Jacques Chaban Delmas et le temps des légendes
Le 10 novembre 2000, Jacques Chaban Delmas décédait. La fin d'un parcours hors du commun qui allait marquer un tournant pour l'ensemble de la vie politique française : la disparition du temps des légendes.
Jacques Chaban Delmas, c'est une légende : le jeune Général traversant Paris sous les balles, le Premier Ministre bondissant, la nouvelle société, Bordeaux ... Tout y était : l'imperméable militaire immuable, la montre retournée pour éviter les reflets du soleil pour ne pas se faire repérer du temps de la Résistance, des talents fabuleux de conteur ...
Avec le décès de Jacques Chaban Delmas, c'est la fin du temps des légendes dans la politique française. Cette génération qui a forgé son tempérament dans la Résistance. Un exemple : Alexandre Sanguinetti. En 1974, Sanguinetti est dans un amphi de Sciences Po. Il est contesté. Il attend. Puis d'un coup, il prend du retrait par rapport à la table de conférence et il fait claquer sa jambe de bois sur la table et il ajoute "dis petit quand tu auras été capable de donner ta jambe à ton pays, tu pourrais me faire la leçon. Maintenant c'est à toi de m'écouter !!!". Le silence devient absolu et durable.
C'est une génération qui a vécu des temps tellement forts qu'ils ont suscité des légendes : la Résistance, la décolonisation, l'Algérie ... Des temps exceptionnels pour des caractères exceptionnels.
Des tempéraments qui n'aimaient pas administrer. Mais ils décidaient. Le bureau de Chaban était toujours libre de tout papier. Chaban décidait. Il n'administrait pas. Aujourd'hui, la classe politique française semble composée d'administrateurs pour ne pas dire ... d'administratifs. C'est la grande différence.
La vie politique française manque maintenant de légendes. Et c'est d'ailleurs l'un des échecs surprenants d'Emmanuel Macron : renouveler la classe politique sans donner naissance à des tempéraments forts. Un vrai enjeu de fond pour l'attractivité de la politique.