Primaires françaises : la candidature et le jour d'après ...
Les primaires françaises peinent à démarrer sur le terrain. Pour le moment, elles se résument à une déclaration de candidature puis à la tournée des plateaux TV et radios. Mais le vrai "labourage" en profondeur du terrain est peu opéré.
Trop tôt ?
Non. Cette réalité c'est probablement d'abord la traduction d'un système verrouillé.
Que montre la comparaison avec les primaires américaines ?
Apprécié ou détesté, Donald Trump est au moins le marqueur d’un fait important : la capacité d’un système à ne pas être verrouillé. Sur des bases différentes mais aussi hautement symboliques, Barack Obama a été le même marqueur dans sa victoire en 2008 face à Hillary Clinton dans la course au sein de la primaire Démocrate d’alors.
Des candidats surgis de “nulle part”, inattendus, qui d’un coup changent la donne. Donald Trump c’est quoi sur le fond : un challenger sorti de nulle part qui change le contenu de la course et surtout peut la … gagner.
Bref, tout le contraire de la politique française quand la présidentielle 2017 va mettre en compétition très probablement l’ex 1er secrétaire du PS des années 2 000 face à un ancien Premier Ministre des années 90 et un ex-Président des années 2000. Et la “fronde” pourrait être conduite par un ex-Ministre des années 80 et / ou la fille d’un responsable de parti des années 60.
A quoi peut tenir cette capacité au changement face à une vie politique française aussi figée, bloquée, immobile quand tout s’accélère dans tous les domaines ?
Trois facteurs expliquent l’immobilisme de la politique française.
Tout d’abord, l’inégalité des ressources financières entre les sortants et les entrants éventuels. Chaque année, l’Etat, ou plutôt les contribuables français versent plus de 70 millions d’euros à 5 formations politiques. Et face à cette manne récurrente, reconduite chaque année, les entrants éventuels se heurtent à des barrages énormes. C’est une discrimination quasi-insurmontable. L’offre est fermée en France d’abord par l’inégalité financière énorme.
Ensuite, l’interdiction de la publicité pour la politique ou la plus belle rente des situations des sortants. Les magazines institutionnels sont la vague de fond, la “pédagogie” par la répétition mensuelle. Les périodiques nationaux et locaux sont des partenaires très légitimistes donc favorables aux sortants pour de multiples raisons dont très pragmatiquement le respect de leurs annonceurs publicitaires que sont très souvent les … collectivités locales.
Enfin, la culture politique française repose sur la conception des “milieux séparés”. L’économie française aime le pouvoir d’influence mais moins voire peu la responsabilité politique élective directe. La politique américaine surveille beaucoup plus le “pouvoir d’influence” qu’en France où la culture des “visiteurs du soir” est très présente de longue date. Donc le moment venu, les "tentés" préfèrent aux Etats-Unis faire le pas pour avoir un autre pouvoir avec moins de risques que le jeu frustrant des coulisses.
L’absence d'un Donald Trump dans la politique française est donc d’abord la traduction d’un système techniquement et culturellement fermé. Des éléments qui conduisent à une croissance forte de l’abstention, désormais 1er parti de France et des votes fortement protestataires qui jouent sur un paradoxe : être dans le système tout en le dénonçant vertement. Ces deux espaces sont les vrais risques de la politique française actuelle car ils sapent le crédit moral et politique des élus qui représentent trop peu des électeurs potentiels.
Pour le moment, le lancement des primaires françaises est très décevant en la matière.