JFK 50 ans : Kennedy, Reagan, Obama : les trois mutants de la communication publique

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En 1960, John Kennedy part en campagne avec deux handicaps sérieux. D’une part, son âge car à 43 ans sa jeunesse est considérée comme une preuve d’incompétence. D’autre part, sa religion catholique car jusqu’alors tous les Présidents avaient été d’origine protestante.

Première étape : JFK ou comment parler à l’oeil

Pour ces deux raisons, en début de campagne, les Républicains voient l’avenir en rose au moment du démarrage des opérations.

Certes John Kennedy va traiter chacun de ses deux handicaps dont la réunion du 12 septembre où il aborde de front la question religieuse. Mais la donne a changé. Kennedy a mis en place une nouvelle campagne. Il conduit une communication inédite, sans précédent. Sa vie est mise en scène. Son bateau de guerre (PT 109) devient le symbole de son endurance et de ses qualités de chef.

Face à lui, Nixon est réduit au rôle de second d’Eisenhower. Il est attaqué sur ses capacités de leadership avec des campagnes négatives très offensives. Les Démocrates exploitent une déclaration très maladroite d’Eisenhower au sujet de Nixon.

Puis c’est toute la «famille Kennedy» qui monte au front dont Jackie Kennedy. Lorsqu’elle n’est pas dans la caravane électorale, l’opinion a l’explication : elle attend un enfant. La télévision fait la différence. Kennedy arrive aux débats en ayant étudié tous les détails dont la couleur du fond du décor. Au dernier moment, il change même la couleur de sa chemise pour qu’elle soit davantage en harmonie avec le décor. Nixon fatigué par une récente opération du genou paraît exténué, le teint pâle, laiteux, la barbe naissante ; bref l’air du battu face à la jeunesse éclatante pleine de santé, de vigueur, d’optimisme.

A la fin du débat, les sondages sont organisés et ils révèlent une situation étonnante.

Les personnes qui ont écouté le débat à la radio donne Nixon gagnant. Celles qui ont vu le débat à la télévision donnent Kennedy très largement en tête. Les secondes sont infiniment plus nombreuses que les premières car la télévision est déjà à cette époque chez 44 millions de foyers américains soit 88 % de la population.

Le 4 novembre, Kennedy gagne. Il devient «l’élu de la télévision». L’impact du seul visuel a été tellement grand que tous les candidats vont refuser de débattre à la télévision jusqu’en 1976 où le défi est alors relevé par Ford et Carter.

Le leadership moderne en politique était né.

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Seconde étape : Reagan ou l’intelligence émotionnelle

La seconde étape majeure date des années Reagan. Il est le grand communicateur. Il ne parle pas de politique mais des valeurs qui guident la vie de tous les jours : un sujet, une anecdote, un sourire et l’adhésion est emportée.

C’est le produit d’un travail méticuleux. Il invente le «Président Téfal» celui à qui aucun échec ne colle à la peau.

Tout est scénarisé. C’est un spectacle permanent avec un «happy ending». Reagan est le héros qui lance les grandes aventures, qui réussit contre tous les courants contraires.

Avec Reagan, la politique devient une histoire. Dans la dernière ligne droite avant le vote, Reagan achète des espaces publicitaires sur les grands réseaux. De quoi parle-t-il alors ? Des dossiers les plus importants ? Il raconte «qu’il vient de perdre un ami (John Wayne) et juste avant sa mort, cet ami lui a fait prendre un engagement simple : donne à l’Amérique une raison de vivre et elle triomphera de tout».

C’est l’optimisme hollywoodien avec une présentation manichéenne d’une extrême simplicité.

Le 4 novembre 1980 à soixante dix ans, Reagan devient le plus âgé des Présidents élus mais le plus moderne de ses Présidents.

Il va mener sa gestion présidentielle comme ses campagnes. Une fois les dossiers les plus sérieux de la planète traités, le Président repart dans son ranch, monte à cheval, taille le bois. C’est sain, sportif, viril faisant référence aux clichés les plus forts du Far West.

