Les citoyens Français en manque de concertation
Harris Interactive et ResPublica se sont associés pour mettre en place un baromètre annuel de l'opinion des Français sur la concertation locale et les processus de décision publique.
Ce baromètre a pour objectif d'appréhender l'image que les Français résidant dans une commune d'au moins 3500 habitants ont de la « démocratie participative » ou « concertation citoyenne », et de suivre dans le temps leurs opinions ainsi que leur propension à participer à ce type de démarches. Ce baromètre a vocation plus précisément à :
- Mesurer et suivre dans le temps la connaissance des Français des démarches de concertation locale ;
- D'appréhender au fil du temps leurs opinions à l'égard de ces démarches ;
- D'identifier les leviers et les freins au développement de la démocratie participative ;
- De cerner les attentes à l'égard des municipalités à ce sujet.
Ce document présente les enseignements de la deuxième édition de ce baromètre. Cette vague d'enquête reprend non seulement les principales interrogations de la première mesure afin d'identifier d'éventuelles évolutions mais comporte également un volet supplémentaire investiguant plus précisément l'attrait envers la concertation au sujet des dépenses publiques et des budgets participatifs. Elle intègre de plus quelques questions portant sur la concertation au niveau national.
Cette deuxième édition s'est en effet déroulée dans un contexte de crispation forte sur les déficits publics et les équilibres budgétaires (la lutte contre les déficits et la dette étant apparue comme le deuxième thème le plus important aux yeux des électeurs dans leur vote pour l'élection présidentielle de 2012 ) et quelques mois à peine après l'élection de François Hollande en tant que Président de la République.
Or, le nouveau Président et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ont fait part de leur volonté de favoriser la concertation sur un grand nombre de sujets, notamment à travers une grande « conférence sociale » sur l'emploi, les salaires, la formation, les conditions de travail et les retraites ou encore un grand « débat sur l'école ». Les enquêtes menées jusqu'ici par Harris Interactive ont permis de mettre en lumière que cette volonté de concertation rencontrait un écho favorable au sein de la population française.
En effet, le jour du second tour de l'élection présidentielle, deux Français sur trois déclaraient souhaiter que le gouvernement consulte les partenaires sociaux avant de mettre en place des réformes, même si cela devait prendre plus de temps, quand seulement un Français sur trois attendait avant tout du gouvernement des réformes rapides, quitte à ne pas consulter au préalable les partenaires sociaux.
Et une majorité d'entre eux considérait positivement le principe de la conférence sociale, 92% déclarant en effet que l'initiative de réunir en ce début de mandat gouvernement et syndicats leur apparaissait positivement (48% très bonne chose et 44% assez bonne chose). Si l'attitude ouverte à la concertation du gouvernement suscite l'assentiment de la majorité de la population, cela entraîne-t-il des répercussions sur les résultats de notre étude portant principalement sur la concertation au niveau local ?
Quels sont les principaux enseignements de cette deuxième vague de ce baromètre ?
En dépit de la promotion de la concertation par le nouveau gouvernement en ce début de mandat, les termes de « démocratie participative » ou de « concertation » restent inconnus ou méconnus par une majorité de Français. Seuls 31% indiquent bien voir ce qu'ils recouvrent et peu sont capables d'en donner spontanément une définition claire.
Une fois défini, le principe de la démocratie participative ou concertation suscite l'adhésion des Français : le fait d'associer les citoyens à la vie locale et aux prises de décision rencontre en effet l'assentiment d'une large majorité d'entre eux, qui y voient l'occasion de rendre plus transparente et efficace l'action publique. Le fait de mener des démarches de concertation semble d'ailleurs renforcer la confiance dans les élus, 80% estimant qu'un édile qui met en place de telles démarches leur inspire confiance.
Mais nombreux estiment que le principe de la concertation est souvent dévoyé, celle-ci ayant pour effet de « faire croire qu'on écoute les citoyens tout en décidant sans eux ». Ce sentiment que les décisions sont déjà actées et que la concertation est plus du ressort de la communication qu'un véritable appel à contribution existe à la fois chez les participants aux démarches de concertation locales (près de six sur dix ayant eu le sentiment que les décisions étaient prises avant les réunions auxquelles ils ont assistés et estimant que la concertation n'a pas eu d'impact) et chez les non-participants, qui justifient ainsi leur absence. Notons que les participants indiquent d'ailleurs avant tout s'être rendus à la réunion pour avoir de l'information et moins pour participer à la réflexion, ce qui les rend mitigés sur l'utilité de telles démarches et leur capacité à impliquer davantage les citoyens dans la vie de leur territoire.
Un peu moins d'un tiers des répondants déclare savoir que leur commune a déjà mis en place une action de concertation (à travers des ateliers-débats, des réunions, etc.) et un peu moins d'un quart avoir déjà participé à une telle démarche. Ces chiffres sont en légère baisse par rapport à 2011 et confirment les tendances observées l'année dernière, à savoir une plus forte participation des personnes âgées et des sympathisants de Gauche.
En dépit des critiques pouvant être émises sur la concertation telle qu'elle est mise en Å“uvre aujourd'hui, les Français sont très largement favorables à son développement, la moitié d'entre eux estimant d'ailleurs que leur commune n'en propose pas assez. Ils aimeraient avant tout être amenés à réfléchir sur des projets d'urbanisme et de transport, mais également sur le budget et les dépenses publiques.
Plus de huit Français sur dix aimeraient en effet que leur commune organise un budget participatif et plus de sept sur dix indiquent qu'ils souhaiteraient être associés, à travers des démarches de concertation, aux réflexions sur les « efforts financiers » à mener dans leur commune et notamment les choix à faire en matière de dépenses publiques, dont un quart tout à fait. Plus précisément, ils désireraient réfléchir sur ce qui les concerne le plus directement, à savoir le montant des impôts locaux pour les particuliers, mais aussi sur les grandes dépenses d'investissement et les dépenses de fonctionnement. Selon eux, concerter les citoyens dans le cadre des choix budgétaires à venir permettrait de mieux prévoir les conséquences des réductions des dépenses et par conséquent de prendre des décisions plus adaptées, tenant compte de l'intérêt général. Toutefois, si les Français voient avant tout les avantages d'un tel processus, notons qu'une partie non négligeable d'entre eux, particulièrement à droite de l'échiquier politique, considèrent qu'il existe un risque d'exacerbations des conflits et du rôle des lobbies.
Enfin, notons que les Français jugent positivement les démarches de concertation initiées par le gouvernement et déclarent même qu'elles devraient être généralisées à d'autres sujets qui touchent leur vie quotidienne (notamment, en plus de l'éducation, l'emploi ou l'environnement, sujets pour lesquels le processus est déjà amorcé, la sécurité et l'immigration) et étendues au-delà des représentants syndicaux et associatifs.
Méthodologie : enquête réalisée en ligne du 25 juillet au 1er août et du 8 au 15 août 2012. Échantillon de 1314 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus résidant dans une commune d'au moins 3500 habitants, à partir de l'access panel Harris Interactive. Méthode des quotas et redressement appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle et région de l'interviewé(e).
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