Marion Maréchal-Le Pen et "le printemps français"
En 2010, la mode était aux "printemps arabes". Puis en 2012, ce fut le "printemps érable" au Québec. Les régionales de décembre 2015 seront-elles le "printemps français" ?
Les sondages de ce jour font état d'une vague de fond en faveur du Front National. Une vague qu'Exprimeo avait annoncé de longue date tant elle correspond à des ressorts profonds de l'opinion publique française.
Quatre facteurs méritent l'attention :
1) Le système politique sortant est devenu "répulsif" pour une part probablement largement majoritaire de l'opinion. Les alertes ont été nombreuses, permanentes, croissantes passant du désamour au divorce profond. La classe politique sortante a refusé de les écouter, de les voir, de s'adapter. Elle va enregistrer une probable immense sanction électorale. Sous cet angle, c'est un réel "printemps français" pour reprendre une approche comparable aux derniers mouvements populaires connus dans d'autres géographies : le rejet d'un système devenu inaudible.
2) Cette vague sera-t-elle de l'actuelle ampleur des sondages ? Elle peut être encore plus forte pour deux facteurs techniques. D'une part, ceux qui veulent sanctionner le système se déplaceront pour voter. Donc l'enjeu des mobilisations en compétition va favoriser ce vote bien au-delà des actuels sondages sur les intentions de votes. D'autre part, ces chiffres des "derniers sondages" rallient d'ordinaire des indécis qui "aiment voter pour le gagnant". Les attentats de Paris ont provoqué une première poussée. Mais les bons sondages provoquent toujours une "dynamique systémique" auto-entretenue par le sondage précédent.
3) L'originalité du "printemps français" va résider dans la "révolte dans les urnes" sans volet de manifestations publiques. C'est probablement l'impact de la crise mais aussi le constat qu'en France les manifestations ne suffisent plus. Sous cet angle, il y a à la fois un constat de la lucidité de l'opinion mais aussi de l'ampleur du divorce.
4) Le test principal sera dans la région Provence. Si l'écart dans la région Provence se vérifie, c'est un tel électrochoc politique que dans l'ensemble des régions l'impact se fera connaître dans tous les seconds tours. Le score de Marion Maréchal-Le Pen est devenu un véritable marqueur national. Dans le Nord, le score de Marine le Pen est le marqueur de la "France qui a mal", qui souffre du chômage, des violences urbaines, de la marginalisation ... Mais ces épreuves ne sont pas celles du Sud. Certes dans certains cadres urbains, il y a beaucoup de violences, de chômage ... mais la Provence dans de nombreuses localités est aussi, voire d'abord, une France plus "confortable" avec des villages sécurisés, des seniors aisés... Le message est donc d'une toute autre nature.
La Provence a une image nationale d'avenir, d'innovations, de vie agréable. Une première place de Marion Maréchal-Le Pen dans une telle géographie le 6 décembre et avec un large écart, c'est un "jour d'après" entièrement différent sur l'ensemble du territoire français avec un système politique qui ne pourra plus "faire semblant d'ignorer" l'ampleur du mécontentement dans les régions.
En pleine COP21, donc avec la présence d'une foule considérable de journalistes internationaux sur Paris, c'est un message qui va écraser la COP21 pour les médias étrangers.
La France entre dans une séquence temps dont les conditions de sortie commencent à devenir difficilement prévisibles.