Les nouveaux électeurs (Edito 22)

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Alors qu'elle constitue la dernière "fenêtre de tir" avant deux années de consultations électorales majeures et ininterrompues, l'année 2006 se présente sous des angles originaux. En réalité, les différentes enquêtes laissent augurer trois évolutions majeures.

Tout d'abord, tout se présente comme si les français avaient commencé à se préparer à de véritables changements.

Cette préparation est conduite dans un cadre suffisamment mature et autonome au point de conserver des priorités très différentes de celles du discours officiel.

L'opinion publique a progressivement construit des repères simples pour les priorités à conduire et l'actualité récente comme les déclarations fracassantes n'inversent pas significativement cet ordre.

Ensuite, l'opinion publique est manifestement en attente de protection.

Dans cette période où apparaissent en permanence de nouvelles menaces y compris celles auxquelles nous n'avions jamais songé, l'opinion publique aspire à la création de nouvelles formes de protection.

La poussée dans les sondages de Ségolène Royale est souvent interprétée comme une aspiration à la présence renforcée de femmes dans la vie politique française. Cette aspiration n'est pas une priorité. Ainsi, dans le dernier sondage IFOP sur les priorités des Français pour 2006 (voir le détail sur le site Internet de l'IFOP), seulement 20% des français aspirent à une meilleure représentation des femmes dans la vie politique.

La réalité, c'est que la société accorde une place plus importante à des valeurs traditionnellement reconnues comme féminines :
- la priorité au côté pratique des choses,
- l'intuition,
- le respect de la vie,
- une forme de protection qui s'accompagne de douceur.

Des femmes peuvent incarner ces valeurs mais ce sont les valeurs qui sont attendues et non pas une approche sexiste car ces valeurs ne sont pas l'exclusivité du sexe féminin.

A l'opposé de ces valeurs, l'opinion publique rejette tout ce qui peut s'apparenter aux conflits, à des approches rugueuses, à l'énergie trop clivante. Ce climat est probablement un vrai défi pour la candidature de Nicolas Sarkozy dans la logique d'un second tour rassembleur. Il doit corriger rapidement et significativement son pouvoir d'évocation qui s'éloigne beaucoup d'un tel climat tout particulièrement dans sa façon de traiter certaines formes d'exclusions interprétées comme sources de violences.

Enfin, dernier trait caractéristique, les blocs électoraux se constituent sur des bases nouvelles transversales qui traduisent des attitudes communes devant la vie (mode de vie et système de valeurs) et qui, à ce jour, vont s'agréger d'abord pour dire non.

La désacralisation du discours politique a libéré l'espace pour l'émergence du "citoyen justicier". Toujours sceptique et méfiant, ce citoyen ne croit pas aux visionnaires et aspire d'abord à éviter "le pire".

C'est cet état d'esprit qu'il ne faut pas braquer. Dans ce contexte, le discours doit plutôt s'organiser autour d'un ni continuité ni rupture mais transformation dans la douceur et dans la flexibilité.

Cette ambiance conduit à une nouvelle offre politique. Bien davantage, avec cette ambiance, les citoyens sont entrés en résistance à l'égard de l'ancienne politique celle qui traduirait un "retour à la normale" avec les pratiques d'antan. La saturation a bien été atteinte. Le besoin général de nouveauté s'est développé.

Cette nouveauté est d'autant plus forte que jamais qu'avec l'émergence de "valeurs féminines", c'est en réalité l'attente de nouvelles conditions d'exercice du pouvoir avec des choix d'utilité dans un contexte général de compréhension et de protection.

  • Publié le 10 janvier 2006

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