Barack Obama et la fin de l'Amérique attrape-coeurs
La fin du second mandat marque-t-elle la fin de l'Amérique attrape-coeurs. Cette situation est-elle propre aux Etats-Unis ou vouée à se répandre ?
Comment Barack Obama a rétabli la cote d'amour des Etats-Unis sur la scène internationale après les années GW Bush ?
Le bilan intérieur a été considérable. Pour en avoir une juste conscience, il faut dresser l'écart entre la situation de départ (2008) et la situation d'arrivée (2016). En 2008, les Etats-Unis sont "en feu". Sur le plan intérieur, le chômage est à plus de 7 %. La crise immobilière sévit depuis 2005. Le 15 septembre 2008, c'est un krach financier d'une ampleur historique considérable. Les experts valorisent à 20 000 milliards de dollars les pertes en bourse à cette époque. L'inégalité d'accès à la santé impacte encore davantage avec la crise économique. Sur le plan international, les Etats-Unis sont en position très difficile. Il est alors avéré qu'ils ont déclaré une guerre (Irak) sur la base d'un mensonge. Et la guerre génère des pertes humaines considérables : 4 489 soldats américains décédés. Plus de 32 000 blessés graves.
Et en 2016 ? Le taux de chômage est à 4, 6 % c'est à dire revenu à son montant d'avant crise 2008. En bourse, le Dow Jones flirte avec la barre record des 20 000 points. La réforme de santé a été adoptée. Elle est en cours de mise en oeuvre. Et les soldats sont rentrés au pays. Quant à Ben Laden, depuis mai 2011, il a été "neutralisé".
Voilà pour les faits. Mais ce n'est pas ce bilan intérieur qui a fait "l'Amérique attrape-coeurs".
Sur la scène internationale, le couple Obama a réconcilié les Etats-Unis avec le reste de la planète grâce à de belles causes dont celle de la meilleure entente. des sanctuaires naturels, de l'environnement ... Mais d'abord le refus du rapport de forces. L'Amérique mobilisait sans montrer ses muscles.
C'est ce message là qui a changé avec Trump. Cette situation sera souvent présentée comme une "révolution conservatrice". Mais elle est conservatrice de quoi ? Certainement pas de la morale compte tenu des comportements avérés du leader en question. Pas davantage de la jeunesse compte tenu de l'âge moyen des nommés à trois ou quatre exceptions près. Pas davantage du peuple qui observe le défilé des ... milliardaires. Encore moins des intellectuels théoriciens d'économie ou de sciences politiques terriblement absents. Surtout pas des femmes écartées des postes clefs à quelques exceptions. Tout comme les noirs qui seront à compter dans les photos des réunions de Cabinet. C'est la révolution inqualifiable car inédite et qui constitue la fessée donnée à tous les symboles de l'ancien système politique. Il fallait une sacrée dose de colère pour être prêt à une telle sanction. Une colère populaire indiscutablement très sous-estimée dans les analyses antérieures.
C'est cette colère intérieure qui doit être analysée. En France, il est fréquent de comparer Trump à Reagan. Mais cette comparaison ne résiste à aucune analyse sérieuse pour de multiples raisons dont le fait que Ronald Reagan avait exercé des responsabilités syndicales puis électives à la tête de l'Etat de Californie avant d'accéder à la Maison Blanche alors même que Trump n'a jamais exercé une seule responsabilité publique.
Reagan incarnait pour l'essentiel une attente de retour à la force de l'Amérique après les humiliations des "années Carter" dont l'échec de l'opération Eagle Claw. Trump a été élu "contre le système". Et il s'ingénie à continuer sur cette lancée. Cette parole totalement hors les codes va provoquer des remous considérables mais y compris dans la remise en cause de "codes" au sein même des autres démocraties occidentales. Si bien qu'au moment où d'autres démocraties occidentales sont dans des processus de forte fragilité, c'est une donnée nouvelle essentielle. Aujourd'hui, aucune démocratie occidentale n'est en situation sécurisée dans ses équilibres intérieurs : Merkel est déstabilisée par le sujet de l'immigration. La GB doit gérer son Brexit. L'Italie et l'Espagne n'ont pas de majorité sécurisée. Et la France est entrée dans un semestre électif totalement imprévisible.
Et il est loin d'être établi que "l'effet Trump" ne contamine pas... 'L'effet Trump" c'est une réponse à une Amérique profonde qui a du dégoût pour la classe politique de Washington, qui s'estime menacée, abandonnée, pillée par l'extérieur ... Obama était d'abord l'Amérique des rivages (cotes Est et Ouest). Trump est le représentant de l'Amérique du centre, des "terres", l'Amérique des plaines ... Pas sûr qu'un pays comme la France ne vive pas à son tour un tel clivage territorial par exemple dans l'opposition entre les territoires "sacrifiés" de sa façade Est face aux territoires plus prospères de la façade Ouest sans parler des zones rurales qui se considèrent actuellement totalement abandonnés.