David Axelrod et la bataille pour 2016
Dans une campagne américaine, les fonctions sont considérablement mieux identifiées qu'en France.
Il y a notamment un "chef stratégiste". Ce fut la fonction de David Axelrod auprès de Barack Obama en 2008.
Sa fonction c'est de construire l'image de marque perçue du candidat afin qu'elle corresponde aux tendances du "marché électoral".
Pour 2007 et la campagne Obama, David Axelrod avait posé les jalons de l'analyse stratégique dès 1999.
L’organisation type d'une équipe de campagne américaine est articulée autour de 7 pôles qui correspondent à 7 catégories de tâches différentes.
La 1ère fonction est celle de la direction de campagne. En liaison permanente avec le cabinet-conseil qui constitue la structure extérieure de conception et de définition de stratégie, la direction de campagne est confiée à un professionnel de l’organisation. Cette fonction est conçue comme une tâche de management au sens classique du terme. La période concernée constituera d’ailleurs une ligne à part entière du cursus professionnel de l’intéressé. Il est rémunéré officiellement sur des bases proches du secteur privé. Sa fonction est analogue à la direction générale d’une entreprise.
Le second pôle est celui de la collecte de fonds. Dans chaque équipe, le « fund raising » constitue un travail professionnel officiel quotidien. Régulièrement, l’équipe de campagne publie l’état de sa collecte. Plus les caisses sont pleines, plus elle est assurée de durer. C’est l’indicateur de crédibilité.
Le troisième pôle est le suivi d’opinion. C’est souvent la structure la plus étoffée. L’enquête par phoning (téléphone) va occuper quotidiennement plusieurs personnes qui suivent pas à pas l’évolution de l’opinion sur les messages lancés et sur les sujets d’actualité.
Le 4ème pôle est constitué par l’équipe « d’oppo research ». Ils suivent pas à pas les concurrents, leurs positions passées et présentes, leurs carrières, leurs financiers... La matière pour les publicités négatives sortira de leurs dossiers.
Le 5ème pôle est celui des relations presse. La personne doit avoir un tempérament très énergique et des « nerfs d’acier ». Les relations sont en effet très différentes de celles connues en France. La « complicité amicale » serait synonyme d’un mauvais professionnalisme. Le représentant du candidat doit donc « en imposer » à la presse par sa connaissance détaillée des dossiers comme de la personnalité et du cursus du leader qu’il représente.
Le 6ème pôle est celui des « faiseurs de messages ». Ce pôle va du « speech writer » au photographe attaché aux basques du candidat ou au caméraman qui anime le site Internet. Le speech writer coordonnera souvent une cellule argumentaires fonctionnant en liaison avec des universitaires locaux.
Le 7ème pôle rassemble toutes les tâches diverses dites de secrétariat. Ce poste recouvrait encore dans la décennie 80 des travaux importants d’envois ciblés donc de mise sous enveloppe. Toutes ces tâches sont désormais externalisées.
Cette organisation présente 4 caractéristiques qui la différencie profondément des traditionnelles équipes françaises.
La 1ère est celle du professionnalisme à part entière. Par le système transparent, officiel des structures électorales, les postes sont revendiqués comme un cursus professionnel comme un autre. L’objectif est d’abord l’efficacité bien davantage que le militantisme.
La 2ème caractéristique est celle de la dimension moyenne des circonscriptions électorales. L’échelle démographique va de plusieurs millions d’électeurs (Sénat) à des centaines de milliers. Cette dimension impose et/ou autorise des méthodes « de masse ». Pour parler au grand nombre, il faut un message clair, des moyens lourds répétitifs et une grande cohérence dans le temps pour d’abord franchir le seuil minimal de notoriété puis construire son image de marque.
La 3ème différence est le règne absolu de l’image. Le candidat est le message : par sa tenue, par ses formules brèves et incisives, par ses gestes, par ses attitudes.
La 4ème différence majeure est la reconnaissance de la segmentation du corps électoral. Parler ou agir général, c’est parler ou agir en vain. Tout le travail consiste à passer le bon message aux bons récepteurs. Les publicités télévisées sont un moyen privilégié puisque les émissions ont une identification précise de leur audience. Par conséquent, les vidéos clips payants assurent le meilleur ciblage possible pour prendre position sur des thèmes qui sont chers aux téléspectateurs de la tranche TV concernée.
Tout ce dispositif trouve un impact particulier avec la place reconnue à l’argent. Plus les caisses sont pleines, plus le candidat est reconnu comme un « winner » et prend l’avantage. Plus il peut compter sur des professionnels de qualité. Plus la victoire parait proche et naturelle.
L'équipe 2008 de Barack Obama incarnait "à la perfection" le professionnalisme dans chacune de ces tâches au niveau de l'état major.
C'est ce professionnalisme que revendique David Axelrod.
Pour 2016, que dit-il ?
1) Il faut du neuf et il n'y a pas de candidature inéluctable,
2) les enjeux doivent être renouvelés.
Avec ces deux affirmations "stratégiques", c'est tout le profil d'Hillary Clinton qui est remis en question.