Twitter, Instagram, Pinterest ... ou les valorisations qui s'affolent

Des méthodes traditionnelles d’évaluation se sont progressivement imposées avec la méthode des comparables, celle d’actualisation des cash flow futurs et enfin, compte tenu de l’évolution très particulière des résultats de certaines entreprises, la méthode des valeurs de rentabilité.

La méthode des comparables consiste à comparer la société cible avec un échantillon de valeurs représentatives du secteur dans lequel évolue la société analysée.

Très fréquemment utilisée, cette méthode se fait, comme son nom l’indique, par comparaison de ratios classiques, le PER, le ratio Valeur d’entreprise sur Résultat d’exploitation (REX) et le ratio Valeur d’entreprise sur Chiffre d’affaires, en considérant qu’il doit exister une certaine homogénéité entre les sociétés d’un même secteur ou enregistrant des modalités de croissance quasiment identiques.

Compte tenu de l’environnement des sociétés à étudier, sont souvent appliqués dans les calculs des multiples «prévisionnels» plutôt que des multiples «actuels» ou «historiques».

Cette méthode montre immédiatement des points de fragilités :

- la composition de l’échantillon des comparables,

- l’appréciation du seuil d’opérationnalité. Dès qu’une entreprise s’est engagée dans un ambitieux programme d’implantations de nouvelles surfaces, alourdissant par là-même ses dotations aux amortissements alors que les résultats supportent les coûts d’investissements, cet indicateur doit être corrigé en conséquence,

- si c’est une société en plein développement, la rentabilité n’est pas du niveau des sociétés comparables du secteur, lesquelles travaillent avec des structures matures, ayant dépassé le niveau de TRI exigé par les managements. Donc il peut être pénalisant d’utiliser les méthodes de comparables par les PER et les VE/REX, donc de mettre en regard d’un groupe des sociétés dont les niveaux de résultat, et de marges, tirent parti de l’ancienneté de leurs implantations.


Par conséquent, cette méthode "classique" comportait déjà des imperfections.

Une autre méthode est celle connue sous le nom de CMPC, Coût Moyen Pondéré du Capital, ou sous l’appellation anglo-saxonne de WACC, Weighted Average Cost Of Capital, le coût du capital est le taux de rentabilité minimum que doivent dégager les investissements de l’entreprise afin que celle-ci puisse satisfaire à la fois à l’exigence de rentabilité des actionnaires (ce qui est le coût des capitaux propres) et l’exigence de rentabilité des créanciers (ce qui est le coût de l’endettement).

Concernant le coût des capitaux propres, l’actionnaire attend un taux de rentabilité généralement égal au loyer de l’argent sans risque, plus une prime de risque liée à l’activité de l’entreprise. Cette prime de risque est elle-même affectée d’un coefficient bêta, qui mesure la sensibilité de la valeur de l’actif par rapport aux fluctuations du marché. La formule est donc :

Coût des capitaux propres = Taux sans risque + Bêta x Prime de risque

Le taux sans risque est généralement constaté en France par le marché des Obligations Assimilables du Trésor, ou OAT, pour une période de 10 ans.

La prime de risque se subdivise alors en 4 éléments :

• La prime de risque de marché, correspondant au surplus de rentabilité que peut attendre un investisseur par rapport au taux sans risque évoqué précédemment.

• La prime de risque de taille, qui traduit la rentabilité supplémentaire attendue par les investisseurs au regard de la taille de la société analysée, comparée à la taille des acteurs du secteur.

• La prime sectorielle, qui tient compte du secteur dans lequel évolue la société et des perspectives que l’on peut y voir.

• La prime de risque spécifique, quantifiant le degré de risque inhérent à la société elle-même, comme par exemple son niveau d’endettement, sa cotation ou pas ...

Ces hypothèses sont à appliquer pour partie à un business plan qui va devoir préciser notamment des éléments majeurs suivants :

• croissance projetée du CA sur plusieurs années,

• progression du taux de marge brute (sur l’EBE) liée d’une part aux effets de levier résultant de la progression du CA (massification des achats induisant de meilleures conditions) et d’autre part à la maîtrise des autres coûts,

• taux d’IS,

• investissements annuels.


Ces données, que ce soit la progression estimée du chiffre d’affaires pour les années futures, ou celle de la marge sur EBE ou encore le montant retenu d’investissements industriels, sont prises en considération afin d’alimenter des modèles mathématiques.

Ces données sont certes encadrées par des études parfois publiques. Dans tous les cas, elles relèvent une part importante de subjectivité, voire même de pari.

Une autre méthode est celle des valeurs de rentabilité. Cette méthode est applicable si et seulement si d’une part la société analysée enregistre des croissances significatives de ses résultats et d’autre part si son capital est détenu par un nombre d'actionnaires extrêmement limité.

Elle consiste à calculer un résultat net moyen pondéré (RNMP), en appliquant une pondération de 3 x au résultat de l’année 1, 2x au résultat de l’année 2 et 1x au résultat de l’année 3. Ce RNMP est alors multiplié par un coefficient de capitalisation assimilable à un PER pour des sociétés cotées.

Chaque méthode porte en elle des parts majeures d’incertitudes qui sont autant d’hypothèses de nature à subir des corrections même si les précautions initiales ont été nombreuses et contraignantes.

Mais progressivement toutes ces méthodes avaient fait leurs preuves et reposaient selon des modalités diverses sur une logique de rentabilité constatée.

Avec les nouvelles valorisations, c'est de l'immatériel qui est valorisé : la part de marché, la notoriété internationale d'une marque, une audience ... mais pas de cash.

Twitter, Pinterest, Instagram échappent totalement aux critères traditionnels de valorisation.

Faut-il en déduire qu'ils 'agit d'une réelle nouvelle "bulle" ou que des critères entièrement différents se sont durablement installés ?

L'arbitrage sur cette question essentielle ne pourra plus longtemps être différé.

  • Publié le 17 mars 2015

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