John McCain en vigie du consensus
Le leader Républicain occupe une place de choix : être le gardien des zones de consensus.
John McCain est un habitué des retours sur le devant de la scène. C'est ce qu'il vit en ce moment une fois de plus.
Le dernier retour identique fut en juin 2007. Jusque là, McCain était en difficulté coincé entre la révélation Romney et la valeur sûre Giuliani. Puis, tout à coup, trois sondages le donnaient gagnant en Iowa, dans le New Hampshire et en Caroline du Sud. Le tournant de la primaire Républicaine s'engageait.
Aujourd'hui, son retour s'avère d'abord paradoxal car son pouvoir d'évocation est à l'opposé des attentes actuelles de l'opinion.
L'opinion attend "une nouvelle génération" moins marquée par les années passées à Washington et donc moins supposée affectée par les nombreux "vices" de la capitale politique.
Elle attend une présidence "révolutionnaire" capable de chausser de nouvelles bottes, établir des relations différentes avec le Congrès, renouer des relations chaleureuses avec bon nombre de pays étrangers, réincarner un imaginaire de liberté.
Mais surtout, John McCain incarne une logique de "présidence impériale" dont l'opinion veut tourner la page après GW Bush.
C'est une "conception exaltée" du pouvoir présidentiel. Elle est aujourd'hui perçue comme dangereuse tout particulièrement en raison des conséquences qui peuvent en résulter en matière de politique étrangère.
Et pourtant, même avec de tels décalages, l'opinion Américaine accorde à McCain une place de choix pour trois raisons.
La première, la plus récente, c'est la reconnaissance du fair play avec lequel McCain a enregistré son échec et salué la victoire de Barack Obama. Dans de telles circonstances, McCain a effectué un parcours sans le moindre reproche. Quelques semaines plus tard, il ajoutait l'autodérision avec humour et bouclait la phase de reconnaissance de défaite dans des conditions irréprochables.
La seconde raison, c'est que l'opinion a conscience d'avoir présenté la facture des années Bush au mauvais payeur. McCain a payé pour une politique qui n'a pas été la sienne mais surtout qui ne correspondait pas à ses propres valeurs.
Enfin, la troisième raison, c'est que John McCain incarne un élu en voie de disparition : le héros des épreuves réelles. Fils d'amiral, petit-fils d'amiral, en 1967, il est pilote d'un avion qui est abattu au-dessus d'Hanoï. Il s'éjecte et se retrouve au sol dans un lac avec une jambe et deux bras cassés. Il est conduit à la prison de Hoa La. L'objectif des nord-vietnamiens est simple. Ils veulent obtenir du fils du Commandant en Chef des Forces du Pacifique qu'il signe son autocritique en se désignant "criminel de guerre". Il refuse et endure 26 mois de confinement solitaire.
Plusieurs mois plus tard, il ne pèse que 45 kilos et les nord-vietnamiens lui proposent alors une libération anticipée. Il refuse et ne sera libéré qu'en 1973.
C'est dans ce contexte favorable qu'il vient d'annoncer sa décision de solliciter l'an prochain un nouveau mandat de Sénateur dans son Etat de l'Arizona.
Dans l'attente, il est aujourd'hui la vigie du Parti Républicain.
A l'intérieur du Parti, il symbolise le trait d'union entre les générations et les doctrines.
Le Parti Républicain est à la recherche d'un leader comme d'une nouvelle doctrine. Les candidats se multiplient. Cette émulation doit intervenir dans l'union. Ou alors elle annoncerait une longue traversée du désert pour le Parti Républicain.
A l'extérieur du Parti, McCain incarne la frontière du consensus. Barack Obama représente une approche nouvelle qui bénéficie d'une indiscutable confiance. Mais cette Administration donne parfois le sentiment de flottements ou d'être très sensible à des doctrines peu habituelles. Tant que McCain garde le silence, c'est la preuve que la "ligne jaune" n'est pas franchie pour une Amérique traditionnelle.