En 1980 l’élection est brillante. En 1984, la confirmation l’est autant. La personnalité est adulée même si l’opinion est plus mesurée sur le bilan concret.

Le 6 novembre 1984, Reagan remporte 49 Etats sur 50 réunissant 59 % des électeurs sur l’ensemble de l’Etat fédéral.

Au lendemain de sa réélection, alors qu’il est invité à commenter les résultats, il énonce avec un grand naturel «et nous n’avez encore rien vu !».

La seconde étape dans le leadership moderne était franchie.

Il n’était plus question de compétences intellectuelles mais de compétences émotionnelles et physiques : savoir parler à l’intelligence émotionnelle de l’opinion.


Ronald Reagan


Troisième étape : Obama ou le leadership associé

En 2008, Obama fait naître et vivre une nouvelle étape : le leadership associé. Cette étape ajoute de nouvelles données aux deux premières étapes parce de nouveaux supports sont nés avec les nouvelles technologies.

Obama a créé un nouveau leadership en 2008 : le leadership de possibilité orienté vers des espoirs grâce à la mobilisation de chacun en s’éloignant de la reproduction de vieux modèles basés sur la contrainte ou sur l’excessive délégation.

Facebook, Twitter, Internet … ont été les moyens, les outils d’une campagne qui reposait sur un objectif considérablement plus ambitieux : répondre au besoin d’idéal de la société Américaine.

La campagne 2008 d’Obama, c’est d’abord la soif d’idéal.

Dans cette soif d’idéal, c’est aussi la rencontre entre le «je» et le «nous». Pour donner un sens à sa vie, il faut assurer la rencontre de soi et des autres.

Le développement personnel passe par un engagement social.

Ce parti pris d’idéal collectif associé à une forte implication individuelle, c’est l’axe stratégique de la campagne de Barack Obama.

Le choix fort a été ensuite, grâce à des outils, d’offrir de s’associer à cet idéal pour le transformer en idéal commun. Ces outils ont «vendu de la relation».

Mais Barack Obama a d’abord «vendu de l’idéal» y compris par la force de son propre cursus personnel mais bien au-delà par le symbole de tous ses grands projets.

Les outils ont permis de bâtir l’adhésion du grand nombre à cet idéal puis de s’affirmer comme une «marque».

Parce qu’on adhérait à la campagne de Barack Obama, on montrait que l’on partageait une vision et des engagements.

Il a annoncé la «conscientious living», c'est-à-dire un style de vie mesuré qui est la recherche de sens.

C’est la fin du consumérisme ostentatoire (style de vie «bling bling»).

La campagne Obama a démarré comme créatrice de valeur. Par son succès, elle est devenue créatrice de mode.

Au moment où elle est devenue créatrice de mode, les «premiers engagés» ont d’ailleurs mal vécu la perte de leur différenciation initiale.

Les rencontres avec les acteurs de la première heure étaient très significatives. Ils exprimaient presque une forme de regret d’être désormais suivis par tant de personnes. Ils s’estimaient dilués, dépassés. La marque distinctive initiale était en voie de disparition.

Par conséquent, toutes les approches qui consistent à analyser la communication de Barack Obama comme la mobilisation de réseaux communautaires, l’émergence d’un style de «cool attitude» qui rompt avec l’image classique du pouvoir … nous semblent passer à côté de la vraie vague de fond : répondre à la soif d’idéal comme rencontre entre un engagement personnel et une mobilisation collective.

C’est le moment où la politique vient à la rescousse de la vie ; ce qui explique d’abord la mobilisation militante puis celle civique du vote.

Parce que la vague de fond était celle-là, la crise d’octobre 2008 a amplifié la portée du phénomène Obama.
La crise financière devenait la démonstration objective d’un radeau à la dérive.

La confrontation entre ce nouveau style (Obama) et l’incarnation de ceux qui avaient failli au point d’amener le bateau au point de couler (McCain) produisait des effets encore plus implacables.

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  • Publié le 20 novembre 2013

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