Le Canard Enchaîné et le coma des institutions de 1958
Sur un dossier comme le coût des Mistral pour les contribuables français que le Président de l'Assemblée Nationale, Claude Bartolone, soit incapable de répondre à une question sur le coût réel d'une décision de cette importance face aux affirmations du Canard Enchaîné en dit long sur les modalités du ... "contrôle" parlementaire.
Les institutions de 1958 ont fait leur temps.
Bien qu’elle ne soit pas confrontée à une crise institutionnelle ouverte, la Vème République semble vivre la fin d’une époque.
La vie institutionnelle française parait bloquée.
Le champ de l’action politique a été déplacé en dehors des enceintes parlementaires.
L’élection du Président de la République au suffrage universel direct, et a fortiori avec le quinquennat, a conduit à une indiscutable présidentialisation du régime. Les partis politiques se déterminent désormais par référence permanente à l’élection présidentielle.
La technicité croissante des problèmes joue également en faveur du pouvoir exécutif et fragilise encore davantage le Parlement.
Mais, au sein même du pouvoir exécutif, de nouveaux défis sont nés. L’initiative doit appartenir au Président de la République mais les pouvoirs institutionnels du Premier Ministre font que les « deux têtes » de l’exécutif doivent avoir des vues concordantes pour que l’action gouvernementale soit pleinement opérationnelle. Lorsqu’il y a des divergences, l’action gouvernementale est fragilisée voire paralysée comme les périodes de cohabitation ont pu le mettre en évidence.
En ce qui concerne l’équipe gouvernementale, elle semble de plus en plus une illusion. Les actions se font souvent en ordre dispersé. Bien davantage, et l’actuel quinquennat en est une illustration caricaturale, cette notion d’équipe peut constituer une simple apparence. A l’intérieur même du Gouvernement, des sensibilités différentes peuvent exister et pousser même leur expression jusqu’à des divergences à peine voilées (Montebourg ...).
Ces facteurs conduisent souvent à une impuissance à l’origine de graves difficultés.
Cette impuissance n’est pas le fait d’une ignorance de la réalité d’une situation mais le fruit d’un système de pouvoirs qui paraît incapable de conduire la réforme nécessaire pour s’ouvrir à l’action moderne.
Depuis 30 ans, tous les maux institutionnels ont été répertoriés.
Le pouvoir exécutif est assiégé par d’autres pouvoirs autrement plus efficaces :
- nouveaux pouvoirs économiques qui semblent désormais détenir « le vrai pouvoir »,
- surenchères des groupes de pression les plus divers qui disposent pour le moins de la faculté de blocage et pour le mieux d’une « co-décision » de fait,
- puissance de médias qui tirent leur force d’une démocratie d’opinion au jour le jour.
Tout ce nouvel « équilibre » s’est formé sous les yeux d’une institution parlementaire délibérément abaissée et subissant les effets pervers du fait majoritaire jusqu’à l’excès. Il est aujourd’hui admis que le Parlement contrôle très peu ou pas du tout le Gouvernement et qu’il légifère dans des conditions assez médiocres. Si, sous la IV ème République, le Parlement était en crise en raison de ses excès ; sous la Vème République, il est en crise en raison de ses insuffisances.
C’est une situation grave car les Assemblées ont toujours été le meilleur garant des libertés publiques.
Les institutions de 1958 sont entrées dans le coma. Elles étaient supposées apporter "la démocratie dans l'action". Il n'y a plus de vraie démocratie et encore moins d'action.