Le goûter de Noël (Discours 212)
Je tiens donc à vous remercier tout particulièrement pour votre gentille invitation. Plusieurs fois par an je déploie toute mon énergie pour que notre Commune constitue une vraie communauté.
Cette forme de vie en commun, librement choisie, librement consentie est la marque des civilisations les plus évoluées. Une forme pas si nouvelle d'ailleurs, puisqu'on en trouve le modèle dans l'antiquité, dans des sociétés qui avaient atteint un niveau de progrès que nul ne saurait aujourd'hui contester.
Notre République a plus deux siècles : c'est peu si l'on se réfère aux temps anciens, mais c'est beaucoup si l'on considère tous les avatars qu'elle a connus, les attaques dont elle a été l'objet et même les complots qu'elle a parfois dû déjouer. Sa pérennité montre assez que ceux qui l'ont voulue et l'ont mise en place avaient vu juste.
Les fondements de la République, vous les connaissez et mon propos n'est pas de faire ici un cours de philosophie politique mais je voudrais cependant rappeler rapidement, puisque les passions nous le font parfois oublier, que le système républicain repose sur une façon réfléchie de vivre en communauté en respectant l'individu et en trouvant le juste équilibre entre les aspirations de chacun et les intérêts de tous.
C'est là je crois, un aspect fondamental que nous ne devons jamais perdre de vue sous peine de bafouer cette notion de démocratie dont la République n'est que l'expression.
Trop souvent, la passion, l'enthousiasme, la spontanéité, la foi même, nous conduisent à faire prévaloir l'aspect personnel sur le collectif.
Et si cela peut être parfois bénéfique pour faire avancer les choses, pour qu'elles bougent et se renouvellent, il convient aussi de ne pas se laisser emporter sans mesure et sans réflexion.
L'avènement de la République a ouvert une ère de progrès qui nous paraît aujourd'hui évidente et indispensable. Beaucoup s'étaient battus pour cela pendant des générations et des générations. C'est à eux que nous devons rendre hommage en premier lieu car le but qu'ils s'étaient fixés était alors aux frontières de l'impossible.
Il doit y avoir des moments privilégiés pendant lesquels chacun fait la trêve des conflits, des contestations pour constater d'abord nos acquis en commun.
Noël doit appartenir à ces moments privilégiés. Ce doit être aussi un temps fort de solidarité. La crise tend de plus en plus à nous entraîner dans un "sauve qui peut" généralisé si sauvage que les femmes et les enfants n'ont même plus leur traditionnel droit de priorité.
Les difficultés ressenties pour chacun engendrent un repli sur soi-même rarement atteint.
A chaque époque, des réflexes de solidarité ont heureusement existé : la solidarité familiale, la charité et la bienfaisance, l'assistance. Cette protection sociale suscite aujourd'hui de nombreux débats. Notre solidarité nationale traverse une période de turbulences. Elle est d'autant plus ébranlée qu'elle figure au centre d'un choc entre deux forces contraires. D'une part, les Français perçoivent maintenant avec une conscience implacable que l'Etat providence, c'est eux ; chacun d'entre eux. Ils veulent donc économiser les deniers publics. Mais, d'autre part, si les Français veulent économiser les deniers publics, ils n'entendent pas pour autant renoncer au "filet social" minutieusement tissé au fil des décennies.
La dépense sociale de nos collectivités publiques est difficile à quantifier avec exactitude. Vieille discussion que celle de savoir si la solidarité peut avoir un prix et si le coût d'un service public doit conduire à des déchirantes remises en question. La seule perception par l'opinion publique d'un arbre en mauvais état ne doit pas conduire à faire couper toute la forêt...
A vous voir installés ici devant ces tables, merveilleusement décorées qui supportent notre goûter de tout à l'heure, je me dis que nous avons bien de la chance de bénéficier de tels moments de rassemblement. C'est cette vie que je veux fêter avec vous cet après-midi ; votre vie, la nôtre et celle du petit enfant de la crèche qui nous réunit aujourd'hui.