Barack Obama et la réforme d'Internet
« L’une des causes majeures de l’affaiblissement des démocraties tient au profond changement dans nos façons de communiquer et de nous informer », a déclaré Barack Obama hier devant des étudiants de Stanford. Une déclaration surprenante de la part de celui qui a été élu en 2008 grâce aux réseaux sociaux et dont la quasi totalité des collaborateurs du 1 er mandat ont ensuite quitté la Maison Blanche pour rejoindre des entreprises du numérique. Obama a parlé de "l'économie de l'attention" (les audiences) : une logique qui encourage les "contenus inflammatoires". Avec les déclarations d'Obama, notamment pour l'anonymat sur les réseaux sociaux, le temps semble compté désormais.
En 2008, Barack Obama a utilisé les réseaux sociaux pour mettre en place une chaîne de militantisme sur le terrain. Mais aussi pour collecter les fonds avec un dispositif très inédit alors. A cette époque, Internet était paré de toutes les vertus.
Au début des primaires américaines pour la présidentielle de 2004, l’éclosion imprévisible d’un candidat est intervenue : celle d’Howard Dean. Cette éclosion a constitué une nouvelle étape décisive. Elle a été rendue possible par l’installation du web non seulement comme outil de communication à part entière mais surtout comme un nouveau vecteur de communication bouleversant les méthodes traditionnelles.
Joe Trippi, ancien manager de la campagne internet d’Howard Dean, a introduit une nouvelle distinction entre les campagnes «open source» par opposition aux campagnes traditionnelles organisées selon les modes hiérarchiques classiques.
Dans cette lignée, la «nouvelle campagne de communication» présente sept caractéristiques :
1) elle intègre Internet comme un outil de communication à part entière au même titre que les journaux, la radio, la télévision.
2) Internet est une source d’information avec une double vocation : informer et comparer. Internet est l’outil de communication généraliste par excellence. Le site Internet c’est la télé du candidat.
3) Internet est devenu le support de synthèse inégalable. Il conjugue l’écrit, l’image, l’image activée et le son. La vidéo a pris la première place et la qualité du site est désormais étroitement dépendante de la qualité des vidéos.
4) Parce qu’il est un support d’information à part entière, Internet suppose une démarche cohérente, professionnelle à l’exemple des précautions prises dans la gestion des relations avec les autres médias. C’est le premier poste des équipes de campagnes en nombre, en professionnalisme, en budget.
5) Parce qu’Internet a une culture «à part», les informations doivent conserver des
caractéristiques propres à ce support sans se fondre dans les coutumes des autres médias. Un
site Internet de qualité est donc un site qui dégage un tempérament qui le différencie des
concurrents. C’est donc la course permanente à la «valeur ajoutée» de la dernière version.
6) La logique «live» doit être assumée à fond. Internet c’est le support de l’info à chaud. Elle est éphémère mais vive.
7) Comme pour tout support d’information, l’étape nouvelle actuelle est la bataille des audiences donc des routages et des annonces.
D’outils complémentaires, les sites Internet se sont inscrits au cœur de la politique de communication. Ce fut le cas en 2008 du site Internet du candidat Obama qui sera au cœur de toute sa campagne de communication.
Mais surtout, ce moyen de communication va devenir un moyen d’implication et tout particulièrement dans la collecte des fonds.
Dans la compétition à la collecte de fonds, les Républicains ont traditionnellement un avantage considérable. Pour la première fois, les démocrates les ont battus et largement.
Ils ont collecté des sommes records. Non seulement les démocrates ont collecté davantage de fonds que les Républicains mais au sein des démocrates c’est un candidat pour une première présidentielle qui a devancé une ex-First Lady habituée des réseaux.
Comment expliquer cette situation ?
Pour l’essentiel, Barack Obama a mis en place la première collecte de fonds via Internet par un système de relais de collectes. Il a été le premier à poser comme principe d’efficacité que la collecte c’est le don personnel + l’amorçage d’une chaîne de donations complémentaires.
Le donateur ne doit pas considérer qu’il a rempli son apport en envoyant sa participation. De façon indissociable, son apport passe par la mise en place d’une véritable chaîne et il en est de même pour chaque autre donateur de cette chaîne. Internet est ainsi devenu le meilleur réseau de collecte de fonds. Obama a innové. Il restera une logique Obama dans la collecte des fonds bien au-delà de son résultat dans la présidentielle 2008.
Depuis cette époque, beaucoup de choses ont changé. D'où les alertes de Barack Obama.