Philippe Labro ou l'avantage de l'intelligence à multiples facettes
Une question de fond est souvent évoquée à juste titre à Sciences Po ou dans les écoles de journalisme : un medium vit-il par le talent de ses intervenants ou les intervenants vivent-ils par leur exposition dans un medium ? Philippe Labro est l'un des rares exemples permettant de répondre qu'un journaliste peut vivre en dehors d'un support journalistique de tout premier plan avec l'exposition fréquente qu'il assure à des heures de grande écoute.
Aujourd'hui sur FR3, Philippe Labro a montré une fois de plus l'immensité de son talent. L'émission a changé de dimension. L'avantage de l'intelligence à multiples facettes. Philippe Labro est l'un des très rares journalistes à savoir donner aux mots un sens aussi fort et une application aussi diversifiée : livres, cinéma, chansons, articles bien sûr ...
Ce sont des regards comme le sien qui font terriblement défaut actuellement à la démocratie française. C'est d'ailleurs très étonnant de voir à quel point pour des rubriques pourtant dignes de logiques éditoriales, il est désormais fait appel à de "très jeunes recrues" dont l'état civil exclut par définition une connaissance personnelle directe de certains faits ou à des intervenantes semblant répondre davantage à des codes de présentation que de fond.
Philippe Labro manque au journalisme français. Sa vidéo sur le site web Le Point est une belle réussite et montre l'immensité du fossé qui peut exister entre le journalisme et la simple lecture des dépêches.
Une démocratie ne peut vivre sans des journalistes d'excellence parce qu'il en va de l'éveil des consciences comme de la qualité des données de fond à ne pas négliger pour la réflexion collective. Aujourd'hui la victoire du simple récit bien scénarisé (storytelling) emporte trop souvent la partie. C'est une conception éphémère qui annonce de permanents réveils douloureux. Un autre sujet de fond qui mériterait d'être, lui aussi, sérieusement traité. Le jour où les médias français compteront davantage de Philippe Labro (mais est-ce possible ?), c'est tout l'équilibre de la vie publique française qui sera positivement modifié.