Emmanuel Macron : un Barack Obama français : Yes we can ?
Pour avoir participé à deux reprises sur Boston à la campagne Obama 2008 (en mai 2008 puis lors du sprint d’octobre et novembre 2008), la réponse à cette question intéressante impose de dissocier des similitudes et des interrogations.
Les similitudes sont au nombre de quatre :
1) les deux ont intégré que la nouvelle idéologie réside d’abord dans le style et non pas dans la doctrine. La communication visuelle moderne fait du style le message de fond.
en temps de crise, et cela depuis 1974 (date du juste après premier choc pétrolier), l’opinion cherche d’abord la sortie de la crise par des leaders au style qui incarne l’espoir. Dans ces circonstances, l’opinion ne cherche pas des gestionnaires de crises mais des visionnaires d’espoir.
2) la rapidité d’éclosion correspond au temps moderne pour lequel une année est une éternité. Obama a conquis l’Amérique en 2 ans. Un chiffre clef d’ailleurs pour lui. Il a été Sénateur 2 ans (2004–2006) avant de s’engager dans une campagne de 2 ans pour gagner (2006–2008). 2 ans pour conquérir les Etats-Unis valent-ils 1 an pour conquérir la France ? Pas impossible de le penser.
3) la rapidité d’éclosion est un atout face à une classe politique usée puisque cette rapidité est la visibilité de la non appartenance à la classe politique que l’opinion veut sanctionner.
4) Donc l’idée très répandue en France de la “victoire à l’ancienneté” ne répond plus aux tendances du moment.
En revanche, pour que le parallèle puisse fonctionner, il reste 5 interrogations à lever :
1) En Marche peut-il créer rapidement un réseau militant comparable à celui de MoveOn.org ? Pas sûr. MoveOn.org c’était près de 5 millions de militants à activer, habitués à frapper aux portes, à renseigner des fichiers … C’est cette force militante qui a permis de contourner le Parti Démocrate. Certes en France les partis politiques sont maintenant très affaiblis. Mais une force nouvelle peut-elle les contourner rapidement ? Le doute est permis.
2) Investir le terrain : Obama a quadrillé le terrain dans des conditions historiques. Un labourage méthodique. Investir les médias c’est bien. Investir le terrain mobilise encore davantage. L’opinion veut “toucher la bête sur pied”. Aucune présence sur un plateau médiatique ne peut remplacer ce contact direct. Pour le moment, en dehors d’Amiens et des voyages officiels, Emmanuel Macron n’a pas débuté de visites sur le terrain.
3) Le calendrier : celui de Barack Obama en 2006 correspondait avec anticipation à la primaire démocrate. Faute de participation à une primaire, Emmanuel Macron doit manifestement accélérer une clarification de positionnement incontournable à peine de lui donner une image tacticienne de nature à altérer la modernité de son offre.
4) le niveau de mobilisation de l’opinion publique : en 2008, l’opinion publique américaine avait faim de retour dans le circuit civique, dans la participation électorale. La note de l’IFOP du 30/09/2008 sur ce point donne des chiffres éloquents. Le jour du vote, les files d’attente pour voter battaient des records. Dans les trois dernières semaines, des commerçants très nombreux affichaient les heures de fermeture de leurs boutiques pour informer qu’ils iraient … voter et recommandant à faire de même... Ce n’est pas sûr que l’opinion française manifestement très désabusée soit prête à tel sursaut. Or des candidats neufs n’ont de chance qu’à la condition de “recycler” des électeurs sortis des circuits classiques des formations politiques.
5) la mentalité du nouveau départ : c’est le socle conceptuel d’Obama : “nous allons recommencer le monde”. C’est cette cause qui a mobilisé ajoutée à un discours d’une forme neuve scénarisée par la plume remarquable de Jon Favreau. Pas sûr là encore que les Français soient prêts pour une telle offre. Pire encore, pas sûr qu’une telle offre soit crédible en France compte tenu de l’accoutumance à la crise et à l’affaissement de la place de la France dans la compétition internationale.
Avec ces interrogations, le devenir de Macron sera un marqueur intéressant et instructif de la mentalité civique française.
Denis Bonzy
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