ces deux facteurs, une nouvelle situation politique est née.

Les dernières enquêtes disponibles et ce depuis 2005 ouvrent des perspectives électorales sans précédent.

Quelques chiffres permettent d'apprécier le potentiel de JM Le Pen :

- en 1997, le niveau d'adhésion des Français aux 4 dossiers clefs du FN (immigration, sécurité, défense des valeurs traditionnelles et critique de la classe politique) oscillait entre 12 et 31 %. A fin décembre 2005, le score le plus faible d'adhésion était de 22 % (et non plus 12 %). Le score le plus élevé était passé à 33 %,

- si on devait dissocier les thèmes de la question sur l'approbation du Front National, la progression serait encore plus considérable pour atteindre parfois 73 % de l'opinion par exemple sur le thème de la défense des valeurs traditionnelles.

La présidentielle de 2007 s'ouvre donc sur un paysage nouveau.

Sauf retournement pendant la campagne, il paraît désormais probable que le 1er tour de la présidentielle placera le FN à un nouveau score record.

Ce score est la traduction politique de la protestation émise par trois catégories électorales au sein desquelles JM Le Pen effectue des résultats considérables atteignant les 30 % d'intentions de votes :
- les bas CSP,
- les jeunes de moins de 30 ans,
- les retraités.

Cette France des peurs exprime sa réprobation par le vote FN. Même en courant après certains thèmes du FN, le captage des voix n'intervient pas tant l'authenticité du FN est ancrée. La course aux thèmes du FN est perçue comme ruse ou manipulation et cet électorat se fait une fierté de ne pas " être dupe ".

2002 a véritablement créé une nouvelle donne. Les partis politiques classiques ont tantôt refusé de voir la réalité des racines de ce vote tantôt cherché à reprendre certains thèmes formulés différemment mais en vain.

La vie politique Française a ainsi placé au centre de son fonctionnement un redoutable dispositif de concentration des exclusions qui exprime une hostilité quasi généralisée à l'autre et à l'endroit du système politique. C'est l'une des rares démocraties occidentales à vivre cette situation à ce niveau là.

  • Publié le 5 décembre 2006

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