Arnaud Montebourg ou Benoit Hamon et le défi du jour d'après
Jusqu'à ce jour, les départs n'ont jamais été des rampes de lancements mais ont auguré des périodes de "traversées du désert". C'est le constat effectué par Harris Interactive. Une réalité qui tranche avec la progression des intéressés constatée ces dernières semaines.
Délits d'Opinion : Par le remaniement, Manuel Valls cherche-t-il à redonner déjà un nouveau souffle à son action, alors qu'il a perdu 16 points de confiance en 3 mois? Quels en sont les leviers ?
Jean-Daniel Lévy : Notons, déjà, que cette enquête a été réalisée avant l'annonce du remaniement et les propos d'Arnaud Montebourg aussi bien dans Le Monde, qu'à Frangy-en-Bresse. A la veille des élections municipales, Manuel Valls était LE candidat des Français et des sympathisants de Gauche à Matignon. Son arrivée, dans une certaine mesure, plaisait aux Français ou - à tout le moins - s'inscrivait dans une confiance délivrée par 46% de nos concitoyens. Si les Français souhaitaient le voir remplacer Jean-Marc Ayrault, c'est avant tout parce qu'il incarnait une stature déniée à François Hollande. Celle de l'autorité. Le regard porté sur le nouveau Premier ministre se distinguait de celui concernant le Président.
L'autorité constituait un point essentiel mais ne parvient pas à remplacer l'attente croissante de résultats. Nous l'avons déjà souligné, les Français attendaient une forme de cohérence gouvernementale doublée d'une lisibilité de l'action. Cette dernière n'apparaît pas manifeste. Et les annonces de début août (notamment concernant une anticipation d'absence de croissance au deuxième semestre) troublent les Français. Chez ces derniers, les plus forts décrochages sont à relever parmi les personnes âgées et celles les plus à droite sur l'échiquier politique. Restent aujourd'hui 78% des sympathisants socialistes accordant leur confiance à Manuel Valls. Rappelons nous, enfin, que Jean-Marc Ayrault avait connu en mars dernier une très forte baisse de la confiance exprimée par son camp politique.
Une fois ce constat posé, observons que le principal reproche adressé à Manuel Valls ne s'inscrit pas dans une orientation qui lui serait personnelle mais bien... comme étant celle de François Hollande. Les personnes critiques à l'égard du Premier ministre ne lui voient pas de véritables marges de manœuvre et, cet aspect étant assez nouveau, s'interrogent sur sa compétence. Ajoutons à cela des termes et orientations politiques « de gauche » insuffisamment mobilisés aux dires d'électeurs adoptant ce positionnement politique.
Quelles informations nous donne le moment choisi par le Premier ministre pour faire évoluer son équipe ?
Ce qui fait, d'un point de vue d'opinion, la force d'un responsable politique, c'est sa capacité à pouvoir maitriser le temps, être un acteur scandant l'agenda. Il s'avère que la situation s'est, dans une certaine mesure, imposée à Manuel Valls. C'est à la suite des déclarations successives de l'ancien Ministre de l'Economie que la décision a été prise de remanier le gouvernement. A la suite des élections municipales, la baisse de confiance exprimée à l'égard de François Hollande ne s'était pas estompée. Ceci notamment parce les personnes interrogées avaient le sentiment diffus que le Président n'était pas à l'initiative de l'arrivée de l'ancien Ministre de l'Intérieur mais subissait une situation s'imposant à lui. Ce qui ne le renforçait pas. On compare souvent les responsables politiques à des joueurs d'échecs. Ici, Manuel Valls n'a pas pu faire sien le constat du champion Aaron Nimzowitsch, « la menace est plus forte que son exécution ».
Sur quelles personnalités François Hollande et Manuel Valls peuvent-ils s'appuyer pour cette nouvelle étape du quinquennat ?
Considérons, déjà, les personnalités du gouvernement. Ce sont les titulaires des portefeuilles régaliens dans lesquels la confiance exprimée apparaît la plus forte. : Laurent Fabius (43%), Jean-Yves Le Drian (39%). Ajoutons Najat Vallaud-Belkacem (37%), Ségolène Royal (32%), Christiane Taubira (28%). En dehors des personnes aujourd'hui présentes au gouvernement, observons - parmi les sympathisants de Gauche - une forte confiance exprimée à l'égard de Martine Aubry, Anne Hidalgo, Olivier Besancenot, Jean-Luc Mélenchon et... François Bayrou. Relevons également, même si son retour au gouvernement apparait comme une hypothèse d'école, qu'après la publication de son ouvrage, Cécile Duflot progresse de 4 points (à 17%) chez les Français (personnalité avec la plus forte évolution) avec notamment une évolution de 6 points chez les sympathisants de Gauche.
Reste, on l'a vu par le passé, qu'un gouvernement ne constitue pas qu'une addition de personnalités portées par « l'opinion » mais de ministres aux profils différents et complémentaires.
Que pèsent réellement Arnaud Montebourg, Benoît Hamon et les soutiens qu'ils ont reçus dans l'opinion ? Pourront-ils bénéficier de leur départ du gouvernement ?
Arnaud Montebourg s'inscrivait, depuis ces trois derniers mois, dans une dynamique d'opinion positive auprès des sympathisants socialistes. D'une confiance accordée par un peu plus d'une personne sur deux proche de cette formation politique (52%) nous sommes passés à près de deux-tiers (64%). Benoit Hamon s'inscrivait dans la même veine passant de 62% à 67% de confiance. Reste que ni l'un ni l'autre ne peuvent prétendre, aujourd'hui, fédérer en dehors de leur camp. Ainsi, ce mois-ci l'ancien Ministre de l'Economie voyait la confiance exprimée à son égard de la part des sympathisants du Front de Gauche se situer à 44%, 38% pour l'ex-Ministre de l'Education. Les expériences récentes ont pu montrer que ni Cécile Duflot, ni Delphine Batho (pour ne citer qu'elles) n'ont bénéficié immédiatement d'une forme de gain d'opinion. L'ancienne ministre du logement n'a progressé qu'au moment de la publication de son livre. Même parmi les sympathisants socialistes.
Méthodologie : enquête réalisée en ligne du 19 au 21 août 2014. Echantillon de 1000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, à partir de l'access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l'interviewé(e).