Les Français portent un regard très dur sur l'Europe

A la demande de Valeurs Actuelles et de l'Institut Montaigne, Harris Interactive a réalisé une enquête interrogeant les Français sur leur perception du bilan et de l'avenir de l'Union européenne. Plus de deux ans après la séquence de « crise de l'euro », matérialisée au dernier trimestre 2011 par la crise budgétaire de la Grèce, et à un mois des prochaines élections européennes, il s'agissait ici de comprendre l'efficacité attribuée à l'Europe dans différents domaines, ainsi que de mesurer l'adhésion des Français à différentes mesures envisageables pour l'Union européenne.


Que retenir de cette enquête ?

Invités à donner une note de 0 à 20 pour juger de l'efficacité de l'Union européenne dans différents domaines, les Français portent un regard très dur à l'égard des effets de la politique des institutions communautaires : qu'il s'agisse de la politique agricole, de la politique budgétaire, de la croissance, de l'emploi ou de l'immigration, l'Union européenne se voit attribuer une note moyenne d'efficacité très faible, inférieure à 7/20. Qui plus est, au moins un Français sur deux attribue même à l'Europe une note d'efficacité inférieure ou égale à 5/20 : les Français expriment donc vivement leur regard presque unanimement critique sur l'Europe - et ce d'autant plus que, traditionnellement dans les enquêtes d'opinion, les personnes interrogées se reportent souvent dans les enquêtes sur les notes intermédiaires, moins clivantes.

Plus précisément, leur jugement est particulièrement sévère concernant trois thématiques qui sont au coeur des préoccupations des Français : l'immigration (seulement 4,6/20 de moyenne), l'emploi (5,0/20) et la croissance (5,6/20). Il est légèrement moins critique concernant deux enjeux dont l'on sait qu'ils sont moins prioritaires aux yeux des Français : la politique agricole (6,8/20) et la politique budgétaire (6,5/20).


De façon transversale, les jeunes ou encore les sympathisants d'Europe Ecologie Les Verts se montrent certes plus positifs que la moyenne, même si leur note d'efficacité attribuée à l'Union européenne ne dépasse pas pour autant les 10/20. Les sympathisants de l'UMP, du Parti socialiste mais aussi du MoDem, trois formations politiques historiquement pro-européennes, portent également un regard légèrement plus positif que la moyenne des Français quant à l'efficacité de l'Union européenne dans ces différents domaines, mais ces notes restent toujours nettement en-dessous de la moyenne. En revanche, les sympathisants du Front National mais aussi du Front de Gauche, deux partis pourtant opposés sur l'échiquier politique, expriment chacun le même jugement très critique à l'encontre des institutions européennes.


Si les Français établissent donc un bilan très sévère concernant l'efficacité actuelle de l'Union européenne, ils n'appellent pas pour autant à la fin de l'Europe. Bien au contraire, les personnes interrogées semblent même souhaiter un approfondissement de la politique européenne dans certains domaines : ainsi, 80% des Français jugent que l'Europe « doit adopter une politique énergétique commune », quand 75% attendent qu'elle mette en place une politique douanière que l'on pourrait qualifier de « protectionniste », consistant à augmenter les taxes sur les produits venant de l'extérieur de l'Union européenne. 67% des Français indiquent également souhaiter que l'Europe adopte un système de gouvernance resserré autour du couple franco-allemand et de quelques pays, signe que l'élargissement de l'Union européenne à 28 pays a sans doute été associé à une perte d'efficacité politique par une large de proportion de Français.


Ces attentes de réappropriation du pouvoir politique européen semblent traverser les clivages politiques. Ainsi, l'idée d'une politique énergétique commune suscite un relatif consensus, étant approuvée par au moins trois personnes sur quatre toutes familles politiques confondues. L'hypothèse d'une politique douanière protectionniste suscite également une large approbation, même si celle-ci est légèrement plus forte parmi les sympathisants de l'UMP (83%) et moins prononcée parmi les sympathisants écologistes (62%). La perspective d'une gouvernance resserrée suscite des réactions moins homogènes : l'idée est accueillie favorablement par une nette majorité des sympathisants du Centre (66%), de l'UMP (80%) et du Front National (71%), sans doute au nom de l'efficacité politique ; tandis qu'elle est moins souhaitée que la moyenne par les sympathisants de partis de Gauche, et notamment du Front de Gauche (seulement 45%) et d'Europe Ecologie (48%).


Enfin, la perspective d'un renforcement identitaire de l'Union européenne, par la référence dans ses textes à ses supposées « racines chrétiennes », suscite un fort clivage : 39% des Français s'y déclarent favorables, quand 61% indiquent au contraire y être opposés. Dans le détail, la référence à des « racines chrétiennes » de l'Europe est très largement souhaitée par les sympathisants de l'UMP (60%) et du Front National (66%), tandis qu'elle est quasi unanimement rejetée par les sympathisants de Gauche : seulement 6% des sympathisants EELV, 11% des sympathisants du Front de Gauche et 16% des sympathisants socialistes souhaitent que l'Europe fasse état dans ses textes de « racines chrétiennes ».


Méthodologie : enquête réalisée en ligne du 16 au 18 avril 2014. Echantillon de 1 527 personnes représentatif de la population française âgée d'au moins 18 ans, à partir de l'access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région d'habitation de l'interviewé(e).

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  • Publié le 25 avril 2014

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