Alain Juppé et le faire part de décès des primaires
Dans les faits, le faire part de décès des primaires est déjà à l'impression.
En effet, les primaires ne correspondent pas à la culture politique française. Les 48 dernières heures viennent de le prouver comme les élections municipales de mars 2014 avaient déjà apporté la preuve dans des conditions récentes incontestables.
Là où elles ont eu lieu, les primaires ont été un cortège de problèmes d'organisation. A Paris et à Lyon, les primaires ont été à l'origine de polémiques considérables de nature à entacher leur portée. Une portée d'ailleurs faible qui n'a pas dépassé les militants traditionnels ni suscité une vague nouvelle d'adhésions.
Là où elles n'ont pas eu lieu, leur absence est intervenue dans l'indifférence. A Grenoble, elles ont même été abandonnées en cours de route dans une indifférence notoire.
L’organisation de primaires n’est manifestement pas dans la culture politique française et encore moins pour la composante de droite.
Pour que des primaires soient organisées sur des bases efficaces, 4 conditions pratiques sont incontournables :
1) La neutralisation préalable du parti politique face aux candidats potentiels : pour que la primaire soit possible, il faut que l’administration du parti politique soit impartiale, exclusivement vouée à l'organisation de la primaire et à l'efficacité ultérieure de mla mise à disposition de la logistique du parti. C’est la conception américaine du chairman. Dès qu’un parti politique devient l’appareil d’un candidat, il ne peut plus remplir cette fonction.
La candidature de Nicolas Sarkozy et a fortiori l'esprit de sa candidature valent abandon de facto des primaires. Comment un chef de parti aussi énergique, impliqué, pourrait-il ensuite vivre en équité avec les autres candidats la course des primaires organisée par le parti qu'il dirige ?
2) Le respect de l’équité par les médias : les médias doivent faire vivre les primaires donc mettre à quasi-égalité les candidats à découvrir et les candidats à la notoriété déjà installée.
En 4 jours, les médias français viennent de prouver leur incapacité à faire vivre cette équité. 2 jours pour pousser l’annonce de Sarkozy. 1 jour sur l’annonce. 1 jour pour commenter l’annonce. Le star system a fonctionné à fond et les autres candidats sont loin derrière.
La médiapolitique française a de quoi s’interroger sur le fond sur les conditions de son fonctionnement.
3) Pour que des primaires vivent, il faut des approches différentes sur le fond. Des différences doivent exister pour faire vivre la participation au vote. Sans différence, les primaires ne peuvent vivre. Or l'opinion française baigne dans une culture où la "discipline de pensée" doit régner à l'intérieur d'un parti. Si cette "unicité de pensée" n'existe pas, il est question de "frondeurs", de "diviseurs", de "dissidents" ... autant de qualifications qui érodent le socle même de la diversité des opinions.
Toute l'histoire des partis politiques français repose sur cette unicité de pensée à l'intérieur d'un même parti.
4) La primaire repose ensuite sur des financements alternatifs aux financements publics. Or les partis sont en France d'abord des "trésors de guerres électorales" grâce aux financements publics.
Celui qui dirige un parti est à la tête d'une logistique financière et humaine qu'aucune autre structure ne peut équilibrer.
C'est d'ailleurs ce constat très "mercantile" qui a été à l'origine des oppositions réelles entre Jean François Copé et François Fillon. C'est ce même constat qui a permis de débloquer la situation dans une logique de "sauver les acquis".
Avec une telle situation, la "primaire" en France repose vraisemblablement par la multiplication des partis politiques en considérant que la seule "primaire" sera la tendance des sondages à mesure que l'élection se rapproche et que cette tendance va conduire à discipliner la trop forte multiplication de candidatures.
Tant qu'Alain Juppé ou autres candidats resteront dans la logique de primaires à l'intérieur d'une formation politique qu'ils ne dirigent pas, ce sont des candidats battus par avance par les traditions politiques françaises.
Dans des circonstances "ordinaires", en France, la primaire c'est le premier tour de l'élection.
Avec un Front National haut voué au second tour, la primaire devient la tendance des sondages d'opinions.
Le PS en 2012 a vécu une situation exceptionnelle. Sans "l'affaire DSK", la primaire n'aurait pas existé dans de telles conditions. "L'affaire DSK" a légitimé une désignation qui échappait aux formes classiques.