Bernie Sanders et le refus du statu quo mais au-delà ... ?
Pendant de nombreuses décennies, la dénonciation du système politique classique a été l’apanage de l’extrême droite. Dans les années 90, l’extrême gauche s’est mise à relayer ce discours sous des termes différents. Elle a ouvert la dénonciation de l’anti-mondialisation. Le terme d’alter-mondialiste cache la réalité d’anti-mondialiste.
C’est un néo-gauchisme qui , sous des termes et des enjeux différents, produit des conséquences analogues au discours classique de l’extrême droite présentant la démocratie comme une artificielle souveraineté du peuple.
Dans cette logique, la démocratie est un décor apparent qui cache les vrais pouvoirs : médias, affaires ... La vérité est toujours ailleurs que sur la scène accessible à chacun. Dans les coulisses, les manipulateurs oeuvrent. Cette approche a été confortée par de très grands succès populaires à l’exemple du Da Vinci Code, X- Files, Le Seigneur des Anneaux ...: autant de best-sellers qui portent une vision du monde puisant dans la théorie des complots.
Dans cet univers, les élites sont perçues comme cyniques, manipulatrices, intéressées, menteuses. Dans cette logique, le pouvoir politique est présenté comme manipulé par des pouvoirs occultes. Internet sert de caisse de résonance à cette logique. Bien davantage, il y a dans Internet l’idée que l’on peut accéder à des informations qui ne sont pas dans les journaux donc qui sont cachées. Ce postulat contient aussi en lui le sentiment que les journalistes mentent ou dissimulent certains faits. Internet porte ce raisonnement mais surtout Internet amplifie ce raisonnement en étant une caisse de résonance sans précédent. La notion de « vérité citoyenne" met en cause en effet les journalistes et les responsables politiques. Pour la majorité silencieuse, la vérité n’a jamais été la raison. Bill Bernbach, illustre publicitaire, indiquait que « la vérité ne devient la vérité qu’à partir du moment où les gens croient certains faits».
L’ampleur du désalignement actuel trouve une illustration emblématique avec la totale dé- crédibilisation de la statistique publique. Il n’y a plus aucun chiffre officiel public qui résiste au moindre souffle de contestation.
Or, l’information publique doit être «intégrative». Chacun doit s’y retrouver sous une dimension sociologique et psychologique. Cette fonction est totalement perdue. Il n’y a plus de discours ciment d’une vie sociale collective. De même, il n’y a plus d’élites intermédiaires ciment des vies locales. Chaque profession de ces élites est aujourd’hui consultée pour un acte précis dans une logique de pure consommation de service.
Le rejet du statu quo, c’est le rejet des élites comme des «voleurs de pouvoir». Ce discours porte actuellement la vague pro Bernie Sanders et sa jeune génération dont Alexandria Ocasio-Cortez. Mais cette tendance est tombée dans une image qui est lourde d'impacts : le socialisme. Et dès que les Républicains sont parvenus à accrocher cette image à Bernie Sanders et à sa jeune génération, les conséquences politiques ont été lourdes dans les primaires. S'il s'agit de sanctionner le statu quo, il y a un espace. Mais pour installer le socialisme, l'espace se réduit parce que ce mot aux Etats-Unis évoque la bureaucratie, le refus des libertés individuelles, la fiscalité lourde ... : bref toutes les mesures qui sont répulsives pour les classes moyennes américaines.
Bernie Sanders et sa jeune génération sont donc à un réel carrefour : casser le statu quo ou installer le soclalisme. La première hypothèse est porteuse. La seconde est une impasse. C'est l'enjeu des dernières semaines avant novembre 2018.