Cambridge Analytica et le démarrage du mauvais procès du micro-profilage
L'affaire Cambridge Analytica-Facebook n'est que le premier épisode d'un sujet d'ampleur : le micro-profilage. Est-ce bien un sujet nouveau ? Il y a matière à sérieusement en douter car le micro-profilage a débuté il y a bien longtemps déjà.
La première opération sérieuse et d'ampleur de profilage date de ... 1980. Elle est l'oeuvre de Richard Wirthlin. Le "Monsieur Opinion" de Ronald Reagan. Avec sa société DMI (Decision Making Information), il a construit un modèle informatique permettant au candidat puis au Président Reagan de connaître les impacts électoraux probables des principales décisions prises et ce Etat par Etat. Sa démarche était à l'opposé du chiffre brut. Elle résidait dans la qualité de la segmentation de l'opinion et de l'identification des comportements par segment. Les ordinateurs de DMI étaient alors réputés pour contenir un nombre considérable de données sur chaque segment modélisé sur une base de près de 150 critères. En 1984, DMI, agence de R. Wirthlin, avait emmagasiné un nombre considérable de données résultats de 150 000 interviews d’américains répartis en 110 catégories et sous catégories d’électeurs.
La méthode du profilage résidait alors dans une méthode du "haut vers le bas" : déterminer des critères objectifs pour segmenter l'opinion. Et ensuite déterminer des blocs de comportements électoraux en fonction du rapport avec les critères par segment. Il y a donc une forme d'anonymisation.
Puis il y eut Thatcher. Les conservateurs britanniques avaient installé un appareil performant ( un 80 000 ICL ME29 ) auquel les travaillistes ont attribué beaucoup de victoires de M. Thatcher. Puis ce fut le cas de l'équipe de campagne de Bill Clinton. Puis le dispositif de campagne de Tony Blair avec le modèle Excalibur. Puis les équipements de campagne de Mitt Romney et de Barack Obama.
Par conséquent, il n'y a rien de nouveau dans la méthode.
Ce qui est nouveau, c'est le détail des informations personnelles fournies. Des informations fournies par les intéressés. Mais là encore quelles différences avec les informations détaillées collectées lors d'un porte à porte ? Qui peut assurer que les informations collectées lors d'un porte à porte ne soient pas utilisées ultérieurement ?
En réalité, ce à quoi on assiste actuellement, c'est à une véritable remise en question de la toute puissance des GAFA. Les GAFA échappent désormais aux Etats. Ils dominent même parfois certains Etats avec une trésorerie abondante. Et le micro-profilage ne semble que l'outil, le prétexte pour mener ce nouveau combat contre les GAFA qui inquiètent les Etats. Car sur le fond, il n'y a pas fondamentalement de nouveau.