Joe Biden peut-il se priver d'une grande Convention traditionnelle ?
A quoi correspondent les grandes Conventions présidentielles ? Avec le Covid-19, est-il possible d'en organiser une ? Ou plutôt est-il possible de vivre une présidentielle sans une étape de ce type ?
Des évolutions essentielles sont intervenues. 1ère évolution majeure : les conventions nationales ne sont plus des instances de décision. Bon nombre de facteurs ont contribué à cette évolution. La prolifération des sondages, la médiatisation constante des divers candidats...ont transformé la fonction des conventions.
2ème évolution majeure : les conventions ne sont donc plus le sacre d’un candidat.
3ème évolution : les conventions n’ont pas pour centre d’intérêt les militants mais les électeurs.
C’est cette dernière évolution qui a guidé toutes autres. Tant que les Conventions ont été organisées par des militants pour des enjeux militants, elles ont effrayé les électeurs désorientés par un spectacle de sectarisme, de marchandages, d’oppositions violentes.
Un parti politique a certes besoin de militants mais il a surtout besoin d’électeurs. Il ne peut pas choisir les premiers (militants) contre les seconds (électeurs).
A de multiples reprises, les Conventions ont dégagé des ambiances rendant les centres d’intérêt trop divergents pour rester compatibles. Il avait parfois fallu lors de conventions américaines prévoir des dispositions spéciales pour permettre à d’éminents responsables titulaires de charges publiques lourdes (Gouverneurs ou Sénateurs) la faculté de s’exprimer.
Les Conventions nationales sont ainsi passées de l’aboutissement d’un processus d’investiture à celui du lancement de la campagne électorale active.
Elles ne sont pas bâties pour les échanges militants mais pour les électeurs à travers les programmations des télés. Comme les organisateurs des Conventions savent que la presse cherchera toujours à mettre en évidence les controverses et les faits extraordinaires, tout est encore plus normalisé pour éviter que des situations inattendues ne troublent le message.
Ce nouveau positionnement des Conventions a introduit une scénarisation progressivement bien codifiée.
D’abord un décorum qui permet une réelle communion et proximité entre les intervenants et la foule.
Ensuite, intégrer des temps de naturel loin de toute enflure formaliste.
Puis, organiser la circulation « libre » des journalistes qui doivent pouvoir arpenter la salle pour rencontrer les témoins qu’ils choisissent en toute « autonomie ». Cette présence médiatique est un volet essentiel du succès de la Convention. La présence d’une foule de correspondants journalistes est la condition indispensable du succès de la Convention. Tout est organisé pour que cette présence soit manifestement la plus nombreuse possible mais aussi la plus voyante possible. Il y a une contagion auto-entretenue qui produit des effets multiples tout particulièrement sur les militants présents.
Plus les journalistes sont nombreux plus c’est la preuve que des décisions importantes vont être prises.
Enfin, la Convention doit être conçue pour créer de nouveaux évènements à sensation. Comme l’évènement n’est plus l’investiture d’un candidat, cela demande un savoir faire particulier. Imaginons un match de football dont on connaîtrait à l’avance le résultat et pourtant il faut remplir le stade et attirer les médias. Voilà résumé l’enjeu des Conventions. D’où le suspens organisé sur les prises de paroles (tel artiste ou tel sportif), les ralliements inconcevables, les déclarations ayant une vraie valeur de scoop...
Une Convention réussie peut représenter un bond de 7 à 10 points dans les sondages. C’est donc un formidable tremplin pour le lancement de la dernière ligne droite électorale. C'est ce volet de tremplin qu'il parait impossible d'occulter.