Bruno le Maire et la crise du discours politique
Le discours sur la crise a engendré une crise du discours politique. Depuis près de 50 ans ( le 1er choc pétrolier de 1973 ), la crise a envahi le discours politique. La crise explique tout, justifie tout et son contraire.
Régulièrement, sur l’air du « c’est la faute à la crise », tous les hommes politiques, à gauche comme à droite, se retrouvent pour justifier leur impuissance ou leur impopularité.
Cette abondance a dénaturé le mot crise. Il est devenu un non-événement suscitant ni émotion ni réflexion. Ecran ou excuse, la référence à la crise dissimule l’échec ou les choix d’une politique.
A force de parler ainsi de la crise, le discours politique est entré en crise.
L’histoire nous apprend que le discours de crise acquiert sa propre identité.
Il existe une veine du discours politique de crise populaire et démagogique qui porte en lui l’affrontement. Ce discours là fait appel à des termes spécifiques. A grand renfort de caricatures et de formules vengeresses, il fait parler souvent la plus mauvaise part de l’homme et du citoyen. Ce qui gêne le plus dans ce genre de discours, c’est qu’il a la prétention de « dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas ».
Ce type de langage, avec de qu’il a d’excessif et d’inquiétant, trouve une certaine audience parce qu’il tranche résolument sur les autres. Il laisse en route les nuances. Il « parle » directement.
Il fut un temps où les politiciens (comme on disait alors) s’exprimaient dans un style lyrique et fleuri. Ce charme désuet a disparu.
Pour décrire la crise ou tenter d’en définir l’issue, il n’existe plus toujours une parole de droite radicalement différente d’une parole de gauche.
La crise échappe, dans une certaine mesure, aux clivages idéologiques et condamne le discours politique à suivre la même voie. L’idéologie est désacralisée. L’esprit partisan n’est plus de mise. Ils deviennent la marque de la « politique politicienne » avec tout ce que ce néologisme peut comporter d’infamant… De tous les horizons politiques, on s’élève pour dénoncer la « langue de bois » des ténors des grands partis. Cette accusation traduit l’usure et l’inadaptation d’un langage politique devenu anachronique.
Le discours politique sous l’effet de la crise a donc été contraint de perdre de son abstraction et de s’ouvrir aux réalités concrètes. C’est la construction de ce message concret qui est le vrai grand chantier des prochains mois et l’enjeu déterminant des prochaines élections. Pour le moment, en France, personne n'y parvient.
Bruno le Maire a identifié la vague. Mais il ne parvient pas encore à la prendre avec efficacité. Sur le concret, personne ne peut citer des propositions fortes de la part de Bruno le Maire. Le seul à être parvenu à faire du concret qui tourne le dos au discours de crise, c'est Donald Trump lors de la primaire américaine. D'où son éclosion aussi rapide et économe.
Tant que la bataille du concret ne sera pas livrée, les frontières ne bougeront pas. Pour un candidat, c'est une "banalité" de dire "je veux être élu". Le jour où un candidat sortira des banalités d'usage, une partie de l'opinion détournée des urnes s'intéressera. Cela passe par du concret qui implique, qui concerne le quotidien.
Dans le climat actuel, si personne n'y parvient, les primaires peuvent se terminer par un véritable échec de participation.