Donald Trump est-il la clinique efficace des rages ?
Dans la moyenne des sondages, Donald Trump est aujourd'hui à 41, 5 % d'approbation alors même qu'il était à 37, 3 % en octobre 2017. Une réalité des chiffres à considérer et à respecter.
Donald Trump, c'est 53 % de désapprobation. Qu'en est-il en France ? Emmanuel Macron est à 44 % de satisfaction contre 55 % de mécontents. Des chiffres qui mériteraient d'être mieux considérés par de nombreux médias français. 2 points et 1/2 sur les taux d'approbation peuvent-ils justifier l'écart des commentaires qui sévit en France entre Trump et Macron ?
C’est toujours très difficile de parler sérieusement de Donald Trump. La raison officielle immédiate consiste à osciller entre le bluff et la catastrophe. Le bluff, c’est considérer qu’il y aurait eu un “accident démocratique” en novembre 2016 et que la “parenthèse” se refermera rapidement. La démocratie réparera alors son “erreur”.
La catastrophe, c’est la thèse de ceux qui croyaient à la différence entre Donald Trump candidat et Donald Trump Président. Pour eux, le candidat jouait la disruption tandis que le Président reviendrait à des fondamentaux.
Quand on sort de ces deux thèses tout particulièrement en France, c’est prendre le risque de donner l’impression de soutenir Donald Trump, disqualification suprême … C’est comme pendant la campagne électorale quand il s’agissait alors d’exprimer qu’il fallait chercher à comprendre pourquoi la foule à ses réunions était aussi dense. Pourquoi les files d’attentes étaient aussi massives ?
Bon nombre de commentateurs indiquaient alors “ils viennent au cirque parce que Trump les fait rire mais dans l’isoloir ils ne voteront pas pour un clown…”. Puis Trump a été élu ! L’explication officielle initiale n’était donc pas nécessairement la bonne.
Mais le système des commentateurs professionnels reconnait rarement ses erreurs. Il passe à l’épisode suivant comme si ce nouvel épisode devait légitimer leur analyse initiale.
A côté du bluff ou de la catastrophe, il y a actuellement une troisième piste que rien ne permet d’exclure : Trump peut annoncer une nouvelle étape dans les démocraties modernes : la démocratie du clic.
Le clic, c’est aujourd’hui le comportement le plus partagé. Le plus quotidien. Une seconde nature comme marcher ou manger. On clique pour changer de chaînes de TV. On clique pour passer sa commande via Internet. On clique pour manifester son soutien à un billet sur Facebook, à une idée sur Twitter, à une photo sur Instagram … Une journée est faite de clics permanents.
Pourquoi la démocratie y échapperait-elle ?
Qu’est ce qui se cache derrière le clic appliqué à la démocratie ?
La capacité à zapper rapidement. Trump est le 1er leader d’une démocratie occidentale à assumer aussi ouvertement sa volonté à zapper dans sa politique de communication. Il ne gère pas les critiques ou les polémiques. Il les zappe en faisant naître un autre sujet d’attention.
Chaque semaine vit ainsi au rythme de deux ou trois polémiques fortes. Elles deviennent aussi nombreuses qu’elles se … neutralisent. Le RussiaGate et la “mission Mueller” vivent comme le livre aux confessions contestées puis une déclaration sur des pays africains … : plus rien n’a de relief dans cet univers de polémiques permanentes.
Le citoyen ne cherche plus ce qui raisonne mais ce qui résonne. La raison a quitté le débat public. Raisonner, c’est prendre le temps de connaître des faits, de chercher à les mettre en cohérence pour les comprendre et enfin, à l’issue de ce cheminement, se faire une opinion. Trop long. Trop compliqué. Une image doit suffire. Une affirmation doit faire l’affaire. Ce n’est plus le temps des discours, c’est celui des selfies. Et le citoyen assure une place particulière à l’audience. Si une photo ou une affirmation est aimée par beaucoup de monde, elle mérite l’attention voire le soutien. C’est comme hier le choix des restaurants. Un restaurant vide n’était jamais choisi puisque le client interprétait d’abord le vide et non pas le menu. Un restaurant plein était toujours choisi parce que le plein devenait le marqueur de la qualité. Trump a parfaitement intégré cette évolution. Il affirme. Il assène. Il joue sur l’effet de nombre.
Le clic c’est aussi la clinique des rages. C’est impressionnant de constater la violence des commentaires sur les réseaux sociaux. Les mots choisis. Les vidéos mises en évidence. Il y a une violence permanente. Même entre “amis”, les divergences sont exprimées dans la violence : moqueries, insultes à peine voilées … Seul l’emoji avec le clin d’oeil est supposé assuré “l’humour affectueux”, la nuance …
L’audience vient des rages. Elle ne vient pas des annonces positives.
A l’ère de la post vérité, ces dernières suscitent même immédiatement le doute, la suspicion. Les votes qui mobilisent sont les “votes contre” et non pas les “votes pour”. Trump est un personnage de rages. Il ne l’a pas toujours été. Pourquoi le serait-il devenu avec l’âge ? Avec le succès qui devrait l’apaiser ? Ce n’est pas très cohérent. Comme il n’y a pas de cohérence dans l’explication du financement de la campagne de Donald Trump. Les financiers américains tout particulièrement ne gaspillent jamais leur argent. Dès qu’ils sont convaincus qu’un candidat n’a aucune chance, ils ferment le porte monnaie. Brutalement. Dans la minute. Pourquoi auraient-ils accepté de faire exception pour Trump ? T. Boone Pickens, Thomas Barrack, Woody Johnson, Carl Icahn … ne sont pas réputés pour aimer perdre et encore moins perdre leur argent ! A cette époque, le choix “d’économies” de campagne électorale par Trump par le réseautage et non pas par l’achat de publicités TV avait été moqué. Mais ce choix s’est avéré juste et efficace.
Par conséquent, il n’y a pas matière objectivement à exclure que Donald Trump ne soit pas plus sérieusement considéré que les clichés caricaturaux en cours. Et si Trump était l’annonciateur d’une nouvelle étape dans les démocraties modernes : la démocratie du clic composée de tous les “ingrédients ci-dessus exposés” qui font la “marque Trump” en politique. Ce ne serait pas la meilleure étape. Mais comme le meilleur n’est jamais garanti, le pire n’est jamais à écarter totalement. Ce volet plus sérieux de la démarche de Trump mériterait actuellement une attention plus soutenue. Ces chiffres dans les sondages en sont une preuve supplémentaire.