2012 et le règne des campagnes négatives
Dans le monde politique américain, la campagne négative repose sur un bon sentiment : celui du « citoyen averti ».
Le « citoyen averti » est à la démocratie ce qu’est le « consommateur averti » à la consommation quotidienne. C’est celui qui sait déchiffrer les fausses promesses, poser les bonnes questions, ne se laisse pas piéger par les annonces racoleuses…
Mais comment construire « un citoyen averti » ?
Sous cet angle, c’est simple. Il s’agit d’abord de dénoncer les « complots du concurrent ». Il s’agit ensuite d’appliquer la « publicité comparative ».
En ce qui concerne la notion du « complot », l’axe consiste à dénoncer publiquement les comportements qui portent atteinte à la considération des consommateurs ou des citoyens.
Les premiers pratiquent alors le boycott des produits désignés pour cibles.
Les seconds votent contre les candidats ou contre les responsables qui ne respectent pas certaines valeurs.
Aux USA, cette logique crée une véritable dictature du consommateur ou du citoyen et malheur à l’entreprise ou à l’élu qui entre dans le collimateur de groupes de pression qui organisent alors une clameur qui emporte presque tout sur son chemin.
Cette clameur est d’autant plus redoutable qu’elle ne vise pas toujours à établir une stricte matérialité des faits mais à convaincre que le vrai est révélé.
Un éminent juriste établissait dernièrement dans une revue technique la différence considérable qui peut exister entre « l’objectivement probable et le subjectivement certain ».
Dans une époque qui se dit scientifique, la place de ce que le groupe social croit vrai n’a probablement jamais été aussi grande.
Le réel importe moins que ce qu’on croit qu’il est.
Là réside tout le danger et toute la perversité des campagnes négatives.
Elles constituent une structuration du corps social et le rendent ensuite quasi imperméable à des considérations plus objectives.
Le second moyen réside dans la « publicité comparative ». De nombreuses comparaisons peuvent intervenir en politique.
Il est ainsi possible de comparer :
les déclarations et les actes,
les bonnes intentions et les votes,
les chiffres officiels et des statistiques d’autres sources,
les résultats d’un Etat et ceux des voisins,
les résultats d’une période donnée et ceux d’une période antérieure,
….
Les campagnes négatives occupent une place de plus en plus grande dans les démocraties modernes. C’est la reconnaissance qu’une élection est d’abord le refus d’un candidat plus que le vote positif en faveur de l’un des prétendants. Cette reconnaissance est loin d’être évidente puisqu’elle malmène sévèrement l’égo des candidats.
Le dernier exemple le plus remarquable de campagne négative particulièrement offensive fut celle conduite par le leader du Parti Conservateur au Canada en 2006.
Il a basé toute sa campagne sur la dénonciation d’affaires, de scandales dont celui des « commandites ». Un parti qui avait du noter au passage que la « personnalité de l’année » désignée par l’opinion publique n’avait été autre que le juge chargé de l’enquête sur le scandale en question. Palmarès de nature à montrer l’attachement populaire que dégageait l’enquête en question.
Au-delà de ce scandale, c’est la totalité de la campagne du Parti Libéral qui ne peut trouver grâce aux yeux du Parti Conservateur. Le Parti Libéral publie un chiffre. Le Parti Conservateur met en cause la fiabilité du chiffre ou l’indépendance de l’organisme à l’origine de la publication du chiffre en question.
A 15 jours du vote, le Parti Conservateur passe en tête des intentions de vote devançant le Parti Libéral de deux points. Il gagnait quelques jours plus tard et est toujours au pouvoir actuellement. Tout s'était joué et inversé en 30 jours !