Elections départementales : analyse Harris Interactive sur les candidats
Les 22 et 29 mars 2015 se tiendront en France les prochaines élections départementales. Ce scrutin conduisant à l'élection des conseillers départementaux a été modifié en profondeur par rapport aux échéances précédentes. Tout d'abord, les élections de 2015 concerneront l'ensemble des cantons français, tandis que le renouvellement des conseillers généraux se faisait jusqu'alors par moitié tous les trois ans, les deux derniers scrutins ayant eu lieu en 2008 et 2011. Ensuite, la structure des cantons a été l'objet d'un redécoupage important, conduisant à réduire presque de moitié le nombre de circonscriptions cantonales, de 4 046 à 2 054. Enfin, dans une recherche de parité du personnel politique, le mode de scrutin impose désormais la candidature d'un binôme homme-femme, dont les deux membres candidatent pour une élection conjointe aux postes de conseillers généraux. Notons également que le seuil de qualification d'une candidature pour le second tour est désormais établi à 12,5% des inscrits sur les listes électorales, alors que ce seuil était de 10% jusqu'en 2010 : compte tenu de la faible participation à ce type de scrutin, cette évolution rend moins probables les situations de triangulaires ou quadrangulaires au second tour.
Le Ministère de l'Intérieur a rendu publique mardi 17 février la liste des candidatures pour le premier tour des prochaines élections départementales. Harris Interactive a analysé ces données pour répondre à un certain nombre de questions : dans quelle mesure les formations politiques se sont-elles mobilisées pour ces élections ? Quel est l'impact potentiel du mode de scrutin sur le renouvellement du personnel politique, que ce soit en termes d'âge, d'expérience politique ou de secteur d'activité des candidats ?
Pour mesurer les évolutions par rapport aux scrutins précédents, Harris Interactive s'appuie sur une comparaison avec des données agrégées cumulant les élections cantonales complémentaires de 2008 et de 2011. Seule cette base agrégée permet d'observer des évolutions à périmètre constant, soit sur l'ensemble des cantons français.
Quels sont les principaux enseignements de cette analyse ?
Suite à la forte réduction du nombre de cantons, passé de 4 046 à 2 054, on assiste très logiquement à une baisse du nombre de candidatures, de 18 881 à 9 096. Au-delà de cet effet mécanique, on constate toutefois une légère baisse du nombre moyen de candidatures par canton : 4,7 candidatures en moyenne en 2008-2011 pour 4,4 en 2015. Le canton faisant l'objet du plus grand nombre de candidatures est celui de Marseille-1, dans les Bouches-du-Rhône, où 11 binômes prétendent à l'élection comme conseillers départementaux.
En termes de couverture politique, les élections départementales de 2015 voient la très forte mobilisation du Front National : des binômes frontistes seront ainsi candidats dans la quasi-totalité des cantons français (93%), ce qui représente à la fois une forte hausse par rapport aux élections précédentes (61% de cantons couverts par le FN en 2008-2011) mais constitue aussi le taux de couverture le plus important parmi l'ensemble des formations politiques. À titre de comparaison, des listes de l'UMP ou d'Union de la Droite seront présentes dans 78% des cantons, soit environ autant que pour les listes socialistes ou d'Union de la Gauche (77%). Le Front de Gauche - qu'il s'agisse de listes désignées comme telles, du Parti Communiste ou encore du Parti de Gauche - sera quant à lui présent avec des candidatures en propre dans 58% des cantons, contre 19% de candidatures Europe Ecologie Les Verts.
Le fait d'imposer un binôme hommes-femmes à l'ensemble des candidatures induit inévitablement une parité absolue parmi les candidats : 50% d'hommes, 50% de femmes. Mais certaines formations politiques ont dû réaliser un effort de renouvellement particulier par rapport aux dernières élections cantonales de 2008 et 2011. Ainsi, l'UMP ne présentait que 17% de femmes sur les derniers scrutins, pour 23% au Parti socialiste, 26% au Front National et 29% au Front de Gauche. Avec 35% de candidates en 2008-2011, c'est sans doute Europe Ecologie Les Verts qui a eu le moins d'efforts à fournir pour atteindre les 50% réglementaires en 2015.
