John McCain et le vrai tournant : l'échec de la présidentielle 2000
Pour John McCain, la course à l’investiture républicaine pour une présidentielle a débuté en ... 1999. Le Sénateur de l’Arizona, avec sa très élégante épouse Cindy, s’engage alors dans les primaires qui comptent un autre participant redoutable, GW Bush.
Fils d’amiral, petit-fils d’amiral, en 1967, il est pilote d’un avion qui est abattu au- dessus d’Hanoï. Il s’éjecte et se retrouve au sol dans un lac avec une jambe et deux bras cassés. Il est conduit à la prison de Hoa La. L’objectif des nord-vietnamiens est simple. Ils veulent obtenir du fils du Commandant en Chef des Forces du Pacifique qu’il signe son autocritique en se désignant « criminel de guerre ». Il refuse et endure 26 mois de confinement solitaire.
Plusieurs mois plus tard, il ne pèse que 45 kilos et les nord- vietnamiens lui proposent alors une libération anticipée. Il refuse et ne sera libéré qu’en 1973.
En 1999, bon nombre d’observateurs sont convaincus qu’avec un tel cursus, John McCain ne fera qu’une bouchée du «fiston du Président Bush» casé lui dans la garde nationale du Texas lors des années délicates. Mais si l’élection présidentielle américaine est faite d’histoires qui dénotent un destin, elle demeure d’abord une redoutable machine financière. Au moment où les finances de GW Bush étaient les plus faibles et celles de McCain les plus fortes, McCain n’a compté qu’un petit tiers des moyens financiers de GW Bush à cette époque...
Si John McCain a le profil du héros, GW Bush a eu les moyens financiers historiquement les plus élevés de l’histoire d’un candidat à des primaires. Après quelques embellies électorales dans des Etats au nombre faible de délégués à l’exemple du New Hampshire où McCain devance GW Bush de 18 points, la force de l’argent emporte tout sur son passage. GW Bush est désigné par le Parti Républicain.
Pour John McCain, un nouveau combat débute, celui du rebelle voire Don Quichotte. Ses combats sont alors nombreux même s’ils sont tous voués à l’échec. Il veut revoir les conditions de financement des campagnes électorales pour établir un plafond. Il entend modifier les conditions de fonctionnement des lobbyistes à Washington. Il prend la défense des Indiens et refuse de partir en croisade contre les homosexuels ou contre l’avortement ... Bref pendant beaucoup d’années, il parle dans le désert. Il apparaît comme un insurgé sans argent qui s’attaque aux pouvoirs de Washington et aux méthodes de son parti. Bon nombre lui prédisent alors une marginalisation implacable. Seulement voilà, en 2005, l’ambiance électorale change. La popularité de GW Bush s’érode. Puis, à partir de 2006, GW Bush bat les records d’impopularité.
Au sein du Parti Républicain, l’odeur de la défaite cuisante se répand. Dans de telles circonstances, pour échapper à la tornade nationale, les candidats locaux rappellent celui qui est l’incarnation de l’anti-Bush : John McCain. Il devient le candidat le plus sollicité lors des élections de novembre 2006. Son soutien équivaut à un label d’anti- bushisme indispensable pour échapper aux foudres de l’électorat qui n’accorde que moins de 30 % de soutien à l’exécutif présidentiel.
Le Sénateur de l’Arizona reprend alors les routes des Etats avec son «franc parler», ses convictions, son mauvais caractère bon enfant et son aura de héros de guerre. Son label équivaut désormais au «bon républicanisme». Ses réseaux s’étoffent. Il pense plus que jamais à … 2008. Mais, lors des premiers mois des primaires 2008, McCain était en difficulté coincé entre la révélation Romney et la valeur sûre Giuliani. Sa désignation n’a pas été facile. Les raisons principales étaient au nombre de trois. Tout d’abord, il incarne une logique de «présidence impériale» dont l’opinion veut tourner la page après GW Bush. C’est une «conception exaltée» du pouvoir présidentiel. Elle est alors perçue comme dangereuse.
Mais surtout, ensuite, l’opinion attend «une nouvelle génération» moins marquée par les années passées à Washington et donc supposée affectée par les nombreux «vices» de la capitale politique.
Enfin, l’opinion attend une présidence révolutionnaire capable de chausser de nouvelles bottes, établir des relations différentes avec le Congrès, renouer des relations chaleureuses avec bon nombre des pays étrangers, réincarner un imaginaire de liberté. Face à ces attentes, McCain est très impacté par son cursus de Sénateur aux décisions multiples, parfois contradictoires à l’exemple de ses relations complexes avec GW Bush. L’opinion souhaite sortir d’un Président seigneur de la guerre et maître des lois. Elle souhaite un Président plus proche, tourné vers les grands dossiers intérieurs, capable d’incarner un nouveau «rêve» ou une nouvelle «morale». En mars 2007, McCain paraissait même proche de l’abandon. Il éprouvait les pires difficultés à lever des fonds. Il devait licencier une partie importante de son équipe de campagne. Le pronostic était alors qu’il attendrait l’été 2007 pour se retirer discrètement au début du mois d’août. Loin de telles perspectives, McCain a gagné l’investiture républicaine. Pourquoi et comment ? Parce que les militants Républicains ont considéré qu'ils devaient témoigner leur affection solidaire à l'égard d'une légende de leur parti. Mais la campagne 2008 était perdue d'avance compte tenu des bilans des années Bush. Et McCain a payé la facture. Depuis, il a lutté pour des causes mais savait que le seul vrai défi de sa vie (la présidence) était passé. Et ce défi ne se représenterait pas. Le vrai tournant est intervenu en 1999. Un tournant pour les Etats-Unis et bien au-delà.