A la recherche "d'un modèle français" (Edito 06)

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Les pharaons offraient le spectacle des pyramides. Les Grecs celui des temples parfaits. Les Européens construisirent des cathédrales orgueilleuses. De tous temps, les gouvernants ont cherché à marquer l'Histoire par des réalisations spectaculaires.

Aujourd'hui, loin de telles constructions, la bataille est sur le terrain du modèle de développement économique et social. L'enjeu est symboliquement le même. Il s'agit de déceler le projet mobilisateur pour une nation afin qu'elle "marque le monde".

Ce projet a une double finalité.

D'une part, il a vocation à communication externe. C'est un message donné aux autres nations.

D'autre part, il constitue un outil de communication interne. Il repose sur la vieille notion "d'union sacrée".

Pour remplir cet objectif, le projet doit respecter trois qualités essentielles. Il doit être ambitieux tout en étant susceptible de se concrétiser assez rapidement. Il doit offrir à chacun la perspective d'une identification positive. Enfin, il transcende les divisions traditionnelles pourtant supposées irréductibles. Sous ce dernier volet, ce projet devient une force dépassant les égoïsmes, mobilisant les énergies avec une logique d'universalité.

Susciter le réveil de la nation

Depuis plusieurs semaines, la notion de "modèle français" redevient d'actualité.

L'enjeu est simple. Il faut réveiller les Français. Ils doutent quant à leur identité. Leur volonté de "vivre ensemble" s'estompe en raison d'une poussée de cultures différentes clivantes. Une apathie générale s'installe. Ce climat est peu propice aux efforts collectifs pourtant nécessaires dans de multiples domaines à l'exemple du dernier rapport de la Cour des Comptes sur les dépenses de santé.

Sur le plan extérieur, les citoyens Français entendent parler d'un "modèle britannique" menant avec efficacité la chasse au chômage, restaurant la discipline y compris chez les ados. L'Europe parait exposée à des remises en question profondes à l'exemple du débat sur l'adhésion de la Turquie qui introduirait un "modèle" peu compatible avec nos valeurs républicaines classiques.

Toutes ces circonstances vont dans le même sens : le besoin de redéfinir le ciment de nos groupes sociaux.

Le prochain enjeu conceptuel de la Présidentielle

Tous ces facteurs peuvent, dés à présent, laisser prévoir que la définition "d'un modèle français" sera au centre des débats de la prochaine élection présidentielle. Il ne peut seulement être question de rupture ou "d'exception française". La notion de rupture constitue une étape déjà "digérée" par l'opinion publique qui a perçu depuis longtemps que la Vème République était à bout de souffle. La cohabitation, le changement de la durée du mandat présidentiel, le sentiment diffus mais généralisé de crise permanente... autant de situations qui font qu'il ne serait pas crédible de se présenter à la prochaine élection présidentielle en offrant comme perspective la simple continuité matinée d'un léger changement. Le besoin de rupture est acquis dans l'opinion publique.

Peut-il être alors simplement question de préserver une ou des "exception(s) française(s)" ?

La notion même "d'exception française" est par définition très restrictive et défensive. Il s'agit de protéger des droits acquis. Il n'est pas question de les exporter voire même d'en conquérir de nouveaux. Ces deux notions ne peuvent constituer "des drapeaux" mobilisateurs à la hauteur des défis du moment.

Le vrai défi : concevoir la réconciliation autour du contenu concret d'un modèle français

Cet enjeu conceptuel trouve son creuset dans la certitude de singularité et d'exemplarité qui berce les Français depuis de nombreuses décennies au moins. Avec de tels repères culturels, il est difficile de ne pas concevoir un modèle ambitieux. L'enjeu est de construire un patriotisme moderne, une sorte de nationalisme contemporain.

En août 1914, Poincaré écrivait : "La France sera héroïquement défendue par tous ses fils dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée". Il faut identifier, conceptualiser, concrétiser la "guerre pacifique" qui peut justifier une telle union sacrée. Cet enjeu est d'autant plus important qu'il cache un nouveau positionnement du "pouvoir". Le pouvoir est aujourd'hui perçu comme un briseur d'énergie, un frein, un casseur de vitalité.

S'il parvient à s'associer au "réveil" à partir d'un projet mobilisateur, c'est l'ensemble de l'image de marque du pouvoir qui en sera transformée à tous les échelons.

  • Publié le 20 septembre 2005

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