Au-delà de cet enjeu paritaire, on observe un certain renouveau en termes d'âge parmi les personnes candidates aux prochaines élections départementales. L'âge moyen des candidats passe ainsi de 53 ans en 2008-2011 à 51 ans pour 2015, ce qui n'est pas sans lien avec la logique de binôme homme-femme, puisque les candidates affichent une moyenne d'âge inférieure à leurs homologues masculins (un an de moins en moyenne). Ces chiffres moyens rendent néanmoins peu compte de la grande diversité d'âge des candidats, y compris au sein d'un même binôme. Sur l'ensemble des cantons, la candidate la plus jeune est âgée de 18 ans depuis quelques jours, tandis que la candidate la plus âgée a 91 ans. En moyenne, 13 ans d'âge séparent les deux membres d'un binôme. Notons qu'en moyenne, certaines formations politiques présentent des candidats plus jeunes que la moyenne : Debout La France (47,5 ans en moyenne), le Front National (49,4) ou Europe Ecologie Les Verts (49,5). À l'inverse, les candidats du Front de Gauche (52,7), du Parti socialiste (52,2) et de l'UMP (51,6) présentent les profils les plus âgés. Néanmoins, à l'issue du scrutin, la moyenne d'âge des élus pourra être supérieure à celle des candidats : ainsi, les conseillers généraux sortants se représentant en 2015 sont âgés de 58,2 ans en moyenne, soit un niveau nettement supérieur à l'ensemble des candidats. Quoi qu'il en soit, la moyenne d'âge des candidats reste donc relativement homogène, située autour de 50 ans, soit un niveau très proche de l'âge moyen de la population française majeure (un peu plus de 49 ans et demi).
En termes socio-économiques, les cadres et professions libérales sont largement surreprésentés parmi les candidats aux prochaines élections départementales : ils représentent plus d'un quart (28%) des candidats au scrutin, alors que cette catégorie socioprofessionnelle constitue seulement 9% de la population française âgée de 15 ans et plus2 . Les candidats sont également composés de 23% de retraités, de 18% d'employés ou encore de 16% de professions intermédiaires. Le profil socio-économique des candidats n'est toutefois pas homogène selon les soutiens politiques du binôme. Ainsi, les candidats du Front National sont composés majoritairement d'employés (26%) ou de retraités (26%), mais de relativement peu de cadres et professions libérales (14%) - soit une segmentation en cohérence avec la structure de l'électorat frontiste aux derniers scrutins. En revanche, les effectifs de l'UMP, du Parti socialiste mais aussi du Centre (MoDem-UDI) et d'Europe Ecologie sont composés pour plus d'un tiers de cadres et professions libérales, mais de peu d'employés (15% ou moins) et de très peu d'ouvriers (1% ou moins). Les candidats présentés par le Front de Gauche appartiennent quant à eux surtout aux professions intermédiaires (21%), aux employés (23%) et surtout aux retraités (31%), mais comportent peu de cadres (15%).
Tout comme les élus nationaux, les candidats aux élections départementales sont également surreprésentés dans le secteur public. Pour rappel, parmi les députés exerçant une activité professionnelle au moment de leur élection, 38% étaient issus du secteur public, 62% du secteur privé. Soit des chiffres nettement au-dessus de la moyenne nationale, puisqu'un peu moins de 22% de la population active occupée est salariée du secteur public3 . Ce déséquilibre est également valable à l'échelle locale, car les candidats aux élections départementales présentent également un profil particulier : 35% des personnes actives sont issues du secteur public, pour 65% issues du secteur privé, soit un niveau très proche de celui observé chez les députés mais nettement supérieur à la moyenne de la population active occupée. Qui plus est, la proportion de candidats évoluant dans le secteur public est proche de 50% à gauche, qu'il s'agisse du Front de Gauche (52%) ou du Parti socialiste (49%), tandis qu'elle est plus faible à l'UMP (27%) et très minoritaire au sein des candidats du Front National (15%).
Alors que la réduction du nombre de cantons aurait pu accentuer une forme de « professionnalisation » de la vie politique, les élections départementales de 2015 voient se présenter des profils qui sont loin d'être tous expérimentés : parmi les 9 096 binômes candidats, 2% sont composés de deux conseillers généraux sortants. Pour 20% des candidatures, le renouvellement n'est que partiel, puisqu'elles présentent un conseiller général sortant accompagné d'une personne ne faisant pas partie du dernier Conseil Général. Ainsi, ce sont près de huit binômes sur dix (78%) qui présentent deux personnes n'ayant pas exercé la fonction de conseiller général au cours de la dernière mandature. L'imposition d'un binôme homme-femme a certainement joué sur ce renouvellement des candidatures, dans la mesure où les conseillers généraux sortants représentent près de 20% des candidats masculins (18,8%) mais seulement 5,2% des femmes. D'un point de vue dynamique, la proportion de conseillers généraux sortants parmi les candidats est donc nettement moins élevée pour 2015 (12%) qu'elle ne l'était en 2008-2011 (17%).
Au final, le profil des candidats aux prochaines élections départementales illustre donc les distorsions traditionnellement associées au personnel politique national, tout particulièrement en termes socio-économiques. Même si la parité des binômes et l'âge moyen des candidats montrent que ceux-ci « ressemblent » davantage à la population française majeure sur ces critères. Rappelons toutefois qu'il ne s'agit ici que d'une analyse sur les candidats aux prochaines élections départementales. Il sera nécessaire de reproduire l'exercice à l'issue du scrutin pour prendre la mesure du renouvellement du personnel politique produit par ces élections départementales au nouveau visage.