Denis Bonzy : "les 5 vraies révolutions de Donald Trump"
Il faut beaucoup se méfier de toute démarche consistant à considérer que ce qui se passe aux Etats-Unis serait transposable en France ou ne ferait qu'annoncer un cycle voué à intervenir aussi en France.
Cette précaution opérée, il y a pourtant des tendances qui méritent une attention particulière parce qu'elles ne peuvent rester à l'écart de la France.
Ce fut le cas en 2008 quand Barack Obama a mobilisé les nouvelles technologies pour dynamiser son réseau militant sur le terrain.
De même, pour d'autres domaines, Donald Trump donne actuellement 5 leçons de fond à des candidats de la société civile en France :
1) Parce que les médias privilégient d'abord les audiences, un candidat doit accepter cette logique des médias donc concevoir ses interventions pour faire de l'audience. C'est le starter du cycle médiatique. Les médias américains n'ont pas favorisé Donald Trump. Ils ont invité le candidat qui leur garantissait le maximum d'audiences et qui acceptait ce "jeu".
2) Pour faire de l'audience, il faut faire du spectaculaire. Sans tomber dans le cliché d'une frontière absolue entre information / divertissement, il faut faire du divertissement en passant quelques informations. Ce qui est une logique entièrement nouvelle pour la politique.
3) Cette logique de divertissement passe sur le fond par la rupture avec le discours magistral, technique, abstrait. Il faut parler des sujets de la vie quotidienne. Avec les mots de la vie quotidienne. Avec des solutions perçues comme susceptibles de réalisations rapides.
Sur le fond des dossiers, c'est la vraie force de Trump. Il parle sans tabou de tous les sujets des conversations quotidiennes. Avec des mots crus qui correspondent aux mots de chacun.
4) Parce que, même en parlant d'une "autre façon" sur des sujets quotidiens, la crédibilité des discours politiques est tellement affaiblie qu'elle suppose de d'abord parler de soi, scénariser son cursus pour crédibiliser le contenu. C'est la rhétorique de Trump. La rhétorique positive pour promouvoir ses propositions. La rhétorique négative pour décrédibiliser ses opposants.
5) Toutes ces étapes permettent de faire venir ou revenir en politique des personnes qui n'y étaient pas ou plus. C'est le vrai socle du succès de Trump. Il n'a pas géré des transfuges. Il a géré des entrants. Il n'a pas décroché des électeurs d'un autre candidat. Il a convaincu des électeurs de personne qu'ils avaient maintenant un candidat. C'est plus qu'une nuance.
C'est ce cycle qui est la leçon de Donald Trump aux candidats français de la société civile.
D'ailleurs, des candidats de ce profil qui ont percé ont-ils mis en oeuvre d'autres méthodes ?
Comment Albert Rivera est "né" en politique en Espagne : son affiche en posant nu est-elle du ressort de la politique ou du divertissement ?
Comment Syriza et Podemos ont franchi des seuils accélérés : en ré-introduisant dans le cycle électoral des personnes qui en étaient sorties.
C'est le vrai choix stratégique pour des candidats de la société civile en France. Comment trouver le contenant et le contenu qui ne fassent pas d'eux un "parti de plus" ? Puisqu'ils veulent changer le système comment résoudre la contradiction en effectuant des propositions pour "gérer autrement le système".
Tant que les vraies ruptures ne seront pas perçues y compris par le plus simpliste des électeurs potentiels, le "recyclage" des électeurs sortis du système sera impossible.
Sous cet angle, les candidats français ont encore beaucoup de risques inhabituels à accepter pour accélérer l'éclosion de candidats de la société civile.
Denis Bonzy
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